La loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 et la relance de la filière nucléaire

La loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a été publiée au Journal officiel du 23 juin 2023. Elle vient actualiser la planification énergétique. Elle simplifie les procédures administratives relatives à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires tout en prolongeant la durée de vie des installations nucléaires existantes. Elle cherche aussi à améliorer la sûreté et la sécurité nucléaires.
L. n° 2023-491, 22 juin 2023, relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, NOR : ENEP2223723L
Le 4 mai 2023, les députés et les sénateurs, réunis en commission mixte paritaire, sont parvenus à un compromis sur ce texte législatif qui vise à faciliter le développement de l’énergie nucléaire. Présenté au conseil des ministres du 2 novembre 2022, il a fait l’objet au Parlement de la procédure accélérée et a été définitivement adopté par ce dernier, le 16 mai 2023, par un vote ultime de l’Assemblée nationale. Le Sénat s’est félicité de l’adoption « d’un texte ambitieux, reprenant largement ses apports »1. Il s’agit d’un « texte majeur pour bâtir l’indépendance énergétique de notre pays (…) et qui [lui] permettra de produire une énergie abondante, compétitive et décarbonée » a affirmé la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, le 9 mai 2023, devant les sénateurs.
Dans sa décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023, le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par plus de soixante députés, a validé l’essentiel de la loi. Il a jugé sa procédure d’adoption conforme à la Constitution et a notamment rejeté le grief tiré de l’absence de prise en compte des résultats du débat public sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Pour la haute juridiction, « il ne résulte d’aucune exigence constitutionnelle ou organique que le dépôt du projet de loi à l’origine du texte déféré puis son examen par le Parlement soient subordonnés à l’achèvement de consultations du public ou à l’adoption de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique ». Si le Conseil n’a pas suivi les députés requérants qui souhaitaient obtenir l’annulation de la totalité du texte, il a toutefois censuré pour tout ou partie dix articles en raison de leur caractère de « cavaliers législatifs ». Il a ainsi rejeté l’article 26 de la loi qui permettait un durcissement des sanctions pénales en cas d’intrusion, sans autorisation de l’autorité compétente, dans une centrale nucléaire2.
La loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 reprend certaines préconisations de la mission d’information sénatoriale sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas carbone dont le rapport a été remis le 20 juillet 2022. Elle opère un changement fondamental de la politique énergétique nationale en supprimant les « verrous » posés à la relance du nucléaire par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015. La relance de la filière nucléaire a d’ailleurs été actée avec l’annonce par le président de la République lors de son discours de Belfort, le 10 février 2022, de la construction de six réacteurs nucléaires de troisième génération (EPR2) et du lancement d’études pour la construction de huit EPR2 supplémentaires. Dans ce même discours intitulé « Reprendre en main notre destin énergétique », il a aussi indiqué qu’il avait décidé « de prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être sans rien céder sur la sûreté ».
La loi du 22 juin 2023 vient simplifier les procédures liées à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Il s’agit de raccourcir les délais de réalisation des futurs EPR2 dont l’implantation est envisagée sur des sites nucléaires existants ou à proximité immédiate (art. 7). Ces mesures de simplification concerneront l’ensemble des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la création d’un réacteur électronucléaire ou à sa mise en service, ses ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité ainsi que les installations ou aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de sa réalisation (art. 7). Elles seront applicables aux projets de réacteurs pour lesquels la demande d’autorisation de création sera déposée au cours des vingt ans suivant la promulgation de la loi.
D’autre part, la loi du 22 juin 2023 simplifie et sécurise certaines procédures administratives pour permettre la poursuite d’exploitation des réacteurs nucléaires en service. Elle permet aussi la ratification de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, qui s’attache en particulier à renforcer les moyens de contrôle et les pouvoirs de sanction de l’Autorité de sûreté nucléaire (art. 23). Par ailleurs, plusieurs articles de la loi sont consacrés à des demandes de rapports qui devront être adressés par le gouvernement au Parlement.
Il s’agira pour nous dans cette étude de présenter les principaux apports de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023. Nous verrons qu’elle réoriente la politique énergétique nationale (I) et présente des mesures visant à simplifier les procédures administratives pour favoriser la construction de nouveaux réacteurs nucléaires (II). Elle comporte également des mesures relatives au prolongement de la durée de vie des installations nucléaires de base existantes (III). Enfin, elle cherche à renforcer la sûreté et la sécurité nucléaires (IV).
I – La réorientation de la politique énergétique nationale
Lors de l’examen du texte, les parlementaires ont souhaité revenir sur l’objectif d’une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035 (art. 1er). C’est l’article 1er de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui avait fixé cet objectif et cela à l’horizon de 2025, dans un souci de réduire la dépendance de la France au nucléaire. Il s’agissait de l’une des mesures phares de la LTECV de 2015. La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique français a ensuite été reportée de 2025 à 2035 par l’article 1er de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi énergie-climat. L’énergie nucléaire a représenté, en 2022, 62,7 % (contre 69 % en 2021) de la production nationale d’électricité.
Les parlementaires ont souhaité aussi revenir sur le plafonnement de la capacité nucléaire à 63,2 gigawatts (GW) qui avait été imposé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015. La loi du 22 juin 2023 abroge l’article L. 311-5-5 du Code de l’énergie qui interdisait de délivrer une autorisation à une installation nucléaire de base si celle-ci portait la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 GW. Selon le rapport de la commission d’enquête parlementaire « visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » qui a été publié le 6 avril 2023, la limitation de la production nucléaire à 63,2 GW a été « une autre mesure de la LTECV symptomatique du changement de vision politique sur l’énergie nucléaire durant la décennie 2010 ».
Désormais, la part du nucléaire dans le mix électrique français n’aura plus « ni plancher ni plafond » selon la formule employée par la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, à l’Assemblée nationale, le 13 mars 2023. Il s’agit pour le gouvernement d’un « signal fort » pour la relance de la filière nucléaire. La députée Maud Bregeon, rapporteure du texte, a souligné le 1er mars 2023 devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale que « la filière [nucléaire], après des années de signaux négatifs ou contradictoires, a besoin d’un message clair de relance et de confiance ».
La loi du 22 juin 2023 impose une révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui prendra en compte cette réorientation de la politique énergétique (art. 1er). Le gouvernement devra réviser la PPE actuellement en vigueur, qui a été adoptée par le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020, pour y retirer la trajectoire de fermeture des 14 réacteurs existants.
Les dispositions de l’article 4 de la loi prévoyant que la prochaine loi quinquennale sur l’énergie vienne acter la construction des EPR2 et des petits réacteurs modulaires (PRM) ont été censurées par le juge constitutionnel. Ce dernier a également censuré l’article 3 de la loi qui modifiait le Code de l’énergie afin de prendre en compte l’hydrogène bas carbone dans les objectifs de la politique énergétique nationale et dans la PPE.
Par ailleurs, avant le dépôt du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport évaluant notamment l’impact de la construction de 14 réacteurs électronucléaires sur la filière nucléaire française, les besoins en formation ainsi que sur le cycle du combustible (art. 5). Un autre rapport gouvernemental devra éclairer la représentation nationale « sur les choix technologiques » du gouvernement afin de relancer le nucléaire et les « modes de financement » retenus (art. 6).
II – Les mesures destinées à accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants
La loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 simplifie la mise en compatibilité des documents d’urbanisme applicables aux projets de création d’un nouveau réacteur électronucléaire à proximité d’une centrale existante. Elle permet de qualifier les projets de réacteurs de « projet d’intérêt général » au sens de l’article L. 102-1 du Code de l’urbanisme (art. 8). Cette qualification devra obligatoirement être prononcée par décret en Conseil d’État et non plus par arrêté préfectoral comme c’est le cas dans la procédure de droit commun. Elle ne pourra pas intervenir avant qu’ait été dressé le bilan du débat public ou de la concertation préalable.
La mise en compatibilité des documents d’urbanisme est simplifiée avec un engagement de la procédure par le préfet et une simple mise à disposition du projet au public. Le préfet engagera « sans délai la procédure de mise en compatibilité » des documents d’urbanisme concernés. Il procédera « à l’analyse des incidences notables sur l’environnement du projet de mise en compatibilité » et transmettra le dossier à l’autorité environnementale. Lorsqu’il fera l’objet d’une évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité sera soumis à la procédure de participation du public par voie électronique qui est prévue à l’article L. 123-19 du Code de l’environnement. Dans le cas contraire, il sera « mis à la disposition du public pendant une durée d’un mois, dans des conditions lui permettant de formuler ses observations ».
Les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création d’un réacteur électronucléaire seront dispensés d’autorisation d’urbanisme (art. 9). L’étude d’impact du projet de loi indique que cette dispense est nécessaire car « le formalisme attendu d’un dossier de permis de construire n’est pas adapté à l’ampleur, la complexité et la sensibilité d’un projet de création de centrale électronucléaire ». La conformité des projets de réacteurs électronucléaires aux règles d’urbanisme sera vérifiée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur. L’exploitant du réacteur, qui sera considéré « comme titulaire d’une autorisation de construire », sera redevable de la taxe d’aménagement.
La construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde ne pourra être entreprise qu’après la délivrance de l’autorisation de création du réacteur électronucléaire. En revanche, les autres opérations liées à sa réalisation pourront, « aux frais et aux risques de l’exploitant, être exécutées à compter de la date de délivrance de l’autorisation environnementale » (art. 11). Ce dispositif est de nature, selon d’étude d’impact du projet de loi, à « réduire d’un à deux ans la durée de construction d’un réacteur (…) en permettant un démarrage anticipé des travaux ».
Comme le Sénat le souhaitait, les réacteurs nucléaires seront exclus du décompte de l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) pour les collectivités territoriales (art. 9). Le législateur avait également prévu qu’une loi vienne fixer, avant le 1er janvier 2024, « les modalités dérogatoires de la prise en compte, au sein des documents de planification et d’urbanisme (…) de l’artificialisation des sols et de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des grands projets d’envergure nationale ». Mais le Conseil constitutionnel a jugé que cette mesure était contraire à la Constitution.
Par ailleurs, la réalisation d’un réacteur répondant aux conditions définies par décret en Conseil d’État sera constitutive d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), au sens de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement (art. 12). Cette présomption de RIIPM devrait faciliter, pour certains types de réacteurs, l’obtention d’une « dérogation espèces protégées », à la condition que les deux autres critères soient réunis, à savoir l’absence de solution alternative satisfaisante et le maintien de l’espèce concernée dans un bon état de conservation. Si cette disposition relative à la RIIPM figurait dans le texte gouvernemental initial, elle avait été retirée du projet de loi à la suite de l’avis du Conseil d’État du 27 octobre 2022 avant d’être rétablie par les députés en séance publique. On retrouve cette mesure de simplification dans la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. En effet, cette loi, qui est complémentaire de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023, a institué une présomption de RIIPM pour certains projets d’énergies renouvelables.
D’autre part, de nouveaux réacteurs nucléaires pourront être construits en bord de mer dans le périmètre d’une centrale nucléaire existante. La réalisation d’un réacteur ainsi que les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à son exploitation ne seront pas soumis aux dispositions de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral (art. 13). La commission mixte paritaire (CMP) a renforcé la sécurité juridique de la procédure en instituant « une clause de revoyure par le biais d’un rapport [du gouvernement], remis tous les quatre ans au Parlement »3, afin de lui présenter les dispositions prévues par les exploitants ou les porteurs de projets de réacteurs électronucléaires ainsi que par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, « pour faciliter et pour encourager l’enfouissement des infrastructures de transport d’électricité » (art. 13).
La concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la construction d’un réacteur électronucléaire sera, par dérogation à l’article L. 2124-2 du Code général de la propriété des personnes publiques, délivrée à l’issue de l’enquête publique environnementale et sans déclaration d’utilité publique préalable (art. 14). Elle sera approuvée par décret en Conseil d’État, sous réserve de l’engagement pris par l’exploitant de respecter un cahier des charges.
La procédure de prise de possession immédiate, prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, pourra s’appliquer dans le cadre de la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Cette « procédure de derniers recours » pourra être appliquée pour prendre possession de tous les immeubles, bâtis ou non bâtis, dont l’acquisition est nécessaire à sa réalisation (art. 15). Ce dispositif est comparable à celui institué à l’article 13 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Enfin, le texte attribue au juge administratif des pouvoirs de régularisation lorsqu’il sera saisi d’un litige formé à l’encontre d’un acte administratif afférent à un projet de réacteur électronucléaire (art. 16). Il pourra demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité. Il devra surseoir à statuer en cas de possibilité de régularisation. Le juge devra motiver son refus de faire droit à une demande d’annulation partielle ou de sursis à statuer. En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’acte, il déterminera s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’acte non viciées. Une procédure analogue est prévue s’agissant du contentieux minier4 et du contentieux de l’autorisation environnementale5.
III – Les mesures destinées à permettre la poursuite d’exploitation des réacteurs nucléaires en service
Le législateur a cherché à améliorer la gestion des arrêts prolongés de fonctionnement des installations nucléaires de base (INB). Il a modifié la rédaction de l’article L. 593-24 du Code de l’environnement afin de ne plus rendre automatique l’arrêt d’une INB lorsqu’elle a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans. Un décret pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pourra désormais ordonner la mise à l’arrêt définitif d’une INB ayant cessé de fonctionner pendant une telle durée (art. 22). L’exploitant devra avoir eu la possibilité de présenter ses observations.
D’autre part, la procédure de réexamen périodique des réacteurs électronucléaires de plus de 35 ans est modifiée (art. 20). L’actuel article L. 593-18 du Code de l’environnement dispose que l’exploitant d’une INB procède à son réexamen périodique, au moins tous les 10 ans. Ce réexamen fait l’objet d’un rapport produit par l’exploitant qui est analysé par l’Autorité de sûreté nucléaire, laquelle est l’autorité administrative indépendante chargée du contrôle des activités nucléaires civiles. La loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 prévoit que ce rapport fera dorénavant l’objet d’une enquête publique. Elle précise aussi que l’ASN pourra imposer à l’exploitant des prescriptions complémentaires au vu de l’analyse du rapport de réexamen et des conclusions de l’enquête publique. Le Sénat a obtenu la remise par l’exploitant d’un rapport quinquennal sur la sûreté nucléaire dans le cadre de la procédure de réexamen.
Par ailleurs, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport relatif à la faisabilité, aux coûts, aux bénéfices et aux conditions de la poursuite du fonctionnement, jusqu’à 60 ans et au-delà, des réacteurs électronucléaires en fonctionnement en France au 1er janvier 2023 (art. 28). Il devra également lui adresser un rapport détaillant les dispositions prévues par les exploitants des réacteurs pour assurer une gestion économe et optimisée de la ressource en eau « au regard des meilleures techniques disponibles dans le domaine » (art. 30).
Enfin, dans sa décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 19 de la loi qui prévoyait la remise au Parlement d’un rapport recensant les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires aux missions de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. Le Conseil a jugé que cette disposition avait été adoptée selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Il a aussi rejeté pour la même raison l’article 24 de la loi, qui autorisait l’ASN à recruter des agents contractuels de droit public et de droit privé pour faire face à des besoins importants en personnel. Ce faisant, il a donné tort au législateur qui, lui, avait considéré que ces différentes dispositions intéressant le fonctionnement de l’ASN étaient susceptibles de se rattacher aux articles du projet de loi initial qui traitaient des missions de cette autorité administrative indépendante en matière de réexamen périodique et de mise à l’arrêt des centrales nucléaires.
IV – Les mesures visant à renforcer la sûreté et la sécurité nucléaires
La loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 vient inclure le changement climatique et ses conséquences ainsi que la cybersécurité dans les éléments qui devront être pris en compte tant dans l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base que lors des réexamens périodiques (art. 21). Dans son communiqué de presse du 4 mai 2023, la commission des affaires économiques du Sénat s’est réjouie que ce texte vienne intégrer, comme elle l’avait préconisé, « la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs nucléaires » ainsi que « la cyber-résilience dans leur protection contre les actes de malveillance ».
La commission mixte paritaire a écarté les dispositions qui prévoyaient la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – un établissement public chargé de l’expertise dans le domaine de la sécurité nucléaire dont les missions sont définies par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 – afin notamment de « fluidifier le processus de décision ». Ce projet de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire, issu du conseil de politique nucléaire réuni par le président de la République, le 3 février 2023, qui n’a pas été examiné par le Sénat, avait suscité de vives critiques. Adopté par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale à l’initiative du gouvernement, il avait été rejeté en séance publique par les députés. Mais la commission mixte paritaire n’a pas repris l’amendement voté par l’Assemblée nationale qui visait, lui, à empêcher la fusion ASN-IRSN en affirmant que la sécurité nucléaire reposait « sur une organisation duale ». L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a été saisi par le Sénat afin de produire une étude sur les conséquences de cette fusion.
La commission mixte paritaire a également supprimé les dispositions votées par les députés qui cherchaient à améliorer le contrôle parlementaire sur la filière nucléaire avec la création d’une délégation parlementaire au nucléaire civil. Lors de la réunion de la CMP, la députée Maud Bregeon, rapporteure pour l’Assemblée nationale, a fait valoir que l’OPECST et les commissions permanentes des deux assemblées parlementaires « ont déjà compétence sur les problématiques liées à la sûreté et à la sécurité nucléaires ».
En conclusion, il apparaît que la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 devrait faciliter la construction de six nouveaux EPR, « le plus grand projet industriel lancé en France depuis les années 1970 »6. Elle est la traduction législative des annonces faites par le président de la République le 10 février 2022, lors de son discours de Belfort, dans lequel il a déclaré qu’il fallait « reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France ». Elle est avec la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables l’un des principaux piliers de la stratégie énergétique française.
Notes de bas de pages
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1.
Sénat, communiqué de presse, 4 mai 2023.
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2.
Cet article donnait aussi la possibilité au juge de priver d’aides publiques des associations qui s’introduiraient illégalement dans une centrale nucléaire, pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans.
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3.
V. CMP, rapp. nos 1185 et 578, 4 mai 2023, p. 19.
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4.
C. minier, art. L. 115-2.
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5.
C. envir., art. L. 181-18.
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6.
A. Pannier-Runacher, entretien au Figaro, 17 janv. 2023.
Référence : AJU009m8
