Les enjeux de gestion des forêts péri-urbaines, l’exemple du département des Yvelines
La politique départementale de gestion des forêts s’attache à trouver un point d’équilibre entre des objectifs alliant gestion durable et préservation la biodiversité, exploitation et valorisation de la filière bois ou réponses aux demandes sociétales : l’exemple du département des Yvelines.
Les forêts, occupent près d’un quart de la surface de la région Île-de-France, qui ne compte pas moins de 50 forêts domaniales, soit 72 500 hectares de forêt qui abritent 148 sites culturels. Certains d’entre eux sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme les châteaux de Fontainebleau et de Versailles. En dépit d’une urbanisation importante, le taux de boisements s’élève à 23 % en Île-de-France, contre 30 % en moyenne sur l’ensemble du territoire.
Les Yvelines, le département le plus boisé d’Île-de-France
Les forêts des Yvelines couvrent plus de 68 000 hectares, soit environ 30 % de la surface totale du département, ce qui en fait le département le plus boisé d’Île-de-France. Parmi elles, on compte 24 000 hectares de forêts domaniales gérées par l’Office national des forêts (ONF, région Île-de-France – Nord-Ouest), 1 500 hectares de forêts régionales et 1 300 hectares de forêts départementales Ces forêts sont pour la plupart les reliques d’un ensemble plus vaste, la « forêt de l’Yveline », qui s’étendait de Paris à Rambouillet. Il s’agit des derniers grands espaces sauvages des Yvelines et le massif de Rambouillet y tient une place stratégique. La politique départementale de gestion des forêts du département des Yvelines s’articule autour de trois grands objectifs : la protection de la biodiversité, le maintien de la production et l’accueil du public. Ils incarnent sur le territoire des Yvelines la traduction des grandes orientations du nouveau Programme régional de la forêt et du bois (PFRB), un document stratégique, élaboré en collaboration par le préfet de la région d’Île-de-France, le préfet de Paris et la présidente du conseil régional, et approuvé par arrêté ministériel le 21 janvier 2020 par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Il est une émanation à l’échelon régional du Programme national de la forêt et du bois (PNFB), issu de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014. Ses cinq orientations stratégiques pour les dix prochaines années consistent à gérer les forêts franciliennes de façon dynamique et durable dans un contexte de changement climatique, à renforcer la compétitivité et l’emploi de la filière bois francilienne, à encourager les dynamiques territoriales, à répondre aux attentes sociétales en matière de nature, de paysage et d’accueil du public et à communiquer sur la gestion forestière, la biodiversité, la filière forêt bois et ses métiers. Parmi les priorités identifiées figurent le classement en forêt de protection, des forêts péri-urbaines, afin de préserver le patrimoine forestier pour les générations futures ainsi qu’une réflexion sur l’accessibilité pour ces forêts. La filière bois et sa valorisation constituent également un axe stratégique de développement. Le patrimoine forestier doit faire l’objet d’une gestion durable et multifonctionnelle du patrimoine forestier tout en prenant en compte les attentes du public.
Un réservoir de biodiversité protégé
La forêt est une réserve de biodiversité. Les forêts d’Hilarante recèlent 1 459 espèces végétales, 17 espèces d’amphibiens, 56 espèces de mammifères indigènes dont 20 espèces de chauves-souris reproductrices, d’après les chiffres de l’Office national des forêts. La région s’intègre pour une grande partie dans le dispositif Natura 2000, réseau référant des sites naturels de l’Union européenne à biodiversité de grande valeur. En Île-de-France, 57 % des forêts sont classées Natura 2000. Dans le département des Yvelines, la forêt de Fausses-Reposes, partagée avec le département des Hauts-de-Seine a été classée en forêt de protection en 2007. Il s’agit du statut le plus protecteur pour une forêt en France. Il permet de protéger entre autres les forêts situées à la périphérie des grandes agglomérations contre les menaces de l’urbanisation, du développement des infrastructures et de la sur-fréquentation (art. L. 411-1 du Code forestier). La forêt de Rambouillet a été classée en forêt de protection en 2009. Le massif de Saint-Germain-en-Laye a été classé en forêt de protection en 2019. Le classement en forêt de protection interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation des sols de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements et garantit ainsi la pérennité de l’état boisé. Les sites sont préservés de tout défrichement et de tout nouveau projet d’infrastructure, d’urbanisation ou d’artificialisation qui porteraient atteinte à son intégrité, sans remettre en cause leur vocation multifonctionnelle (à la fois espace de détente et de loisirs, espace de production sylvicole et réserve de biodiversité aux portes de la ville). Dans les forêts du territoire des Yvelines, le département s’attache à limiter les coupes rases et à maintenir sur certaines parcelles un couvert forestier continu en ne prélevant que les arbres arrivés à maturité (futaie irrégulière). Pour certaines parcelles où la forêt présente des enjeux stratégiques en matière de biodiversité ou de paysage le département opte pour des îlots de vieillissement retardant l’exploitation de plusieurs dizaines d’années. Dans certains cas, il peut aller encore plus loin en installant des îlots de sénescence où aucune intervention humaine n’est autorisée, et cela sans limite de temps.
Une forêt privée encore sous-exploitée
Ces décisions de classement n’interdisent pas les actions de gestion forestière. Au contraire, les dossiers de classement comportent des orientations et des conseils pour promouvoir une meilleure gestion du massif, validés par le comité de pilotage regroupant tous les acteurs et usagers du massif. Or la compétitivité de la filière bois francilienne s’accélère, souligne l’Office national des forêts. Pourtant, l’ouest francilien dispose d’une ressource en bois locale aujourd’hui sous-exploitée, alors que la région importe du bois énergie d’autres régions et de l’étranger souligne une étude de la CCI de 2022 dédiée à la filière bois dans les Hauts-de-Seine et dans les Yvelines. Le département des Yvelines abrite 61 % de forêts privées et compte plus de 27 000 propriétaires. La forêt publique se répartit entre forêts domaniales, régionales, départementales et communales, toutes gérées par l’Office national des forêts (ONF). 42 % de la surface forestière francilienne est certifiée PEFC (programme de reconnaissance des certifications forestières). Dans les Yvelines, la forêt privée francilienne apparaît sous-exploitée. Son morcellement rend plus difficile son exploitation (la majorité des propriétaires possède moins d’un hectare), malgré l’existence de coopératives forestières. En conséquence, elle se densifie et vieillit. La composition des massifs des Yvelines essentiellement des feuillus constitue un autre handicap. Malgré leurs qualités, les feuillus sont aujourd’hui beaucoup moins utilisés que les résineux dans la construction du fait principalement de leur coût plus élevé (croissance lente, récolte et sciage plus complexes, faible industrialisation…). Un tiers du bois récolté en Île-de-France provient des forêts yvelinoises. La moitié de la récolte francilienne est destinée au bois énergie, mais ce chiffre tend à diminuer. La part du bois d’industrie est minoritaire dans la région (14 %). Depuis 2019, la part de bois d’œuvre est repartie à la hausse. Et si le recours au bois dans la construction va s’intensifier en Île-de-France, notamment du fait des nouvelles réglementations environnementales (RE2020…), il n’est pas sûr que la filière puisse en profiter en raison du recours au bois feuillu aujourd’hui très limité et du manque de foncier disponible dans l’ouest francilien et de son coût très élevé.
Un usage de loisir marqué
La chasse, utile à la régulation des espèces animales et source de revenu pour les propriétaires est parfois préférée à l’exploitation forestière, du fait de contraintes moindres. L’exploitation forestière doit également être conciliée avec les autres usages de la forêt. Les habitants tendent à considérer avant tout les forêts comme des lieux de promenade et de loisirs. Espace de production sylvicole, la forêt de Saint-Germain-en-Laye est également un lieu de détente et de loisirs comme en témoignent ses plus de trois millions de visiteurs par an. Le Massif de Rambouillet, une forêt péri-urbaine et un ancien massif royal, historique, qui présente encore toutes les caractéristiques d’un grand massif forestier attire, quant à lui, chaque année onze millions de visiteurs.
Référence : AJU010h5