Sport et environnement : un désir de sensibilisation en commun

Publié le 28/05/2024

Comment le sport peut-il s’adapter face au changement climatique ? Comment doit-il évoluer pour réduire son impact sur le climat ? À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, ces questions, et d’autres, ont été débattues lors de la 4e Semaine nationale du sport et de l’environnement organisée par l’Association nationale des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (ANESTAPS). À cette occasion, l’Académie du Climat à Paris accueillait une conférence sur l’adaptation de la pratique sportive face au changement climatique. « Le monde du sport ne peut détourner le regard », estime Clémence Carfantan, chargée de mission « Urgence écologique » pour l’ANESTAPS. Retour sur ces questionnements sociétal.

Actu-Juridique : Quel est l’impact du sport sur le climat ? Est-il quantifiable ?

Clémence Carfantan : Le sport, c’est indéniable, comme toute activité humaine, a un impact sur l’environnement. Que l’on prenne en compte l’entretien ou la réalisation des équipements, les déplacements des sportifs et des supporteurs ou encore la consommation d’articles, le sport n’est pas sans impact sur le climat. C’est pour cette raison précisément que l’ANESTAPS organise désormais depuis quatre ans une semaine dédiée à cette thématique : la Semaine nationale du sport et de l’environnement. Pour nous, il est primordial que le sport, et donc à travers lui tous les acteurs engagés, entreprenne une véritable démarche écoresponsable. Le monde du sport ne peut détourner le regard. Car s’il est difficile de mesurer précisément son rôle dans le dérèglement climatique, il est, comme je vous le disais, responsable à sa mesure d’effets néfastes. Pour ce qui est précisément des conséquences du dérèglement climatique sur le sport, un rapport publié en 2021 du Fonds mondial pour la nature (WWF) France indiquait, par exemple, qu’une hausse des températures de 4 °C entraînerait une perte de deux mois d’activité sportive pour les Français. Les canicules, la montée des eaux, la pollution de l’air ou encore le manque d’enneigement auront des répercussions sur les activités mais aussi sur les sites de pratique eux-mêmes.

AJ : Les acteurs du monde du sport ont-ils conscience de ces enjeux ? Sont-ils mobilisés pour contrecarrer cela ?

Clémence Carfantan : Il est évident que la prise de conscience gagne, avec le temps, le monde du sport. Est-ce pour autant suffisant ? Pas encore selon nous, même si nous observons des changements dans les pratiques et habitudes. Lors de la dernière Coupe du monde de rugby par exemple, une grande partie des déplacements des équipes se sont faits en train. Cela peut sembler anecdotique mais ce n’est pas sans impact sur le grand public. Au niveau institutionnel, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a désormais une plateforme dédiée à la responsabilité sociale des organisations sportives (RSO). Une feuille de route environnement est d’ailleurs en construction entre le CNOSF et l’ANESTAPS afin de renforcer nos liens et nos actions sur l’ensemble du territoire à travers les acteurs et actrices du mouvement sportif.

Et de manière générale nous voyons se développer localement toute une série d’initiatives pour réduire, entre autres choses, la production de déchets lors d’événements. Une fois encore cela peut sembler insuffisant mais ce sont des engagements qui méritent d’être soulignés.

AJ : Pourquoi le sport n’arrive-t-il pas à s’engager plus encore dans ce mouvement ?

Clémence Carfantan : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre précisément. Il paraît néanmoins clair qu’il y a, surtout pour les grands événements, une problématique d’ordre financière avec les sponsors. Concilier des objectifs environnementaux, financiers et de performance n’est pas toujours évident. Les spectateurs veulent aussi assister, le plus possible, à du grand et beau spectacle. Qu’est-ce que le sport de haut niveau ? Quel avenir pour les grands événements sportifs ? Voilà certaines des questions qui devraient être débattues pour agir efficacement et réduire l’empreinte environnementale du sport. Il faudrait repenser le sport de demain, le modèle sportif de demain.

AJ : Les étudiants en STAPS, que vous représentez en tant qu’association nationale, sont-ils concernés davantage que leurs aînés par la problématique environnementale ?

Clémence Carfantan : Oui, très clairement. Beaucoup d’entre eux estiment d’ailleurs qu’ils ne sont pas assez formés à ce sujet même si des enseignants sont déjà proactifs et acteurs du changement. L’ANESTAPS est mobilisée pour que la thématique environnementale soit mieux prise en compte dans le cursus des étudiants, c’est le but du projet « Transition Éco STAPS » soutenue par la C3D (Conférence des directeurs et doyens STAPS). D’ailleurs, en 2027 tous les étudiants devront être formés aux enjeux de la transition écologique. Nous serons attentifs à la bonne application de cette obligation.

AJ : Comment jugez-vous les décisions prises, et parfois débattues, quant à l’organisation de grands événements dans certains pays ? La Coupe du monde de football au Qatar, les Jeux asiatiques d’hiver en Arabie saoudite, on semble loin des préoccupations environnementales…

Clémence Carfantan : Nous sommes bien entendu étonnés de voir de tels choix. Nous nous interrogeons aussi sur notre engagement. Il est déjà difficile de faire changer des habitudes alors quand on voit de telles décisions, nous ne pouvons qu’être dubitatifs. L’ANESTAPS s’est d’ailleurs positionnée en cosignant récemment une tribune sur l’organisation en France, dans les Alpes plus précisément, des Jeux olympiques d’hiver en 2030. Pour nous c’est clair : si nous sommes en faveur de cette candidature, nous exigeons qu’elle respecte scrupuleusement tous les engagements climatiques pris par la France et réponde aux attentes des citoyens en la matière. Le sport oui, mais pas à n’importe quelle condition. Il ne serait pas concevable, par exemple, d’imaginer des compétitions avec de la seule neige artificielle ou de bétonner de nouvelles stations. L’argent investi devra également servir à une transition écologique des territoires de montagne.

AJ : À ce propos, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris sont également critiqués pour l’empreinte environnementale qu’ils vont générer. Quelle est votre position à ce sujet ?

Clémence Carfantan : En tant qu’organisation représentative des jeunes dans le champ du sport et de l’animation, nous sommes évidemment ravis d’accueillir les Jeux olympiques en France. C’est un coup de projecteur sans égal pour le sport et les sportifs. C’est aussi une opportunité unique d’ancrer la pratique dans les territoires et d’accélérer la réalisation d’équipements. Les investissements sont sans précédent et nous ne pouvons que nous en réjouir. L’ANESTAPS a été, et est encore, pleinement investie dans la bonne organisation des enjeux. Toutefois, comme je vous le disais à l’instant, nous sommes préoccupés par certaines décisions environnementales et sociétales que nous dénonçons et continuerons de dénoncer. Nous sommes opposés par exemple à la réquisition pendant les Jeux de logements du Crous. Le sport est une pratique avant tout sociétale.

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