Hauts-de-Seine (92)

Cour des comptes : Thierry Vught, nouveau président de la CRC Île-de-France

Publié le 11/01/2023

Thierry Vught, fort d’une expérience de vingt ans au sein de la Cour des comptes, vient d’être nommé président de la chambre régionale des comptes (CRC) Île-de-France. Il succède ainsi, pour un mandat de sept ans maximum, à Christian Martin. Thierry Vught sera notamment chargé de mettre en place, localement, la réforme des juridictions financières (JF2025) initiée par Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, en 2020. Ambition principale de cette réforme : « se rapprocher des citoyens ». Vaste chantier ! Interview.

Actu-Juridique : Quel a été votre parcours avant de devenir président de la chambre régionale des comptes (CRC) Île-de-France ?

Thierry Vught : Je vous épargnerai chacun des détails de mon parcours. Néanmoins, il me semble important de mentionner que je suis magistrat de la Cour des comptes depuis 2003. En 20 ans désormais, j’ai occupé plusieurs fonctions. J’ai été notamment, durant cinq ans, entre 2008 et 2013, secrétaire général adjoint de la Cour. Ensuite, j’ai posé mes bagages dans les Hauts-de-France pour présider la chambre régionale jusqu’en 2017. Plus récemment, après avoir été nommé conseiller maître, je me suis occupée des sujets de finances publiques locales. En 2020, j’ai aussi rejoint le Haut Conseil du commissariat aux comptes. Et depuis donc le mois de décembre 2022 je suis le nouveau président de la chambre régionale des comptes Île-de-France. Enfin, avant mon cheminement à la Cour, j’ai été élève de l’Ena et j’ai commencé ma carrière au sein du corps préfectoral.

Actu-Juridique : Quel est votre rôle, concrètement, en tant que président de la Chambre ?

Thierry Vught : Présider une chambre régionale c’est présider avant tout une juridiction. Mon rôle est double à ce propos. Je dois premièrement manager les 130 agents qui travaillent au sein de la CRC Île-de-France, dont une cinquantaine de magistrats, pour que nous remplissions les tâches qui nous sont conférées par la loi. Aussi, en qualité de président, j’ai une fonction de représentation auprès des collectivités et des établissements publics que nous contrôlons. À cet effet, en ce début de mandat je m’attellerai à rencontrer les responsables de ces collectivités et établissements. Parmi eux, il y a bien sûr Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France ou Anne Hidalgo, la maire de Paris. Mais aussi, pour ne citer qu’eux, le directeur général de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris ou la directrice générale de l’Agence régionale de santé.

Enfin, même président de la chambre régionale, je reste magistrat au sein de la Cour. Ainsi, chaque président a pour mission de renforcer le lien entre les juridictions locales et la Cour des comptes.

Actu-Juridique : Quelles sont donc les missions des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) ? Elles sont moins connues que la Cour des comptes…

Thierry Vught : Oui c’est vrai, mais elles sont aussi beaucoup plus « jeunes ». Les chambres régionales n’ont été créées qu’en 1982 quand la Cour, elle, a été fondée en 1807.

Le champ de compétence d’une chambre régionale est sensiblement le même, au niveau local, que celui de la Cour. Nous avons trois missions : le contrôle des comptes et de la gestion des collectivités et des organismes relevant de leurs compétences, le contrôle juridictionnel des comptes publics et le contrôle des budgets locaux. Cela comprend donc tous les établissements publics gérés par les collectivités (EHPAD, lycées, collèges, etc..) et les collectivités elles-mêmes (villes, intercommunalités, départements, métropole et région).

Actu-Juridique : Comment vous organisez-vous au quotidien ? Qui est chargé de votre saisie pour effectuer vos missions ?

Thierry Vught : Les préfets peuvent nous solliciter pour contrôler des budgets locaux, et notamment lorsque les collectivités ne présentent pas leurs budgets comme le prévoit la loi, c’est-à-dire à l’équilibre et dans un temps précis. Autrement, c’est la chambre elle-même, de manière indépendante et coordonnée avec la Cour, qui programme ses travaux. D’ailleurs, nous réalisons de nombreux rapports en lien avec la Cour puisqu’une majorité des politiques publiques sont partagées entre l’État et les collectivités. Enfin, nous sommes aussi de plus en plus attentifs aux signalements qui peuvent nous être adressés, que ce soit par des citoyens, bien entendu, mais aussi indirectement par la presse.

Actu-Juridique : La loi dite « 3DS » relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, vous octroie également une nouvelle compétence. De quoi s’agit-il ?

Thierry Vught : Grâce à cette loi, les chambres régionales pourront désormais être saisies par certaines collectivités locales pour des missions d’évaluation des politiques publiques. Nos compétences se rapprochent ainsi encore un peu plus de celles de la Cour. Nous pourrons aussi être sollicités pour juger des conséquences de projets d’investissements importants dont la maîtrise d’ouvrage est réalisée par une collectivité locale. Grâce à cette nouvelle compétence d’évaluation, les CRC se trouvent renforcées dans leur action et leur mission d’information auprès du public.

Actu-Juridique : Comment la relation entre les chambres territoriales et la Cour des comptes se structure-t-elle ?

Thierry Vught : Nous travaillons en étroite collaboration avec la Cour. En effet, excepté les politiques régaliennes, très peu de sujets sont l’apanage uniquement de l’État ou des collectivités territoriales. La réalité est bien plus complexe et les politiques publiques se déploient aussi bien au niveau national que local. Même la politique publique de sécurité désormais n’est plus la seule compétence de l’État. Le développement des vidéosurveillances et des polices municipales a transféré une partie du pouvoir sécuritaire aux collectivités. Ainsi, logiquement, nombre de nos rapports sont écrits à quatre mains, avec un travail d’investigation et d’écriture partagé entre les chambres régionales et la Cour. De cette manière nous traitons plus précisément le sujet étudié.

Actu-Juridique : Votre mandat à la chambre sera marqué notamment par la mise en place de la réforme appelée « JF2025 ». Que comprend-elle ?

Thierry Vught : Cette réforme est impulsée par Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes depuis sa prise de fonction en juin 2020. Elle vise principalement à penser, à moyen terme, le rôle des juridictions financières à l’aune des problématiques contemporaines (transparence, transition écologique, révolution numérique, etc.) et ce pour répondre efficacement aux attentes des citoyens et responsables publics. Concrètement cette réforme des juridictions financières poursuit trois objectifs : conforter et moderniser nos métiers, rendre plus accessibles, diversifiés et rapides nos travaux avec par exemple le développement d’audits flash, et enfin fluidifier le fonctionnement des juridictions avec une gouvernance plus intégrée. Tout cela pour répondre à un objectif majeur : se rapprocher des citoyens.

Actu-Juridique : Concrètement comment pensez-vous pouvoir répondre à cet impératif ?

Thierry Vught : Un des enjeux essentiels concerne la communication. De nombreux efforts sont entrepris, tant par la Cour que par les chambres territoriales, pour mieux diffuser auprès des citoyens nos travaux. Cela passe par la diffusion grâce à des canaux variés (réseaux sociaux et internet) mais aussi par un accès simplifié à nos informations. Notre but n’est pas de vulgariser notre travail comptable et financier mais de le rendre plus accessible à tout un chacun avec, par exemple, des résumés de rapports, une mise en page modernisée et un effort de pédagogie autant auprès des citoyens que de la presse. Se rapprocher des citoyens c’est aussi être davantage attentif à ce qu’ils nous proposent ou nous disent. Depuis l’été dernier, une plateforme de signalement a ainsi été lancée pour que chaque personne témoin d’une irrégularité puisse nous en informer.

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