De nouveaux outils en matière de médiation

Publié le 20/02/2023
Gestion des conflits
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Le décret du 25 février 2022 est, en matière de médiation, un texte particulièrement favorable aux modes alternatifs de règlement des conflits. Bref retour sur ce décret.

D. n° 2022-245, 25 févr. 2022, NOR : JUSC2135628D

Depuis le début des années 2000, et plus encore depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, portant modernisation de la justice au XXIe siècle, les modes alternatifs de règlement des conflits s’insèrent aujourd’hui, sous le sigle MARC, en droit positif français. Ces changements suscitent dans notre procédure actuelle, héritée de la période postrévolutionnaire, un bouleversement à nul autre pareil ; ils traduisent une recomposition des rapports entre la société et l’État en matière de gestion des conflits.

C’est en embrassant ce temps long, celui de la gestion du conflit, que les mécanismes alternatifs revêtent tout leur intérêt. Assurément, les MARC sont une formule plus souple que le jugement, parce qu’ils contraignent les parties uniquement par l’accord qu’elles ont conclu entre elles. C’est une façon de concilier efficacité et douceur dans la gestion du conflit. Comme chacun sait, l’adhésion des parties à la solution trouvée est la meilleure garantie de pacification. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’une « mauvaise transaction vaut mieux qu’un bon procès »1 ? Cette efficacité est particulièrement sensible dans un très vieux mécanisme de l’Antiquité, l’accord, que l’ancien droit et le droit positif ont fait revivre. La diversité de l’offre amiable étant assez ample2, l’accord, lorsqu’il n’émane pas directement des parties, peut être aidé par un conciliateur ou un médiateur. Contrairement aux apparences, ces deux termes recouvrent deux réalités différentes3 ; si le médiateur est nécessairement un tiers distinct du juge, le conciliateur4 peut avoir plusieurs casquettes (tiers, magistrat, etc.)5. C’est donc la garantie d’indépendance qui marque la frontière de ces deux mécanismes. La raison est simple : les textes législatifs qui les ont institués ont été rédigés à des époques différentes et superposés, sans cohérence, à l’ensemble des modes alternatifs6. La conséquence, en revanche, est plus compliquée ; il est difficilement pensable aujourd’hui qu’un conciliateur ne soit pas indépendant7. L’indépendance, aujourd’hui, tient tout autant dans la volonté de contourner la sphère judiciaire que d’éviter le juge8. Les faits parlent d’eux-mêmes ; la conciliation par le magistrat est en échec, alors que la conciliation déléguée montre de bons résultats9. Par ailleurs, la médiation, dont le mécanisme procédural est plus abouti, est en pleine ascension10 ; répondant aux exigences d’indépendance et d’impartialité, elle ajoute l’obligation de confidentialité qui permet de garantir les meilleures conditions pour un dialogue serein entre les parties11.

Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022, pris en application de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire, favorise le recours à la médiation judiciaire tout en sécurisant les accords. Plus intéressant encore, il simplifie les règles de procédure applicables à la médiation judiciaire.

Comme l’a souligné Pascale Loué-Williaume12, cette loi a pour lignes directrices la souplesse, la personnalisation des solutions et l’agilité au sens de la créativité dans les réponses apportées aux attentes des justiciables. Plusieurs points méritent d’être soulignés :

La médiation n’est jamais obligatoire (hors tentative de médiation familiale préalable obligatoire). L’article 131-1 du Code de procédure civile dispose que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation ». Mais le décret impose l’information à la médiation.

Le médiateur est rémunéré, sans que la pratique puisse être variable selon les juridictions. Le versement de sa rémunération a pour point de départ le délai de la médiation (trois mois renouvelables une fois) « à compter du jour où la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versée entre les mains de ce dernier ».

Le décret dispose que les parties peuvent être assistées, pour la médiation, de toute personne habilitée à le faire devant la juridiction qui a ordonné ce mode amiable (avocat, défenseur syndical pour le salarié, membre de l’entreprise).

Il adapte les délais prévus dans les procédures en appel avec représentation obligatoire au prononcé d’une décision d’injonction de rencontrer un médiateur en vue d’une information sur la médiation et d’une décision ordonnant une médiation.

Enfin, le décret permet qu’une médiation puisse être ordonnée devant la Cour de cassation.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. Aynès et P. Malaurie, « La transaction », Defrénois 30 juin 1992, p. 769.
  • 2.
    S. Amrani Mekki, « Les “nouveaux” titres exécutoires : les accords amiables homologués », Dr. & patr. mensuel 2013, n° 231, p. 231.
  • 3.
    Malgré toute la difficulté de la distinction, N. Dion, De la médiation. Essai pour une approche créatrice et pacifiée du conflit, 2011, Mare et Martin, p. 56.
  • 4.
    Le conciliateur est un tiers impartial soumis à la confidentialité ayant pour mission de rechercher le règlement amiable d’un différend, CPC, art. 1530 et CPC, art. 1531. Il y a trois types de conciliation : la conciliation par le juge (souvent intégrée dans l’instance, par exemple : devant la juridiction de proximité, le conseil de prud’hommes ou le juge aux affaires familiales), la conciliation déléguée par le juge à un conciliateur de justice ou la conciliation conventionnelle menée par un conciliateur de justice.
  • 5.
    CE, Régler autrement les conflits, 1993, Documentation française, p. 39 ; M. Guillaume-Hofnung, « La médiation », AJDA 1997, p. 30 ; M. Guyomar et B. Seiller, Contentieux administratif, 2014, Dalloz, p. 248.
  • 6.
    M. Brochier, « Pour une clarification des procédures de médiation et de conciliation dans le Code de procédure civile », D. 2015, p. 389.
  • 7.
    M. Brochier, « Pour une clarification des procédures de médiation et de conciliation dans le Code de procédure civile », D. 2015, p. 389.
  • 8.
    J.-C. Magendie, Célérité et qualité de la justice, les conciliateurs de justice, 2010, ministère de la Justice, p. 46-47 ; R. Martin, « Quand le grain ne meurt… de conciliation en médiation », JCP 1996, 3977.
  • 9.
    J. Joly-Hurard, Conciliation et médiation judiciaires, thèse dactylographiée, 2002, Université Panthéon-Assas, § n° 371 ; C. Jarrosson, « La compétence d’attribution du conciliateur de justice est-elle calquée sur celle du juge d’instance ? », RGDP 1999, n° 4, p. 762 ; J. Joly-Hurard, « Le nouveau pouvoir d’injonction du juge en matière de conciliation judiciaire », D. 2003, p. 928.
  • 10.
    Et dans tous les domaines, N. Mélin, « La médiation : points d’actualité », Gaz. Pal. 13 août 2015, n° GPL236k9 ; A. Cornevaux, « Les modes alternatifs de règlement des litiges », LPA 26 juin 1998, p. 51 ; P. Vayre, « Transaction extrajudiciaire : règlement amiable des complications des actes médico-chirurgicaux », Gaz. Pal. 20 juin 2022, n° C6564, p. 27 ; D. Ganancia, « Enjeux et perspectives de la médiation au tribunal de grande instance de Paris », Gaz. Pal. 28 mai 2011, n° I6015, p. 14.
  • 11.
    Il s’agit là d’un « souci pragmatique », selon l’expression de F. Korodi, « La confidentialité de la médiation », JCP G 2012, n° 49, 1. Malgré cette avancée, le processus reste encore fragile et devrait être davantage appuyé par les textes ; sur ce sujet, L. Schenique, « De la confidentialité en médiation », LPA 18 juin 2014, p. 6 ; sur la tentative de conciliation, S. Guinchard, « L’ambition d’une justice civile rénovée », D. 1999, p. 65.
  • 12.
    P. Loué-Williaume, « Les nouveautés du décret du 25 février 2022 en matière de médiation », AJ fam. 2022, p. 134.
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