Au TJ d’Évry, une justice en pleine mutation, volontaire et prête à faire face aux changements en 2025

Publié le 03/02/2025
Au TJ d’Évry, une justice en pleine mutation, volontaire et prête à faire face aux changements en 2025
La salle des pas perdus du tribunal judiciaire d’Évry, le 18 juillet 2022. (Photo : ©I. Horlans)

Le président du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes, Francis Bobille et le procureur, Grégoire Dulin ont salué une année 2024 de « consolidation » et entendent poursuivre les chantiers de lutte contre les violences intrafamiliales et contre les rixes.

La cour d’assises du tribunal d’Évry-Courcouronnes est pleine au point que cette audience solennelle de rentrée est retransmise dans une autre salle. En ce début d’année 2025, le président Francis Bobille évoque ce climat de « crise climatique, politique, économique », qui traverse l’actualité et présente ses vœux aux membres de la communauté judiciaire : « Cette institution judiciaire souvent critiquée et à laquelle nous sommes pourtant si fiers d’appartenir, ultime garante de l’équilibre démocratique, elle sait aussi faire preuve de réactivité et d’efficacité face aux enjeux de sécurité. C’est ce que j’ai envie de vous montrer cet après-midi, dans un discours résolument optimiste. » 2024 a été une année de « consolidation des différentes actions », a constaté le procureur, Grégoire Dulin qui a salué une « politique pénale lisible, cohérente, particulièrement volontariste » et les nombreux changements opérés au parquet qui ont eu un impact sur l’ensemble des services, notamment sur les délais de la réponse pénale. « En 2024, le parquet a essayé de contribuer à ce changement et à restaurer l’image de l’institution judiciaire ».

Vers un raccourcissement des délais

Les chiffres de cette année 2024 montrent de véritables progrès : « Nous nous étions fixé plusieurs objectifs et nous les avons tenus, nous avons maintenu des délais d’audiencement rapide sans création d’audience supplémentaire : il y a moins de deux ans, on convoquait les personnes devant le tribunal correctionnel entre 12 et 18 mois après la commission d’une infraction. Aujourd’hui, une convocation en justice se fait dans un délai de 2 à 7 mois. 60 % des condamnations prononcées par le tribunal correctionnel le sont après une présentation au parquet, soit juste après la commission d’une infraction. » Le nombre de condamnations prononcées par le tribunal correctionnel est désormais à la hauteur d’une juridiction de cette taille, note avec satisfaction Grégoire Dulin : en 2 ans, plus de 25 % de décisions supplémentaires ont été rendues, passant de 10 307 en 2022 à 12 963 à 2024. Même constat encourageant concernant le service de l’exécution des peines : « On entend souvent dire que les peines ne sont pas exécutées, mais ce service est à jour. Même les peines issues du tribunal pour enfants, qui avaient accusé un certain retard, ont été purgées. » C’est surtout le bilan du bureau d’exécution des peines qui récolte la plus grande satisfaction du bilan de 2024, annonce Grégoire Dulin. Il recouvrait 250 000 euros en 2022, c’est désormais 635 000 euros qui sont recouverts. « La réponse pénale est désormais rapide, elle permet aux condamnés de payer immédiatement et ils le font. » La création d’un pôle dédié à la gestion des véhicules placés sous scellés a porté ses fruits. De 54 garages destinataires des véhicules saisis, l’Essonne est passée à 10 garages conventionnés. « Contrairement à d’autres juridictions qui n’arrivent pas à gérer le stock, nous continuons à saisir des véhicules tous les jours pour demander leur confiscation. » La juridiction de l’Essonne poursuit son action contre la délinquance en misant sur la saisie d’avoirs patrimoniaux, « une bien meilleure sanction que la prison ». « Je le dis souvent, chaque infraction doit être regardée par ce biais patrimonial, de la plus petite à la plus importante, de la petite délinquance du quotidien à la grande criminalité organisée. » En deux ans, les sommes saisies en biens et avoirs sont passées de 5 à 11,6 millions d’euros, une prouesse obtenue sans renforts supplémentaires et une « réussite collective ». En outre, 145 000 euros ont été saisis dans le cadre d’un système mis en œuvre avec la direction départementale des finances publiques : il permet aux huissiers du Trésor public de venir dans les locaux des services de police pour saisir les sommes d’argent des personnes redevables d’amendes placées en garde à vue et incapables de justifier la provenance de sommes en liquide.

La lutte contre les rixes dans l’Essonne se poursuit

L’Essonne concentre un quart des rixes au niveau national et, à ce titre, elle a poursuivi ses efforts pour endiguer le phénomène avec un renfort des actions de prévention et de sensibilisation dans les établissements scolaires et, ce, dès la primaire. L’action concertée a conduit à une amélioration : « Les résultats sont fragiles, mais notre volonté et notre détermination sont intactes. Désormais, dans ce tribunal, tout auteur de rixe, qu’il soit mineur ou majeur, fait l’objet d’une présentation systématique au parquet avec une gradation de la réponse pénale. Cette politique pénale explique pour beaucoup l’augmentation du nombre de mineurs présentés à l’issue de leur garde à vue. ». De 373 en 2022, le nombre de mineurs déférés est passé à 613 en 2024. Ce sont aussi les violences intrafamiliales qui concentrent l’attention de la communauté judiciaire en Essonne, où une garde à vue sur quatre concerne des violences conjugales. Plusieurs actions ont été menées en 2024, dont la création du pôle VIF (violences intrafamiliales), ou encore la signature d’un protocole d’échanges d’informations entre les différents acteurs. C’est aussi la création d’une unité pédiatrique pour l’enfance en danger, que tient à féliciter Grégoire Dulin, une structure inaugurée en novembre dernier, qui permet dans un seul lieu l’accueil, l’écoute et la prise en charge d’enfants victimes de violences, dans le cadre d’un parcours judiciaire adapté au sein d’une structure hospitalière.

Agir contre le crime organisé et la corruption

Pour 2025, le parquet veut mettre l’accent sur deux grands projets à venir : l’un concerne le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis. « Sans attendre les annonces récentes de notre garde des Sceaux, nous avons mis en place début décembre un groupe local de traitement de la délinquance visant deux thématiques : la criminalité organisée et les phénomènes de corruption. » Il s’agira de renforcer la réponse pénale à l’égard des détenus en lien avec le crime organisé qui continuent de commettre des infractions en détention, mais aussi d’améliorer la capacité d’entrave à l’égard des agents de l’administration pénitentiaire qui se livrent à des phénomènes corruptifs, notamment l’introduction de téléphones ou de drogues. L’autre grand chantier de l’administration judiciaire en Essonne en 2025 concernera les victimes : « Nous devons réécrire le schéma départemental pour mieux accompagner les victimes d’infraction pénale et rendre lisible sur ce territoire les dispositifs d’accueil, d’écoute et d’accompagnement des victimes. La réponse pénale rapide que nous avons mise en place nous oblige. Nous devons permettre aux victimes d’exercer leurs droits dans de meilleures conditions, même dans l’urgence. » Grégoire Dulin a enfin fait part de ses souhaits pour la nouvelle année : que les forces de sécurité intérieure voient leur effectif augmenter pour permettre la gestion de plus de 100 000 procédures en attente de traitement. « Confrontées à une hyperviolence du quotidien, à un nombre d’officiers de police judiciaire encore inférieur à la moyenne nationale, les forces de sécurité intérieure de ce département ne s’en sortiront pas sans l’apport de ressources humaines dédiées à la police judiciaire. » Il souhaite aussi « que l’indépendance renforcée de notre justice soit enfin actée par une réforme constitutionnelle du statut du ministère public » et le maintien du budget de la justice au niveau promis. « Je n’ai que peu d’espoir de réalisation de ces trois premiers souhaits, compte tenu de la période d’instabilité que nous traversons tous », a-t-il reconnu, insistant néanmoins sur un vœu capital, le renfort des effectifs du ministère public : « Il y a 32 parquetiers à Évry dont 6 à la gestion quotidienne des 4 600 détenus de Fleury-Mérogis. Au 1er février 2025, nous serons 30 magistrats », a-t-il déploré. Malgré des attachés de justice « précieux au quotidien », cela n’est pas suffisant pour absorber toute l’activité du tribunal. Il espère ainsi que le parquet d’Évry puisse approcher du nombre de 35 magistrats cette année.

Vers une mue numérique de la justice essonnienne

Au tour du président Francis Bobille de présenter le bilan de cette année 2024. Il remercie les magistrats pour leur engagement et leur dévouement sans faille, ainsi que les partenaires de la communauté judiciaire essonnienne, laquelle a été éprouvée au cours des 12 derniers mois, avec l’assassinat du capitaine pénitentiaire Fabrice Moello et du surveillant brigadier Arnaud Garcia dans l’attaque d’un fourgon dans l’Eure en mai 2024. C’est aussi le décès d’une « figure tutélaire », celle de Robert Badinter, qui a marqué les esprits. En « incorrigible optimiste », Francis Bobille entend maintenir le cap dans la lutte contre les violences intrafamiliales en 2025, notamment grâce à un cycle de conférences pour mieux informer et former tous les acteurs. « Je formule le vœu que les politiques publiques à venir ne soient pas seulement réactives, mais anticipatrices, proactives, éducatives. » La création du pôle VIF montre un département toujours aussi engagé. « Notre juridiction s’est effondrée… s’est efforcée… » Le lapsus du président du tribunal de l’Essonne déclenche les rires de l’assemblée et détend presque l’atmosphère. « Notre juridiction s’est efforcée de faire évoluer nos méthodes de travail et de moderniser son fonctionnement. » Cette mue numérique se poursuit : un groupe de réflexion a été créé pour « anticiper, préparer, former et accompagner » la dématérialisation native, de même que la mise en œuvre de l’open data des décisions civiles et sociales qui permet la mise à disposition au public des décisions judiciaires sous format numérique. L’intelligence artificielle ne sera pas un remède à tous les maux de la justice, conclut Francis Bobille qui reconnaît toutefois qu’elle aura un rôle d’accélérateur du temps judiciaire et sera un « outil d’aide à la décision précieux, voire indispensable » : « Je suis intimement convaincu que les attentes du justiciable sont aussi et surtout l’attente d’un échange, d’une écoute, d’une relation humaine. Attendre deux ans un jugement c’est long, trop long. Mais attendre et avoir le sentiment de ne pas être entendu nourrit le sentiment d’injustice. » C’est pour cette raison que l’attention aux questions relatives à la sécurité au travail et aux risques psychosociaux restera capitale sous l’égide du président du tribunal judiciaire d’Évry.

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