Éric L’Helgoualc’h, nouveau président du TJ de Melun « Faire preuve de respect, d’empathie et d’écoute »
L’audience solennelle d’installation du président du Tribunal judiciaire (TJ) de Melun, Éric L’Helgoualc’h, a réuni de nombreuses personnalités lundi 28 octobre. Arrivé de Nouvelle-Calédonie où il a vécu les émeutes, il relève « quatre défis prioritaires » : maintenir une justice de qualité, poursuivre le développement des procédures pénales numériques, privilégier la politique de l’amiable et restaurer le lien de confiance avec l’opinion publique.
Originaire de Bretagne, âgé de 59 ans, Éric L’Helgoualc’h a effectué toute sa carrière au siège. Il mesure donc parfaitement ce qu’impose « le pouvoir de juger, une fonction difficile [puisque] nous sommes confrontés à des situations douloureuses ». Soucieux de « maintenir l’humain au centre de [leur] métier », condition « essentielle » à l’exercice d’une justice comprise, le nouveau président du Tribunal judiciaire de Melun s’est employé lundi à rassurer les magistrats et fonctionnaires, mais également les institutions, collectivités, administrations, associations, avocats et forces de l’ordre : il sera « un interlocuteur attentif ». Il a exprimé à Stéphane Noël, président du TJ de Paris assis à côté de la procureure générale près la Cour d’appel, Marie-Suzanne Le Quéau, sa « parfaite loyauté et tout son investissement dans ses nouvelles fonctions. »
Comme le veut l’usage, Éric L’Helgoualc’h a d’abord été présenté par la première vice-présidente, Martine Giacomoni, « ancienne » du tribunal où elle a été nommée en 2002.

Hommage à Marie-Bénédicte Maizy, promue à Besançon
En préambule, elle a rendu hommage à Marie-Bénédicte Maizy, promue première présidente du TJ de Besançon (Doubs). Outre qu’elle a « su gérer la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance », elle a multiplié les points d’accès au droit, y compris au centre hospitalier de Melun » et a installé une borne tactile dans les trois tribunaux (Melun, Fontainebleau, Meaux) « pour permettre aux usagers de consulter des sites Internet utiles à leurs démarches, luttant ainsi contre la fracture numérique ». Madame Maizy a aussi créé le pôle VIF (violences intrafamiliales), confronté à une délinquance « en hausse de 44 %. Des audiences à juge unique leur sont intégralement dédiées ».
Par ailleurs, elle a signé une convention avec l’Aide sociale à l’enfance afin de dématérialiser les échanges avec le tribunal pour enfants – démarche inédite en France : « Un projet identique est en cours avec le service de l’application des peines et les établissements pénitentiaires. »
Le prédécesseur de M. L’Helgoualc’h n’a laissé que des bons souvenirs, sa « grande faculté d’adaptation » face à la crise du Covid, et « son arme la plus redoutable : son sens de l’humour ». « Une travailleuse acharnée » et « disponible », dont le « soutien moral » et « l’attention » ont marqué.
Des plages de Nouvelle-Calédonie à la vue sur les contrebandiers

« Permettez-moi de vous souhaiter la plus chaleureuse des bienvenues », a enchaîné la vice-présidente, dans « un palais fonctionnel, convivial », qui compte « un effectif théorique de 36 magistrats au siège » (en réalité 32 en raison de postes vacants et d’arrêts maladie), 13 au parquet, 138 fonctionnaires, 9 juristes et 11 assistants de justice.
Martine Giacomoni a retracé le parcours « totalement juridictionnel » de M. L’Helgoualc’h : juge à Rennes (Ille-et-Vilaine), en Martinique pendant deux ans, à l’instruction en Guyane, retour à Fort-de-France en qualité de juge aux affaires familiales puis au civil. Un détour par la métropole, juge des enfants à Toulouse, président du tribunal d’Auch (Gers), où il a tenu « le rôle de JLD et celui de juge des procédures collectives agricoles. Dans un petit tribunal, il faut savoir tout faire ». Puis « à nouveau l’appel de la mer » en 2019 : la Nouvelle-Calédonie, président du TJ de Nouméa « avec des fonctions variées », la particularité dans ces îles et archipels « étant de détenir une compétence en droit commercial et social », d’exercer dans des sections détachées isolées : « Vous avez dû vous adapter aux spécificités locales, dont l’existence d’un droit coutumier kanak sur le plan civil et à la présence d’assesseurs citoyens aux audiences correctionnelles ».
Si la présidente Maizy ne manquait pas d’humour, Martine Giacomoni en est aussi dotée : « Bienvenue, donc, Monsieur le président, vous qui avez choisi d’échanger les plages de la Nouvelle-Calédonie et les promenades en bateau sur le lagon pour une vue imprenable sur les voies de chemin de fer et la circulation devant le tribunal qui n’a rien d’un trafic local ; le trafic local, dans le secteur de la gare, étant plutôt celui des cigarettes de contrebande. Et si l’océan vous manque, vous pourrez toujours bénéficier de la piscine qui se constitue sur la terrasse devant votre bureau à chaque averse importante. »
Revoir le contenu des sessions criminelles dès janvier 2025

Martine Giacomoni a enfin alerté son attention sur un point essentiel : « La capacité de jugement de la cour criminelle départementale (CCD) et de la cour d’assises doit être augmentée. Il faut revoir le contenu des formations criminelles à compter de janvier car elles ne pourront pas juger en même temps. »
Au tour du procureur de la République, Jean-Michel Bourlès (notre article du 25 octobre ici), de prendre ses réquisitions : « Installer un chef de juridiction est toujours un moment marquant. » Lui aussi a salué le travail de Mme Maizy : « Sa nomination à de prestigieuses fonctions témoigne de la reconnaissance de ses qualités », en particulier « son calme, sa méthode, sa détermination et son intelligence. »
« Le flambeau change de mains » et, « dans la continuité d’une carrière riche et diversifiée, vous arrivez dans une juridiction dynamique, porteuse de projets, d’expérimentations en interne ». Une de ces innovations est la mise en œuvre de la procédure pénale numérique, « parfaitement en place avec les services d’enquête, les greffes et nos collègues. Elle a abouti à ce que les procédures qui donnent lieu à des classements ou à des poursuites par COPJ, CRPC ou en ordonnance pénale soient presque totalement dématérialisées ». Celles des mineurs suivront en début d’année et, « dans quelques semaines, nous réaliserons la première audience de COPJ à juge unique dématérialisée de bout en bout, de l’enquête jusqu’au passage au bureau de l’exécution des peines ».
Ce développement numérique, « qui peut parfois paraître compliqué, a de nombreux avantages en termes de transmission et d’enregistrement des procédures, de travail sur les dossiers. Melun est une juridiction moderne dans laquelle il fait bon exercer ».
Ils auront « à faire vivre la dyarchie, cette gouvernance commune qui est propre à notre institution. Vous pourrez compter sur moi pour partager une conception apaisée et transparente de nos relations, et compréhensive de vos contraintes ».
Monsieur Bourlès espère, avec le chef du siège, « garantir les conditions de travail des fonctionnaires de greffe, de nos collègues » et aussi « assurer la qualité de la justice, quel que soit le domaine, pour veiller à répondre aux demandes des justiciables ». Il a profité de l’audience pour remercier les personnels de greffe qui « concourent par leur travail parfois difficile à garantir des délais de traitement raisonnables et à la qualité des décisions rendues ».
Puis il a requis que soit donné lecture, par Anthony Perreau, directeur de greffe par intérim, du décret de nomination de M. Éric L’Helgoualc’h.

« La pérennité des emplois est impérative »
Le président a eu un mot pour chacun des membres de l’assistance, pour son prédécesseur, pour les élus sur lesquels il compte s’appuyer, « n’étant pas francilien » : « Je crois beaucoup aux liens puissants qui unissent les femmes et les hommes avec leur territoire, leur histoire et leur culture. » Il a remercié le procureur, dont il apprécie « la personnalité chaleureuse, franche, directe » et sa collègue Giacomoni « pour votre disponibilité lors de nos échanges en dépit du décalage horaire important » avant son retour de Nouméa : « Votre investissement, reconnu de tous, me permet de prendre la présidence dans les meilleures conditions. » Sans oublier ses collègues « dont j’ai pu mesurer le dévouement au service de la justice, la bonne volonté face aux difficultés ». Considérant que « nous avons la responsabilité de juger des hommes et femmes qui se présentent devant nous avec des attentes, et parfois des craintes tout aussi importantes », Éric L’Helgoualc’h entend que chacun fasse « preuve de respect, d’empathie et d’écoute à côté, parfois, d’une nécessaire fermeté » : « Si la justice est une vertu, un idéal auquel nous aspirons tous, qui fonde notre engagement quotidien, c’est aussi une institution confrontée à une demande sociale croissante et au risque d’épuisement de ses capacités. »
Évoquant « l’abnégation des personnels », il convient que la situation peut « être source de souffrance, de mal-être ». Aussi veillera-t-il, dans l’attente de créations de postes supplémentaires, « à réinterroger nos méthodes de travail ». Un rappel à l’attention de l’exécutif et du Parlement : « Le soutien des juristes assistants est indispensable. La pérennité des emplois est impérative et leur suppression, inenvisageable. »
Éric L’Helgoualc’h a conclu par quatre priorités. Premier défi, « maintenir une justice de qualité », « écouter », « rendre des décisions motivées dans des délais raisonnables ». Il espère le renfort de magistrats délégués par la Cour d’appel de Paris car « la situation va s’aggraver lors des mouvements de janvier » : « Le poids de l’activité pénale pèse de plus en plus sur le siège depuis la mise en place des CCD » (composées de cinq juges et d’un magistrat du parquet).
Deuxième défi, dont il partage l’objectif avec le procureur qui a déjà œuvré en ce sens, « la mise en œuvre des procédures pénales numériques. Dans les prochains mois, elles seront entièrement numérisées », facilitant ainsi « la transmission entre tous les acteurs de la chaîne pénale ». Attentif à la formation des magistrats et greffiers, « qui doivent maîtriser les outils », il annonce la tenue « d’une audience fictive la semaine prochaine ».
Troisième défi : « Le développement de la politique de l’amiable ». C’est, à ses yeux, « une nouvelle conception de la justice, facilitant la négociation, la transaction des parties, qui ménage leur future relation, qui préserve le tissu social ». Il souhaite accentuer « le recours aux modes alternatifs de règlement des différends » soit « la conciliation, la médiation, la procédure participative ».
En attendant d’affiner ses directives, un dernier objectif : « Reconduire les actions destinées à mieux faire connaître la justice », et « restaurer le lien de confiance distendu avec l’opinion publique ».
Ultime point crucial quand on voit à quel point, aujourd’hui, la justice est sans cesse remise en cause, notamment via les réseaux sociaux.
Référence : AJU478592
