JO de Paris 2024, flambée des référés, évolution du contentieux des étrangers… : les défis du TA de Versailles

Publié le 30/04/2024

Le tribunal administratif de Versailles a tenu son audience solennelle en mars dernier conjointement à la cour administrative d’appel. Après avoir baptisé la principale salle d’audience au nom de Marcelle Pipien, la présidente de la juridiction versaillaise, Jenny Grand d’Esnon a dressé le bilan de l’activité juridictionnelle de l’année 2023 avant de détailler les défis de l’année 2024 avec notamment les Jeux olympiques de Paris 2024. Une nouvelle année qui est aussi synonyme de transition pour la cour d’appel administrative. Son président, Terry Olson, a participé à sa dernière audience solennelle, lui qui a quitté ses fonctions au mois d’avril. La juridiction du second degré va connaître aussi une réduction de son nombre de chambres durant l’été.

Nicolas Dentri

L’heure était au bilan pour les juges administratifs de la Cité Royale. Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Versailles ont tenu conjointement leur audience solennelle le lundi 11 mars 2024. Face à de nombreuses personnalités et autorités de l’administration, de la sphère politique, judiciaire et civile des Yvelines, les présidents Jenny Grand d’Esnon (TA) et Terry Olson (CAA) sont revenus dans leur discours sur l’activité de leur juridiction respective en 2023 avant de se projeter sur les objectifs et les défis attendus pour l’année 2024.

La présidente du tribunal administratif de Versailles a d’abord tenu à mettre en avant les échanges quotidiens de la direction avec l’ensemble des 88 personnes qui travaillent pour la juridiction. « La cohésion des équipes fait l’objet de toute l’attention de l’équipe de direction du tribunal autour d’Isabelle Dely et moi-même. Nous nous réunissons chaque mois. Et chaque mois aussi, le dialogue se prolonge avec nos collègues représentants syndicaux. Ce travail en commun conditionne la sérénité des équipes et donc de la justice rendue », sanctuarise Jenny Grand d’Esnon dès le début de son propos.

Tribunal administratif de Versailles : l’égalité professionnelle comme priorité

À l’image de la direction de l’institution judiciaire administrative de Versailles avec deux femmes à sa tête, 63 % des postes à responsabilité sont occupés par des femmes : cinq présidentes et quatre présidents pour les neuf chambres existantes. Les deux corps du tribunal administratif sont majoritairement féminisés avec 39 femmes agents de greffe sur un total de 44 et 25 magistrates sur les 39 qui composent la juridiction.

Pour accompagner ce mouvement, le Conseil d’État positionne cet enjeu comme une priorité en demandant aux juridictions de mettre en place des dispositions sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En marge de l’audience solennelle, la vice-présidente du tribunal administratif de Versailles a confirmé à la presse que cette thématique est un axe de travail majeur. « La cheffe de juridiction est très à l’écoute quand une personne demande du temps partiel. On leur accorde régulièrement. Tous les effectifs ne sont pas à 100 %. Nous recherchons un équilibre vie privée-vie professionnelle et sommes attentifs sur la parentalité. Cette sensibilité à la qualité de vie au travail s’est développée au fur et à mesure », souligne Isabelle Dely.

Dans l’organisation du tribunal administratif versaillais, la direction a décidé de ne planifier aucune audience le mercredi. Elles se tiennent le reste de la semaine : lundi, mardi, jeudi et vendredi. Si, au niveau national, plus de 8 % des femmes sont à temps partiel, elles sont 18 à Versailles ce qui représente 28 % des femmes de la juridiction. « Avec la prise de congé ou de temps partiel par les femmes, il y a un ralentissement de leur carrière et un écart salarial se crée car c’est le temps de travail qui est pris en compte. Ce phénomène explique aussi la différence de traitement dans la carrière des femmes », détaille la vice-présidente de la justice administrative de la Cité Royale. Signe qu’il y a encore des défis à relever sur l’égalité professionnelle.

Jenny Grand d’Esnon : « Le niveau global des référés urgents a plus que triplé depuis 2019 »

Après le management des équipes, la présidente du tribunal administratif de Versailles est revenue sur les chiffres des contentieux de l’année 2023. Avec près de 10 400 nouveaux dossiers enregistrés, le nombre de requêtes a augmenté de 12 % par rapport à 2022. En revanche, les dossiers à plus de deux ans représentent 6 % du stock total de la juridiction sachant que le délai moyen de jugement est de 7 mois et 16 jours. « En 2010, 25 % des litiges avaient plus de deux ans », rappelle dans son discours la présidente. Au total en 2023, 10 184 affaires ont été jugées caractérisées par une hausse de 63 % des dossiers traités en urgence.

« Le niveau global des référés urgents a plus que triplé depuis 2019. La tendance est donc lourde. Parmi les référés importants jugés l’an dernier, celui introduit par le barreau de Versailles relatif aux conditions de détention à la prison de Bois d’Arcy », précise Jenny Grand d’Esnon durant l’audience solennelle. Une activité quotidienne pour la salle numéro 3 de la juridiction. Globalement, les référés sont orientés vers des litiges touchant aux libertés publiques. « La crise du Covid a beaucoup développé la connaissance du juge administratif. On est un peu victime de notre succès. Il faut analyser et juger très rapidement ces affaires », précise Isabelle Dely. Cependant, la grande majorité des affaires traitées en urgence concerne le droit des étrangers.

L’impact de la loi immigration sur l’avenir du contentieux des étrangers

En 2023, 50 % du contentieux du tribunal administratif de Versailles concernait le traitement de la situation des étrangers avec des questions sur les titres de séjour, de travail, des expulsions ou encore des extraditions. Une activité à temps plein pour la salle numéro 2 de l’institution judiciaire administrative versaillaise. « Chaque jour sont jugées les procédures d’éloignement lesquelles ont atteint en 2023 un peu plus de 1 750 dossiers, soit 33 par semaine et 7 par jour ouvré. C’est un axe fort de notre activité avec la présence de deux centres de rétention dans le ressort : l’un à Plaisir et l’autre à Palaiseau », explique la présidente.

Le contentieux lié aux étrangers devrait évoluer en 2024 notamment suite au vote et à l’entrée en application de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. « Elle va venir bousculer toute l’organisation et interroger le dimensionnement du tribunal, notamment la politique d’assignation constante qui est une inconnue, ce serait presque 60 % des requêtes d’éloignement concernant les déboutés du droit d’asile soit presque 10 % de l’activité du tribunal qui basculeront d’un juge unique à une formation collégiale », souligne Jenny Grand d’Esnon dans son discours. Pour compléter les propos de sa cheffe de juridiction, la vice-présidente, Isabelle Dely apporte certaines précisions : « On s’interroge car nous sommes au début de la mise en œuvre de cette loi. Nous aurons sûrement un besoin de personnel supplémentaire au niveau des magistrats et du greffe ». Une nécessité par rapport aux autres contentieux d’autant plus à l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024.

Le défi des Jeux olympiques de Paris 2024 pour le tribunal administratif de Versailles

Les Yvelines seront au cœur des JO avec cinq sites olympiques : le Vélodrome National, la piste de BMX, la Colline d’Élancourt, le Golf National et le Château de Versailles. Plusieurs épreuves vont se dérouler entre Saint-Quentin-en-Yvelines et Versailles au sein de ces lieux durant la quinzaine olympique. Les services de l’État travaillent jusqu’au dernier moment pour assurer la sécurité et permettre le bon déroulement de ces Jeux olympiques sur le territoire yvelinois.

Qualifié de « véritable défi » par la présidente Jenny Grand d’Esnon, difficile de prévoir aujourd’hui l’activité du tribunal administratif de Versailles, en amont de cet événement par rapport aux différentes interdictions et restrictions qui seront mises en place par l’État. « On a encore du mal à savoir exactement les impacts et les conséquences de la présence des cinq sites olympiques sur la vie quotidienne des Yvelinoises et Yvelinois. Néanmoins, on est en ordre de bataille. Il va y avoir des questions sur la vidéoprotection, sur les interdictions de circulation. De nombreux sujets devraient arriver devant notre juridiction. Nous avons doublé les équipes de permanence durant l’été pour pouvoir juger très vite, » détaille Isabelle Dely pour compléter le discours de sa présidente durant l’audience solennelle. En 2023, les Jeux olympiques ont déjà eu un impact sur l’activité du tribunal notamment avec le contentieux lié aux logements étudiant du Crous réquisitionnés.

La transition de la cour d’appel administrative de Versailles

L’année 2024 représente une transition pour la cour d’appel administrative de Versailles. D’abord, le président Terry Olson a transmis le relais après sept années de service à la tête de la juridiction. Une période durant laquelle il a préparé le passage de six à cinq chambres à l’été 2024. Après avoir précisé que les chambres « avaient déjà été réduites de sept à six chambres en 2021 », suite à la décision du Conseil d’État, le chef de la juridiction administrative d’appel versaillaise est revenu sur les préparatifs de cette évolution lors de sa dernière audience solennelle.

« Anticipant cette réduction, la cour a engagé une réflexion en interne très aboutie ayant conduit à la rédaction d’un rapport ayant exploré les divers modes d’organisation », précise le président qui a organisé une consultation avec les magistrats et les agents de greffe de la cour d’appel pour bâtir un projet de réforme interne baptisé CAP 25. Ce consensus a permis de répartir les matières entre les cinq futures chambres et de renforcer le pôle étranger qui devra traiter en moyenne entre 1 200 et 1 700 dossiers chaque année.

Dans son dernier discours à la tête de la juridiction, Terry Olson est revenu aussi sur le déménagement de la cour administrative d’appel de Versailles. Un dossier qu’il porte depuis son arrivée au sein de la juridiction qui envisage de construire un nouveau siège au sein du futur Campus Lesseps qui s’inscrit dans la restructuration de l’actuel site du rectorat de Versailles. « Les discussions ont débuté en 2016. Il est donc plus que temps que soit sélectionné dès cette année un projet robuste donnant à la cour un bâtiment approprié et digne en vue d’un déménagement effectif qui ne soit pas reporté au-delà de 2027 », souligne Terry Olson qui a ensuite rendu hommage à l’ensemble du personnel de la cour et du tribunal administratif pour ces sept années de collaboration quotidienne.

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