Émeutes : gare à l’atterrissage judiciaire !
Alors que les premières sanctions commencent à tomber à l’encontre des individus ayant participé aux émeutes de ces derniers jours, en marge de la mort de Nahel, on voit apparaitre des commentaires sur les réseaux sociaux dénonçant la faiblesse de la réponse judiciaire. C’est oublier que la justice n’a pas à répondre à l’émotion, si légitime soit-elle, son rôle est d’évaluer les responsabilités individuelles et de prononcer les peines prévues par la loi.
L’extrême violence des événements survenus ces derniers jours partout en France, y compris dans des petites communes comme Montargis, Loiret, 15 000 habitants, fait peser sur la justice des attentes auxquelles elle ne répondra pas. Autant le dire tout de suite avant que la déception ne déclenche la colère. Les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux montrent des incendies, des commerces dévastés, des scènes d’affrontement dans les rues entre des bandes ultra-violentes et des policiers. Ici on a scié un poteau de vidéosurveillance, là on a brûlé entièrement un dépôt de bus, ailleurs un centre commercial. Voitures incendiées, écoles détruites, mairies et commissariats assiégés… Tout ceci est odieux pour les victimes, pour les habitants des quartiers dévastés et pour tous les citoyens qui assistent impuissants à ces scènes de destruction.
Les peines ne seront pas proportionnelles à l’émotion
Seulement voilà, les individus arrêtés qui comparaissent en ce moment devant les tribunaux ne doivent pas répondre de l’ensemble de cette furie, mais des actes qu’ils ont commis eux, et eux seuls, éventuellement avec la circonstance aggravante de la bande organisée. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que les peines soient proportionnelles à l’émotion et à la colère que chacun ressent face à ce chaos. Tel n’est pas l’objet de la sanction pénale. Ce ne sont pas les hordes déchaînées que l’on juge collectivement mais X, 13 ans, poursuivi pour avoir tenté d’incendier un bus, Y, 17 ans, surpris en train de casser la vitrine d’un magasin, Z, 15 ans qui a pillé un centre commercial avec ses copains. Les peines seront celles prévues dans le Code pénal, pour ces actes précis. Or, autant le dire toute de suite, on ne condamne pas un mineur qui a pillé un magasin à dix ans de prison ferme.
L’homme civilisé se retient
Le décalage, car décalage il va y avoir donc, entre les attentes du public au regard du nombre d’arrestations brandi par le ministère de l’Intérieur et les sanctions à venir, n’est pas le fait de juges rouges relâchant les prévenus parce qu’ils approuvent ou, à tout le moins, ne prennent pas la mesure de la gravité du problème. Le décalage est celui qui existe dans toutes les affaires judiciaires médiatiques entre l’émotion d’où jaillit le fantasme de la vengeance, et la contrainte de l’exercice judiciaire qui s’emploie précisément à tenir sous contrôle cette réaction en ne condamnant les personnes que pour les actes qu’elles ont commis, et rien d’autre. Cela s’appelle l’état de droit. C’est l’exact contraire des exactions commises ces derniers jours. L’homme civilisé se retient. Et s’il y a bien une leçon qui ressort avec évidence des émeutes que nous venons de connaître, c’est l’immense valeur de cette retenue. Sans elle, il n’y a pas de société possible.
Référence : AJU376591