FLASH : Les magistrats du parquet réclament qu’on réforme enfin leur statut

Publié le 11/01/2024

Lors d’une conférence de presse organisée le 11 janvier au Tribunal judiciaire de Paris, la Conférence nationale des procureurs de la République a demandé que la réforme constitutionnelle du statut du parquet soit enfin menée à son terme. Explications. 

FLASH : Les magistrats du parquet réclament qu'on réforme enfin leur statut
Mosaïque ornant l’ancien plateau correctionnel au palais de justice de Paris (Photo : ©P. Cabaret)

On en parle depuis plus de 25 ans, mais rien ne se passe. Lors d’une conférence de presse organisée le 11 janvier, la Conférence nationale des procureurs de la République a donc décidé en cette nouvelle année de remettre le sujet à la une de l’actualité en publiant la motion qu’elle a adoptée le 24 novembre pour obtenir l’évolution du statut du ministère public. Cette réforme porte sur un renforcement des garanties en matière de nomination et de discipline.

Une réforme déjà adoptée par le Parlement

Elle a déjà été adoptée par le Parlement en 2016 dans les termes suivants :

« Les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard du parquet ;

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet ».

Le problème, c’est que la modification de la Constitution qu’implique cette réforme nécessite la réunion du Congrès, ce qui n’a jamais eu lieu.

La Conférence demande donc qu’on aille au bout de cette réforme par l’adoption du projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019, dans les termes suivants :

« L’article 65 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le cinquième aliéna est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« Les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard du parquet ;

(Version en vigueur : La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet).

2° La première phrase du septième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet ».

(Version en vigueur : La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent).

Nicolas Heitz : « Nous voulons que cette pratique soit inscrite dans la Constitution »

En pratique à l’heure actuelle, l’exécutif ne peut passer outre un avis non-conforme du Conseil supérieur de la magistrature lors de la nomination d’un magistrat du siège, mais c’est possible en revanche pour un magistrat du parquet. La réforme consiste en un alignement. S’agissant du disciplinaire, c’est le CSM qui prononce la sanction pour le siège, mais le garde des sceaux sur avis du CSM pout le parquet. Il s’agit là aussi d’aligner la procédure. Précision importante : c’est toujours le garde des sceaux qui nomme le magistrat du parquet (contrairement à celui du siège entièrement à la main du CSM). « Le CSM n’est pas une chambre d’enregistrement, il émet régulièrement des avis non conformes. Depuis 15 ans, l’exécutif a toujours suivi les avis du CSM mais nous voulons que cette pratique soit inscrite dans la Constitution » précise Nicolas Heitz, procureur de Saint-Brieuc.

Arnaud Faugere, procureur à Fontainebleau rappelle pour sa part que le magistrat du parquet est central dans le système judiciaire français dès lors qu’il gère 99% des enquêtes et il le fait seul. Le 1% restant correspond aux procédures des juges d’instruction. Par ailleurs, seules 16% des procédures pénales sont également examinées par un juge. « D’où la nécessité de garantir l’impartialité des nominations, afin d’éviter un soupçon de ce que nomination ou sanctions interviendraient pour des raisons non objectives » souligne Arnaud Faugere.

Le président de la République lui-même s’y est déclaré favorable le 3 juillet 2017 indiquant qu’il entendait mener cette réforme à son terme. Il a par ailleurs récemment émis l’hypothèse de réunir le Congrès sur d’autres sujets. Alors qu’attend-on ? « La réforme a été adoptée par le Parlement il ne reste plus qu’à réunir le Congrès pour acter l’évidence » a conclu le procureur Jean-Baptiste Bladier de Meaux.

 

Une inquiétude persistante sur la question des effectifs

La circulaire de localisation des emplois (CLE) prévoit 1720 postes au parquet en première instance. Mais seulement 1620 postes sont effectivement pourvus. Il en manque donc 100. La loi de programmation prévoit que d’ici 2027 les vacances seront comblées et qu’ensuite 30% des créations de postes de magistrats iront au parquet soient 284. Mais la Conférence rappelle qu’il existe en France 206 parquets. « Pour nous un substitut supplémentaire, ça change tout dans les petites et moyennes juridictions, mais attention, ce ne sera pas une révolution, prévient Raphaël Balland, procureur de Béziers et président de la Conférence. A l’heure actuelle, la situation est plutôt aggravée en raison de la concentration des renforts dans les juridictions concernées par les Jeux Olympiques ». La loi prévoit aussi la création de poste d’attachés de justice qui permettra le recrutement de profils plus larges que les juristes assistants. Mais on retombe sur le même problème que pour les procureurs : 200 recrutements sont prévus pour 206 parquets.

 

 

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