Hervé Temime : une étoile de la défense s’est éteinte

Publié le 11/04/2023

C’est un tweet de son ami et ancien confrère, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, qui a annoncé la triste nouvelle ce lundi. Le grand pénaliste parisien Hervé Temime est décédé à l’âge de 65 ans.

Né en 1957 à Alger, arrivé en France à l’âge de 4 ans, il n’est encore qu’adolescent quand il se passionne pour la justice et le métier d’avocat. En 1979, Hervé Temime réalise son rêve et s’inscrit au barreau de Versailles dont il devient premier secrétaire l’année suivante. Avec Thierry Herzog et Pierre Haïk, il plaide de nombreux dossiers de stupéfiants et de banditisme dans les années 80. Puis, au début des années 90, il se lance dans la défense des cols blancs. Il est en passe de devenir l’un des plus brillants pénalistes des affaires. En 1991, il fonde l’association des avocats pénalistes et en 2008 le cabinet actuel qui porte son nom, Temime et Associés.

D’une grande rigueur intellectuelle, il alliait une maitrise impeccable du droit et une émotivité à fleur de peau qui faisaient de chacune de ses plaidoiries une démonstration imparable de ce qu’il estimait être humainement juste. En février dernier, le barreau pénal parisien était venu en masse soutenir deux des siens accusés de complicité de tentative d’escroquerie au jugement pour avoir produit un faux document que leur avait remis leur client à leur insu. Hervé Temime avait dénoncé une accusation « monstrueuse » contre ses confrère Xavier Nogueras et Joseph Cohen-Sabban. Tous ignoraient alors que quelques jours plus tard, le soir de l’enterrement de son ami Pierre Haïk, il serait victime d’un malaise dont il ne se relèverait pas. 

Il était profondément et sincèrement admiré mais aussi aimé de ses confrères. Notre chroniqueuse, Me Julia Courvoisier, lui rend hommage. 

 

Hervé Temime : une étoile de la défense s'est éteinte

Il était un modèle.

Un modèle de gentillesse.

Un modèle de réussite.

Un modèle de talent.

Il parlait de la profession d’avocat avec respect, élégance et passion.

Chacune de ses interventions publiques était précise, mesurée, réfléchie.

Chacune de ses plaidoiries était une leçon de perfection.

Il savait de quoi il parlait. Il savait ce qu’il voulait. Ses mots étaient choisis.

Et l’on sentait, dès qu’il s’exprimait, la profonde humanité qui l’habitait.

Il voulait la justice. Il œuvrait pour la justice.

Mais mieux : il aimait les autres. Il les aimait sincèrement.

Il aimait transmettre. Il aimait donner. Il aimait aider.

On se souvient tous de ses larmes en sortant de l’audience qui a donné lieu à la relaxe de Bernard Tapie, qu’il avait défendu avec cœur et passion.

Il défendait les grands, mais aussi les moins grands et les tout-petits, comme en 2015, lorsqu’il avait été l’un des deux seuls ténors à avoir accepté d’aller plaider au tribunal correctionnel de Paris, pour défendre les prévenus déférés en comparutions immédiates, pendant que nous manifestions dans les rues contre la réforme de l’aide juridictionnelle.

Donner de son temps.

Il avait, récemment, décidé de parler de la profession d’avocat en « podcast » avec l’affaire Cottrez.

La défense, toujours la défense, encore la défense.

Expliquer, convaincre, combattre.

Il avait la défense ancrée au fond de son cœur. « Dans la peau », comme il l’avait écrit.

Il était aussi un défenseur de ce que nous avons de plus précieux : la présomption d’innocence. Essayant d’apporter un peu de nuance dans les débats parfois trop enflammés auxquels nous assistons. Il en parlait comme personne n’était capable de le faire.

Il était juste lorsqu’il en parlait. Il était honnête.

Il était en fait le meilleur d’entre nous.

S’il avait été chanteur, on aurait parlé de « monstre sacré ». Il chantait les mots. Il chantait la défense. Il chantait la robe d’avocat qu’il aimait tant.

Mais il était AVOCAT. Juste AVOCAT. Et rien qu’AVOCAT.

Le plus beau métier du monde, comme il disait.

Et il le sera toujours.

Il disait : « il n’y a pas de justice sans défense (et de défense sans secret professionnel) ».

La défense est aujourd’hui en deuil.

Elle vient de perdre l’un de ses piliers.

 

 

Note : On pourra écouter Hervé Temime parler de son métier dans cette vidéo du Grand entretien qu’il avait accordé à LCP en 2022. Celui-ci sera rediffusé ce soir à 22h30. 

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