Paroles de prétoire au tribunal de Créteil : « Je veux être interné »

Publié le 06/10/2020

Un homme est jugé aux comparutions immédiates de Créteil le 14 septembre pour avoir frappé trois voyageurs dans un RER après avoir entendu des voix.

Paroles de prétoire au tribunal de Créteil : « Je veux être interné »
Tribunal judiciaire de Créteil, salle des pas perdus. Photo : ©P. Anquetin

 

« Je demande l’internement ! Si vous n’êtes pas capables de le faire, c’est pas la peine. »

Le prévenu qui réclame l’hôpital psychiatrique est poursuivi pour violences.

« On a eu très peur »

Fin juillet, dans une rame du RER B, deux jeunes filles de 17 ans bavardent et rigolent. A quelques mètres un quadragénaire est en plein monologue, c’est Monsieur K. Les éclats de rire des filles lui parviennent. Il s’approche : « Toi, tu te moques de moi ? » Il s’emporte. D’un coup, une gifle part, les lunettes d’une jeune fille volent. Un jeune voyageur s’interpose, attirant sur lui la rage de Monsieur K. Il le frappe comme un sonneur. Le jeune homme ne fait pas le poids, il est démoli. Les agents de sécurité puis la police interpellent l’agresseur.

Les deux filles sont présentes à l’audience, à quelques mètres du prévenu. « On avait l’impression qu’il avait des problèmes psychologiques. On a eu très peur. » Les trois victimes sont traumatisées, disent les experts. Celui qui a protégé les deux autres est absent à l’audience. Depuis les faits, il enchaîne les rendez-vous chirurgicaux pour réparer son nez cassé. Il a subi 15 jours d’ITT. Il voulait devenir pilote de ligne, il ne sait pas s’il pourra supporter la pressurisation.

Pourquoi cette violence, demande la présidente à Monsieur K. ?

« — Elles se moquaient de moi ! Je ne pouvais pas savoir qu’elles étaient mineures. Quand elles vont acheter des cigarettes, on leur demande pas leur pièce d’identité ?

— Vous avez dit que vous entendiez des voix ?

— Oui, j’avais des voix… Lui il a fait le justicier ! C’est le travail de la police. »

Quand il n’est pas en prison, il est hospitalisé pour troubles psychiatriques

La présidente résume son casier : 28 mentions, des violences et encore des violences, rébellion, vol, outrage, usage de stupéfiants, trafic… Quand il n’est pas en prison, il est hospitalisé pour troubles psychiatriques. Pourtant dans cette affaire, l’expert psychiatre écrit simplement qu’il présente « une intolérance à la frustration », mais pas d’altération de son jugement.

La maladie mentale, la procureure n’y croit pas non plus. « Il se fait passer pour fou, mais en garde à vue il a commencé par nier les faits. Et il a de la répartie. « Le justicier est intervenu », dit-il aux policiers . Elle demande trois ans fermes.

« Il est dangereux et malade, plaide l’avocate de la défense. Il entend des voix. » Pendant leur entretien, il lui a répété : « Donnez-moi une feuille blanche, donnez-moi une feuille blanche… »  Elle sollicite un sursis probatoire renforcé. « Ça a été mis en place pour ces cas où on ne sait pas quoi faire… »

Avant la mise en délibéré, le prévenu s’excuse et répète : « Je veux être interné. »

Il est condamné à 18 mois avec maintien en détention, 500 € de dommages et intérêts pour chacune des filles, 100 € pour les lunettes. Quant au « justicier », son conseil préfère attendre la fin de sa convalescence pour évaluer le préjudice. Rendez-vous au pôle réparation en janvier.

Le détenu s’agite, il est évacué. On l’entend encore protester : « Écoutez ! Moi je suis très pauvre, quelqu’un de Neuilly-sur-Seine paiera ! »