Tribunal de Meaux : La conductrice ivre à un gendarme : « T’es gros, t’es moche »

Publié le 14/11/2023

Sur la route entre Soissons (Aisne) et Méry-sur-Marne (Seine-et-Marne), Aurélie et ses deux passagers ont partagé une bouteille de vodka. Au 57e kilomètre, lors du contrôle, « je n’étais plus moi-même », admet la mère de famille sortie de prison en août. Et comme elle a l’alcool « mauvais », elle s’est rebellée. Le tribunal de Meaux l’a sévèrement condamnée.

Tribunal de Meaux : La conductrice ivre à un gendarme : « T’es gros, t’es moche »
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

 « Qu’allez-vous dire aux enfants, à l’épouse ou au mari de la personne que vous finirez par tuer ? » demande la présidente Isabelle Verissimo chargée de l’audience des comparutions immédiates, en ce lundi au ciel gris. Âgée de 31 ans, Aurélie cumule déjà 18 condamnations, dont un tiers pour délits routiers du même tonneau, suivis de violences envers les agents qui ont la fâcheuse idée de la verbaliser. Devant le tribunal judiciaire de Meaux, elle répond de cinq infractions en récidive : conduite en état d’ivresse, refus de se soumettre à l’éthylotest, outrage, violence, rébellion.

La juge insiste : « Vous leur direz que vous êtes malade ? » Aurélie baisse la tête dans le box, on voit juste la boule brune que forme son chignon haut et ses épaules tombantes sous le blouson en cuir qu’elle porte depuis son interpellation, deux jours plus tôt. Réapparaît un visage anémié aux traits tirés. « Je fais des efforts, c’est très compliqué, je suis dépressive, souffle-t-elle. Mon but est de travailler et récupérer mon fils placé depuis six mois. »

Une volée de crachats, entrecoupée de « gros connard »

Ainsi débute le déroulé d’une vie chaotique. Pêle-mêle, s’y superposent les placements en famille d’accueil qui, enfant, l’ont brisée ; le compagnon qui « s’est défenestré » ; les dépressions successives noyées « dans l’alcool et le cannabis, quatre-cinq joints par jour » ; sa fille qu’elle n’a « pas vue depuis un an », son petit dernier qu’elle visite un samedi sur deux, l’hébergement en foyer contre participation mensuelle de 80 €. A ces fardeaux, s’ajoutent les multiples sanctions pénales. Mais, comme dans le paradoxe réversible de la poule et de l’œuf, difficile d’établir une chronologie.

Seule certitude, reconnue par l’intéressée, elle ne parvient pas à guérir des addictions qui la rongent et ses fréquentations ne l’y aident pas. Ce samedi 4 novembre, par exemple, alors qu’elle est encore sous le coup d’un sursis probatoire, Aurélie prend le volant pour qu’une amie aille voir ses enfants à Méry-sur-Marne. Sa passagère achète de la vodka, qu’elle boit au volant, au goulot, jusqu’à destination. Là, les événements s’enchaînent : le père, à qui sont confiés les mineurs, appelle les gendarmes pour que cesse le tohu-bohu sur son pas de porte. Aurélie « titube, tient des propos incohérents », selon le rapport.

Elle seule étant titulaire du permis de conduire, ses compagnons de trajet promettent aux militaires qu’un « copain viendra chercher la voiture pour le retour à Soissons ». Les gendarmes opèrent une discrète surveillance et voient Aurélie repartir. Ils l’arrêtent. S’ensuivent des injures, « t’es gros, t’es moche » dit-elle à l’un, tandis que l’autre, frappé au visage, subit une volée de crachats, entrecoupée de « gros connard ».

« Une hystérie totale heureusement filmée »

« On voit leur stoïcisme face à une énorme perte de contrôle, une hystérie totale heureusement filmée », ajoute la procureure Marlène Leroy, saluant le réflexe des gendarmes qui ont allumé la caméra-piéton. Confrontée à la scène, Aurélie en convient : « Je ne suis pas gentille quand je bois. » Et s’en remet aux images : « Je ne me souviens pas… Je n’étais plus moi-même. » La présidente, qui a énuméré les peines décernées à son encontre par les magistrats de l’Aisne, tente de la raisonner : sans soins, point de salut. « La justice vous y astreint, vous y avez droit et vous n’en profitez pas ! »

« C’est très compliqué », répète Aurélie, libérée de prison en août après la commission des mêmes faits aujourd’hui reprochés. Le juge d’application des peines se déclare « peu optimiste car elle a été plusieurs fois incarcérée et ne travaille pas ». Bien que titulaire de diplômes, la prévenue semble se complaire dans son parcours au jour le jour.

« A l’unanimité, je crois, nous avons l’impression de tourner en rond », dit la parquetière. « Sa vie extrêmement difficile n’est pas remise en question mais, si elle reconnaît les faits, elle n’a pas conscience de leur gravité. C’est ennuyeux. » Madame Leroy requiert deux ans de prison – l’un avec sursis probatoire jusqu’en 2025, l’autre sous bracelet électronique –, l’obligation de soins, de travail, l’annulation du permis et l’impossibilité de le repasser avant 2026, la confiscation de la voiture.

L’avocate d’Aurélie plaide en faveur « du soutien dont elle a besoin », puis la jeune femme au visage triste balbutie deux phrases inaudibles. On croit entendre « mon fils ». Elle ne le reverra pas de sitôt. Aurélie est condamnée à 20 mois ferme (le reliquat du précédent sursis est révoqué) avec mandat de dépôt. Les autres réquisitions sont suivies, le gendarme frappé obtient 400 € pour son préjudice. Hébétée, la jeune mère suit son escorte. Le cycle infernal poursuit son rythme.

 

 

 

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