Twitter ou les méfaits de la flatulence ministérielle

Publié le 12/07/2022

« Le tweet ministériel, c’est ce que les Américains appellent un pet intellectuel » a déclaré Me François Sureau  le 26 juin dernier dans l’émission C Politique. Me Julia Courvoisier saisit l’occasion pour dénoncer l’habitude prise par les politiques de donner leur avis à tout bout de champ sur les réseaux sociaux, en particulier dans les affaires judiciaires. 

Twitter ou les méfaits de la flatulence ministérielle
Photo : ©PixieMe/Adobe

 

Il fallait bien un ancien avocat de grande qualité, aujourd’hui académicien, pour avoir l’élégance de nous dévoiler la théorie du « pet intellectuel » que constitue le tweet ministériel.

 

 

Merci à François Sureau pour ce moment de rigolade.

Mais aussi de réflexion plus profonde.

Vous imaginez bien que je ne pouvais pas passer à côté de l’occasion de faire une petite chronique sur les « flatulences » de nos ministres.

La politique serait-elle atteinte d’une aérophagie générale galopante ?

Ou comment péter à bon escient lorsque l’on est ministre ?

Gouverner par le commentaire permanent

Force est de constater que les réseaux sociaux, et surtout twitter, ne sont plus seulement des outils de communication. C’est une façon de gouverner par le commentaire permanent.

Il faut prendre parti, donner son avis, se positionner, être pour ou contre.

Soutenir telle ou telle personne. Telle ou telle profession.

Être dans le bon camp, et surtout dans le camp de celui qui souffre.

Peu importe si on ne connaît rien de l’histoire, il faut se déclarer.

Et évidemment, condamner tout acte quel qu’il soit, y compris alors que la justice n’a pas encore tranché.

Nous avons tous tendance à le faire, mais nous ne sommes pas ministres. Nous n’exerçons pas un mandat public. Nos tweets n’engagent que nous, et pas l’État français.

J’ai moi-même, je vous le confesse, commenté dans la colère, ou dans l’émotion, alors que je n’aurai pas dû le faire. Eh oui, chers lecteurs, tout ceci ressemble à une sorte de « rédemption du pet » que je fais aujourd’hui.

Le « pet ministériel », c’est donc le petit tweet permanent de nos ministres sur tout et rien.

Et surtout sur les affaires judiciaires en cours…

Peut-on contrepèter ?

Nous avons des exemples presque toutes les semaines de ces petits « pets ministériels », mais je voudrais revenir sur un fait judiciaire assez triste dont le dénouement n’a pas fait l’objet d’un pet rectificatif de la part de ceux qui avait « pété » en décembre dernier.

Un pet pourrait-il en annuler un autre ?

Peut-on contrepéter ?

Revenons aux faits.

Le 1er décembre 2021, le tribunal correctionnel de Bobigny a relaxé Alain Schmitt, boxeur, prévenu d’avoir sérieusement cogné sa compagne, également boxeuse, Margaux Pinot, au motif que : « un tribunal n’est jamais là pour dire qui dit la vérité et qui ment : en l’occurrence nous n’avons pas assez de preuves de culpabilité ».

Tollé dans la pétosphère !

De la ministre des sports, Madame Maracineanu, en passant par nos plus grands sportifs, tout le monde y est allé de son soutien. Soutien à la plaignante, évidemment, qui avait publié des photos de son visage tuméfié.

 Mais encore une fois, pas un mot au sujet de la présomption d’innocence.

Dans la foulée de cette relaxe, nous avons pu découvrir, lors de conférences de presse surréalistes (je dirai même lunaires), les parties faire état de leurs bleus, de leurs traces de coup, de leurs ecchymoses, chacun accusant l’autre d’être violent.

Qui croire ? Que dire ?

Et puis 48 heures plus tard : plus rien.

Le parquet a interjeté appel de cette relaxe et nous n’avons plus guère entendu parler de cet ancien couple dans la tourmente. Plus personne n’a « pété » et cette affaire est retombée dans les canalisations de nos réseaux sociaux.

Les mois ont passé, d’autres affaires, d’autre soutiens, sont venus embrumer notre quotidien.

Et puis la cour d’appel de Paris, dans une décision passée très inaperçue, a confirmé la relaxe d’Alain Schmitt au début du mois de juin.

Gare à l’asphyxie !

Je m’attendais donc à un regain de tweets, ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle.

Mais non : aucun tweet. Aucun pet ministériel. Rien.

Pas une réaction de tous ceux qui s’étaient emparés, dans l’urgence, dans l’émotion, de cette triste et délicate affaire judiciaire.

Alors j’ai compris que l’aérophagie est une maladie bien étrange lorsqu’elle saisit nos ministres et nos responsables politiques.

Il faut que ça sorte. Et que ça sorte vite.

Et alors que le commun des mortels comme vous, comme moi, souhaite toujours beaucoup de discrétion et de silence dans un cas pareil, l’aérophagie qui touche nos représentants doit nécessairement être bruyante.

Le pet ministériel doit s’entendre jusque sur les plateaux télé.

Il doit faire trembler les adversaires politiques qui n’ont pas réagi assez rapidement, ou assez bruyamment.

En d’autres termes : je pète, donc je suis.

 Et si, à force, ces vents malodorants finissaient par nous asphyxier ?

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