Violences sexuelles : le courage d’Hortense

Publié le 11/05/2023

Abandonnée par sa famille, à la dérive et suicidaire, Hortense croise un soir de désespoir deux prédateurs qui vont la violer toute une nuit. Son avocate, Me Julia Courvoisier raconte le courage qu’il a fallu à Hortense pour survivre.

Violences sexuelles : le courage d'Hortense
Photo : © AungMyo/AdobeStock

Elle s’appelle Hortense*.

Je l’ai tout de suite aimée.

Hortense a passé la porte de mon bureau, il y a quelques années, pour un dossier de viol, m’avait-elle dit très rapidement par sms. Elle avait besoin d’une avocate en urgence car elle était convoquée par un juge d’instruction qui lui avait vivement conseillée d’être assistée pour la suite de l’enquête.

Une boule de souffrance

Hortense est arrivée ce jour-là après avoir visiblement bu plusieurs verres d’alcool en chemin. Elle était fuyante, mal à l’aise, dépassée par son histoire. Je lui ai offert de l’eau, un café et puis quelques chocolats. Ses douleurs sortaient de son petit corps frêle comme un volcan en éruption. Une boule de souffrances et de mal être qui n’arrivait pas à se contenir.

Hortense a eu une vie compliquée. Des parents très sévères qui ont voulu lui imposer des projets de vie qui ne lui ressemblaient pas. Elle avait une âme d’artiste je pense, un peu fragile, sensible, que ses parents ont tenté de corriger par une éducation à la dure.  Ses parents ne l’ont jamais acceptée ni comprise.

Alors Hortense est partie dès qu’elle a eu 18 ans. Elle a commencé des études de lettres, brillantes d’ailleurs, mais sans aide familiale, la vie à Paris est devenue impossible. Les tentatives de suicides ont ainsi émaillé cette vie fragile. Hortense se scarifiait, buvait, essayait d’oublier ce qui la rongeait.

Elle savait qu’elle avait besoin d’aide alors quand elle sentait ses envies de mourir monter en elle, elle se rendait à l’hôpital ou téléphonait à son psychologue. Internement, liberté, folies nocturnes, alcool, drogues, bad trip puis tentative de suicide et c’était reparti pour un séjour en hôpital psychiatrique.

Alcool, drogue, et tentatives de suicide

Il y a quelques années, Hortense a rencontré un garçon qui l’a aimée avec ses immenses qualités, mais aussi ses terribles souffrances. Il l’a aidée à se « stabiliser » comme elle disait. Elle l’aimait de tout son cœur, de toutes ses tripes. Mais les bons moments ont laissé place aux mauvais. Puis, un matin il l’a quittée, lassé des crises d’amour. Hortense a replongé : alcool, drogue, tentatives de suicide.

Un soir qu’elle quittait son travail, des mois après cette rupture dont elle ne se remettait pas, Hortense l’a croisé dans un bar. Il était là. Il avait rencontré quelqu’un d’autre. Il était beau. Comme dans ses souvenirs. Il avait avancé dans sa vie. Pas elle. Il lui a expliqué qu’il avait tourné la page.

 Alors elle a bu, elle a pleuré et, pour essayer d’oublier, elle a voulu aller danser. Elle avait besoin de s’abrutir de musique et de danse jusqu’à épuisement. Seule, elle est rentrée, une boite de nuit. Seule, elle s’est mise à danser. Des gens l’ont abordée. Ils étaient gentils, dira-t-elle devant la cour d’assises quelques années plus tard. Ils lui ont offert un verre, ou deux, ou trois. Un homme l’a agressée dans les toilettes, alors comme elle se sentait mal, ses nouveaux « amis » lui ont proposé d’aller chez eux terminer la soirée.

« Vas-y, c’est ton tour »

Hortense se souvient de peu de choses, la porte rouge de l’immeuble, l’appartement miteux.  Et puis ces deux hommes qui, après l’avoir allongée sur le lit, l’ont violée. Sans préservatif. L’un après l’autre. Comme des bêtes. Hortense ne pouvait pas bouger, mais elle les sentait et les entendait.

« Vas-y, c’est ton tour ! » s’encourageaient ses agresseurs.

 Hortense s’est réveillée le lendemain : elle a récupéré sa petite culotte qui était au bas de ses jambes et s’est rendue à l’hôpital le plus proche. Six mois plus tard, avec sa culotte précieusement gardée, elle est allée déposer plainte.

 Sur cette culotte, on a trouvé le sperme d’un homme connu des services de police. Placé en garde à vue plusieurs mois plus tard, il ne cessait d’évoquer une relation consentiesur fond de surconsommation de drogues et d’alcool. Le second homme, lui, n’a pas pu être identifié.

Les parents d’Hortense ne sont pas venus la soutenir à l’audience, pas plus que sa sœur d’ailleurs. Et pourtant, entendue par les médecins experts qui ont examiné Hortense au cours de l’instruction pénale, sa famille ne pouvait pas ignorer ce qu’elle traversait.

Ni comprise, ni acceptée, même dans les épreuves.

 Mais Hortense était entourée de sa nouvelle famille : des amis précieux, qui ont assisté aux 48 heures d’audience et ont attendu avec elle, jusqu’au milieu de la nuit, la condamnation de son violeur.

 Lors du procès, Hortense a immédiatement reconnu la voix de son violeur. Et ses mains.

 Il a été condamné à 7 ans de réclusion criminelle.

Il risquait 15 ans.

 Il s’est finalement désisté de son appel et, alors que je m’approchais du box des accusés en accord avec son conseil, je l’ai remercié d’avoir évité de faire subir un second procès à ma cliente. Il n’a jamais reconnu le viol, mais, lorsque je lui ai demandé si un jour, il serait temps de s’excuser auprès d’Hortense, il m’a répondu « oui, ça viendra maître ».

Il y a de ces audiences qui resteront, à jamais, dans ma mémoire. Parce que l’on peut nier les faits, mais savoir ce que l’on a fait.

Hortense aura bientôt tourné cette page judiciaire.

Une véritable héroïne

Alors qu’elle m’envoyait souvent des messages criant sa détresse qui m’empêchaient parfois de terminer mes nuits tellement j’avais peur pour elle, je n’en ai plus reçu aucun depuis plusieurs mois. Tout du moins pas des messages de ce style-là !

 Hortense a rencontré un nouveau garçon.

Elle souffre encore, je crois, mais elle dompte cette souffrance et avance.

 Dans quelques jours, je lui remettrai un confortable chèque qui viendra l’indemniser pour les préjudices qu’elle a subis. La commission d’indemnisation des victimes lui a en effet accordé la totalité de ce qu’elle demandait. Je crois qu’elle a des projets artistiques et qu’elle en fera bon usage.

 Hortense est un modèle de femme, une véritable héroïne.

J’ai un profond respect pour ce qu’elle a réussi à traverser. Je me demande souvent si j’aurais eu son courage. Elle s’est battue pour elle, mais aussi pour toutes les autres à qui je raconte son histoire afin de leur donner la force de se battre.

 À vous, Hortense.

Et à toutes les autres. 

 

 

* Le prénom de ma cliente a évidemment été modifié et tout ce qui concerne l’histoire d’Hortense a été rendu public lors de l’audience à la cour d’assises. Le reste est soumis au secret professionnel qui me lit à elle.

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