À Paris, un déploiement de FR-Alert tardif

Déployé depuis 2022 sur le territoire français mais en Île-de-France, FR Alert prend son temps… Le dispositif d’alerte et d’information des populations qui permet à tous et toutes de prendre ses précautions en cas d’accident industriel, d’attentat, de catastrophe naturelle peine à se développer. En février, un test a eu lieu dans le XIIIe arrondissement.
Dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, près de 5 millions de personnes se connectaient à Facebook pour annoncer à leurs proches qu’elles étaient vivantes, en sécurité. L’outil « Safety check » avait été lancé par le réseau social américain suite au séisme et au tsunami meurtriers qui avaient frappé le Japon en 2011. Au départ, il avait été prévu pour les cas de catastrophes naturelles, industrielles ou technologiques (accidents nucléaires, ferroviaires) : les attentats franciliens seront la première application à des situations de péril terroriste (suivront ensuite les attaques au Nigeria, à Nice, Bruxelles, Stockholm ou Londres). Le géant de la tech avait en apparence devancé l’État américain dans la prévention technologique.
En apparence seulement : en 2008 étaient votés au Congrès américain la loi WARN (The Warning, Alert and Response Network) et le système WEA (Wireless Emergency Alert) permettant l’activation de messages d’urgence sur tous les appareils en service dans les zones prédéfinies était lancé en 2012. Depuis, il a été activé plus de 84 000 fois sur tout le territoire pour avertir la population de dangers divers (tornades, fusillades, enlèvement d’enfant entre autres).
Il a fallu 10 ans à la France pour se doter d’un système similaire, FR-Alert, qui s’appuie sur le système d’alerte européen EU-Alert, défini par le Code européen des communications électroniques (l’article 110 prévoyant que chaque État membre dispose d’un système d’alerte informant le public d’urgences majeures ou de catastrophes imminentes au plus tard le 21 juin 2022). Déployé sur le territoire national à la date butoir, FR-Alert permet de prévenir en temps réel toute personne détentrice d’un téléphone portable de sa présence dans une zone de danger afin de l’informer des comportements à adopter pour se protéger. FR-Alert combine deux technologies différentes pour diffuser l’alerte : la diffusion cellulaire (cell broadcast – notification qui s’affiche sur l’écran du téléphone accompagnée d’un son) et les SMS géolocalisés (depuis janvier 2024).
Cet outil est complémentaire aux systèmes d’alerte déjà existants : plus de 2 000 sirènes sont raccordées à un logiciel de déclenchement à distance, les médias TV et radio peuvent être activés pour diffuser des messages d’alerte et d’information sur leurs antennes, tous comme les comptes institutionnels et les réseaux sociaux. FR-Alert constitue une réponse adaptée à un large périmètre de risques et de menaces : si vous passez ou vous vous trouvez dans l’une des zones concernées par un danger imminent, vous recevez une notification accompagnée d’un signal sonore spécifique, même si votre téléphone portable est en mode silencieux.
95 000 SMS envoyés en une heure de test dans un quartier du XIIIe arrondissement
Depuis 2022, le système a été activé à plusieurs reprises, pour des tempêtes, des cyclones, des inondations, une éruption volcanique, des orages et feux de forêts, mais aussi pour un accident industriel sur un site Arcelor Mittal en Lozère. Des activations qui ne sont permises que grâce à des phases test anxiogènes pour la population mais nécessaire pour sensibiliser et rassurer sur le long terme des personnes parfois peu avisé des systèmes d’alerte traditionnels (selon un sondage IFOP de 2013, 78 % des Français ignorent la conduite à tenir si les sirènes retentissent). Des tests sont donc régulièrement conduits sur tout le territoire français dont plusieurs en Île-de-France : le 22 novembre 2022 pour un accident industriel à Chennevières-le-Louvres (Val d’Oise), le 22 juin 2023 pour un accident nucléaire à Saclay (Essonne), le 21 décembre 2023 pour un accident sur un site seveso à Saint Chéron (Essonne) ou pour un « événement majeur de sécurité publique » (coups de feu/ attentats) sur l’ex-base aérienne 217 à Brétigny sur Orge (en Essonne toujours).
Curieusement, les tests à Paris – ville hôte des Jeux olympiques 2024 – n’ont été conduits que très récemment. Le 15 février dernier dans le XIIIe arrondissement, entre l’avenue de Choisy, le boulevard Auriol et les Maréchaux, les téléphones portables ont sonné. Beaucoup de téléphones : sur une heure de test, plus de 95 000 SMS ont été envoyés. Contactée, la Préfecture de Police s’est félicitée de ce test « qui s’est déroulé avec fluidité sur la période et le secteur préalablement identifiés »: « Les deux dispositifs ont fonctionné ce matin de manière nominale, avec les résultats suivants : Cell broadcast (4G/5G) : sur les 692 cellules de diffusion (antennes) dans la zone, 638 ont émis la notification (avec sonorisation) sur les portables dans la zone. Les antennes n’ayant pas émis sont souvent simplement en opération de maintenance. Ce score correspond à l’attendu sur un secteur comme Paris. Les notifications ont été très bien réceptionnées et ce de manière immédiate », a expliqué la Préfecture qui ne cache pas que le test a révélé des failles : « sur les plus de 95 000 SMS envoyés, on compte plus de 71 000 SMS reçus, le taux d’échec correspond aux téléphones éteints ou en « mode avion », à certains appareils connectés (type tablettes numériques, qui ne peuvent recevoir les SMS), ou parfois à des bugs d’opérateurs. Ce nouveau vecteur de diffusion est apparu très efficace ; des travaux sont en cours au niveau national pour optimiser encore ses résultats ».
La Préfecture de police entend profiter de ces quelques mois prochains pour améliorer le dispositif : « La notification contenait un lien vers un questionnaire de retour d’expérience mis en ligne par la Préfecture de Police. Plus de 1 500 réponses ont été collectées à ce stade. Les premiers retours font émerger une méconnaissance du dispositif par une partie des Parisiennes et Parisiens, mais également de nombreuses réponses pertinentes qui seront exploitées par les équipes dédiées pour contribuer à l’amélioration continue du dispositif ».
Deux autres journées de test auront lieu dans la capitale ces prochaines semaines, le 22 mars dans le XVe et le 23 avril dans le XVIIe, pour être au point au moment où plus de 15 millions de visiteurs sont attendus dans la région pour les Olympiades ? Le Préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a rassuré la population dans une interview donnée à France Info le 6 mars : la sécurité des Jeux va mobiliser jusqu’à « 45 000 agents des forces de l’ordre certains jours, 30-35 000 en moyenne sur toute la période ». Il avait précisé que l’organisation en urgence de « l’hommage aux attentats de Charlie Hebdo et de l’HyperCasher », l’Euro 2016 ou encore la Coupe du monde de rugby avait prouvé que la France était en mesure d’assurer prévention et sécurité.
Référence : AJU012y8
