FLASH : Le conseil d’État rejette le recours contre l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes
Par une ordonnance en date du 18 octobre (en intégralité à la fin de l’article), le Conseil d’État a rejeté le recours du Comité Action Palestine (CAP) contre le télégramme du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin interdisant les manifestations pro-palestiniennes. Toutefois, il rappelle que c’est aux préfets qu’il appartient d’apprécier, au cas par cas, si le trouble à l’ordre public justifie l’interdiction de la manifestation.
Certes, le recours a été rejeté, mais il n’aura pas été inutile. Le Comité Action Palestine avait saisi le Conseil d’Etat d’un référé-liberté visant à obtenir la suspension du télégramme de Gérald Darmanin du 12 octobre qui donnait comme consigne aux préfets :
« Les manifestations pro-palestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public, doivent être interdites ».
La haute juridiction vient de rejeter ce recours au motif que le ministre n’a entendu, comme expliqué à l’audience, que rappeler aux préfets qu’il leur appartenait d’interdire les manifestations justifiant des actes terroristes.
Cependant, l’ordonnance souligne la « regrettable approximation rédactionnelle » et saisit l’occasion pour rappeler la procédure à suivre :
« A ce titre, il revient au préfet compétent, sous le contrôle du juge administratif, de déterminer, au vu non seulement du contexte national décrit au point 6, mais aussi des circonstances locales, s’il y a lieu d’interdire une manifestation présentant un lien direct avec le conflit israélo-palestinien, quelle que soit du reste la partie au conflit qu’elle entend soutenir, sans pouvoir légalement motiver une interdiction par la seule référence à l’instruction reçue du ministre ni la prononcer du seul fait qu’elle vise à soutenir la population palestinienne ».
Les points soulignés (le gras est ajouté par la rédaction) répondent aux différentes critiques contre le texte abordées lors de l’audience (lire notre compte-rendu ici).
Contrairement à l’impression que l’on pourrait avoir à la lecture du télégramme, l’interdiction d’une manifestation relève bien de la compétence du préfet, par décision motivée soumise au contrôle du juge. Le ministère a assuré que c’était ainsi que les choses se passaient, mais le juge estime nécessaire de le rappeler.
La formule « quelle que soit du reste la partie au conflit qu’elle entend soutenir » fait référence au fait que l’interdiction ne concerne que la Palestine, alors qu’il pourrait aussi y avoir des débordements dans une manifestation pro-israëlienne. C’est un discret rééquilibrage de l’asymétrie de traitement dénoncée par le CAP à l’audience.
L’instruction du ministre, rappelle le Conseil d’État, ne peut servir de fondement à une décision d’interdiction, car ce texte n’a aucune valeur réglementaire (dans le cas contraire d’ailleurs, il poserait un problème en raison de sa généralité).
Enfin, le fait qu’une manifestation vise à soutenir la population palestinienne ne suffit pas en soi à justifier l’interdiction. Cette précision permet de distinguer entre les rassemblements de soutien au Hamas, dont l’objet constitue le délit d’apologie du terrorisme et donc un trouble à l’ordre public d’une part, et ceux qui n’auraient d’autre but que de soutenir les populations civiles victimes de la guerre, d’autre part. À l’audience, le ministère de l’Intérieur a indiqué qu’il n’avait jusqu’ici eu connaissance que de projets relevant de la première intention et qu’il ne visait que ceux-ci.
Référence : AJU396439