Le barreau Paris Solidarité : aller là où le droit est absent
Créé en 2011, le barreau de Paris Solidarité assure un service auprès des populations éloignées du droit, dans la capitale et alentour. Une mission qui n’est pas près de s’arrêter.
Un jeudi soir sur deux, elles savent qu’elles auront une oreille attentive, des conseils avisés ; elles savent qu’on s’occupera d’elles. Au bois de Boulogne comme au bois de Vincennes, les travailleuses du sexe trans, souvent d’origine sud-américaine, trouvent dans le bus Paris Solidarité du thé chaud, une aide spécifique apportée par l’association Acceptess-T (prévention des IST, tests viraux…) et les conseils juridiques des avocats et avocates bénévoles. Pour ce public éloigné du droit, les requêtes sont nombreuses, surtout après les opérations de nettoyage menées en marge des Jeux olympiques. OQTF, agressions, violences (par des clients, des mafieux, des agents de police), accès au logement et à la santé, etc., les requêtes sont nombreuses et les avocats attentifs. Le bus affrété par le fonds de dotation est comme une île déserte au milieu d’un océan démonté. Et ce n’est qu’un des outils que déploie quotidiennement, et depuis près de 15 ans, le barreau de Paris Solidarité.
Le fonds de dotation a distribué 174 000 euros de contributions répartis sur 30 projets
Créé en 2011 par Madame le bâtonnier Christiane Féral-Schuhl, le fonds de dotation a pour objet, en France et à l’étranger, le soutien, la promotion ou la réalisation de toutes actions d’intérêt général dans les domaines juridique, culturel et social. Le fonds de dotation multiplie les permanences d’assistance juridique gratuite en lien avec des dizaines d’associations (parmi lesquelles Utopia56, Groupe SOS, Armée du salut, Médecins du monde, Aides, la Fondation des femmes, etc.) en parallèle des missions du bus d’accès au droit qui, du lundi au samedi, se pose aux abords du périphérique. Christiane Féral-Schuhl encourage les initiatives individuelles au service des plus démunis avec la remise annuelle des Trophées Pro Bono, soirée qui réunit plus de 300 avocats parisiens, où sont récompensées cinq initiatives particulières pour l’accès au droit, la culture, la protection des droits de l’Homme, l’insertion et le soutien des plus exclus, ou encore la protection de l’environnement. Le fonds de dotation soutient aussi financièrement des projets d’intérêt général portés par des associations spécialisées dans l’accès au droit et la culture juridique, et la défense des droits humains entre autres. En 2023, le fonds de dotation a distribué un montant total de 174 000 euros de contributions répartis sur 30 projets (comme l’OIP, le GISTI ou la Coalition mondiale contre la peine de mort). Parce qu’il se base sur le fondement du serment de l’avocat, l’exigence d’humanité et l’engagement désintéressé, le fonds de dotation s’appuie sur des salariés dévoués et fonctionne sur une armée d’avocats bénévoles (875 officiellement, dont la moitié au moins participe très activement aux opérations).
La raison d’être du barreau Paris Solidarité
La vice-bâtonnière Vanessa Bousardo a dès le début de son mandat abordé le Barreau Solidarité, « déjà très ancré dans le paysage », avec beaucoup d’intérêt. « C’est l’une des actions qui m’a été présentée directement dès le début de mon mandat, souligne-t-elle lors d’une interview par visioconférence. Depuis 2011, c’est cette entité qui coordonne toutes nos actions de solidarités et de pro bono, qui existaient déjà avant ». L’élue du barreau de Paris est particulièrement fière du Bus et de la soirée des trophées Pro Bono. « C’est un événement annuel qui célèbre un engagement fort du barreau, qui met en valeur le travail discret d’avocats très engagés. Qu’ils soient individuels ou qu’ils appartiennent à de grands cabinets. » Derrière ces trophées, ce sont en effet tous les bénévoles qui sont applaudis, qu’ils consacrent beaucoup de temps aux actions du barreau Paris Solidarité ou qu’ils n’aient la capacité d’offrir le temps que d’une permanence. « Ce sont les avocats qui nourrissent les trophées par leur ingéniosité, leur inventivité mise au service des précaires, cet événement évolue au fur et à mesure des engagements des avocats. » Selon Vanessa Bousardo, ce service rendu à la communauté répond à la mission première des avocats, qui peut parfois être éloignée de leur quotidien, et qui est particulièrement présente chez les jeunes avocats. « La jeune génération d’avocats est vraiment à la recherche d’un sens et trouve avec le barreau Paris Solidarité une façon d’être à l’équilibre entre leur code moral et leur vocation professionnelle : on peut être collaborateur dans une grosse structure de droit des affaires et contribuer en parallèle à cette force vive, le bus d’accès au droit, qui sillonne la ville aux côtés des plus démunis, pour trouver des solutions avec eux. » Si le succès des opérations du barreau de Paris Solidarité n’est plus à démontrer, déployer de nouveaux dispositifs est encore un objectif à long terme. Les 8 000 consultations délivrées chaque année, qui mobilisent près de 400 avocats, comblent un manque criant d’accès au droit. Cette année, en partenariat avec la RATP, un nouveau bus a été mis en circulation, pour recevoir le public dans d’encore meilleures conditions (avec un accès aux sanitaires entre autres). « Nous avons toujours besoin de nouveaux avocats volontaires. Chacun de nos bénévoles reçoit une formation qui permet d’obtenir des connaissances supplémentaires pour répondre aux besoins des plus nécessiteux. Nous avons beaucoup de jeunes qui entrent chaque année dans notre profession, près de 2 000 jeunes sortent de l’EFB, nous savons que beaucoup d’entre eux entendent mettre leur diplôme au service des autres. »
Concernant la maraude du jeudi soir auprès des travailleuses du sexe des bois de Boulogne et Vincennes, toujours plus exposées aux violences depuis le passage de la loi de pénalisation des clients, le barreau Paris Solidarité espère bientôt s’y déployer davantage. « Ce sont des endroits où le droit est absent, avec des personnes dans des situations de précarité diverses. Notre vocation est d’être sur le terrain auprès d’elles, c’est une manière de faire circuler la parole du droit auprès de celles qui sont convaincues de n’en avoir aucun ! »
Référence : AJU015r2