À Villejuif, 100 000 m2 de laboratoires doivent ouvrir en 2025
Une ville contre le cancer se construit à quelques encablures de l’hôpital Gustave-Roussy, institut de pointe dans le domaine de l’oncologie. Lancé en 2022, le Campus Grand Parc accueillera des laboratoires de recherche, des universités, des start-up développant des technologies nouvelles contre le cancer, mais aussi des cafés et des cinémas. Benjamin Garel, directeur général de la fondation Paris-Saclay Cancer Cluster, qui finance ces entreprises innovantes, revient sur la manière dont a été pensé ce quartier, inspiré d’expériences américaines et qui devrait booster l’activité économique du territoire.
Actu-Juridique : Pouvez-vous nous présenter le Paris-Saclay Cancer Cluster ?
Benjamin Garel : Paris-Saclay Cancer Cluster est une fondation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider les entreprises innovantes en oncologie à développer rapidement des solutions pour les patients. En France, la recherche fondamentale est très performante, notamment en oncologie : d’après des études, la région parisienne est la deuxième dans le monde en termes de nombre de publications dans ce domaine. Cependant, lorsqu’il s’agit de transformer cette recherche en applications concrètes, la France accuse un retard : nous ne sommes que 13ᵉ en termes de dépôts de brevets et bien au-delà de la 20ᵉ place pour la capitalisation des start-up dans ce secteur. Nous devons mieux exploiter nos atouts. Notre mission principale est de structurer un cluster d’entreprises dédiées à la lutte contre le cancer autour de l’hôpital Gustave-Roussy. Cet environnement unique offre des opportunités incroyables pour accélérer la création et le développement de start-up.
AJ : Quel est l’intérêt de la proximité avec l’hôpital Gustave-Roussy ?
Benjamin Garel : Gustave-Roussy est l’un des cinq meilleurs hôpitaux du monde en cancérologie depuis des années. Plus du quart de ses patients participent à des essais cliniques, ce qui est exceptionnel. L’établissement possède un savoir-faire de pointe mais, jusqu’à aujourd’hui, il souffrait d’un certain isolement géographique. Cela va changer avec l’arrivée des lignes 14 et 15 du métro et la création d’une gare d’interconnexion qui est sur le point d’ouvrir. Gustave-Roussy sera alors seulement à 18 minutes de Châtelet, au cœur de Paris. Autour de l’hôpital, 40 hectares constructibles vont permettre de créer un véritable écosystème dédié à l’innovation contre le cancer. Nous prévoyons 100 000 mètres carrés de laboratoires et de bureaux pour les entreprises et start-up. Ce projet, porté par notre cluster, vise à développer un pôle d’excellence au service de la santé.
AJ : À quoi ressemblera le Campus Grand Parc ?
Benjamin Garel : Le site où vont s’implanter les entreprises s’appelle Campus Grand Parc car il existe un grand espace vert, le parc des Hautes Bruyères, en bordure de l’autoroute A6, entre l’hôpital Gustave-Roussy et la zone où va se déployer le cluster. Actuellement, 7 000 mètres carrés de bureaux et laboratoires sont déjà disponibles et 40 000 mètres carrés supplémentaires ouvriront d’ici 2025 pour accueillir les entrepreneurs et chercheurs en oncologie. Ainsi les principaux bâtiments du pôle santé seront opérationnels dès décembre 2025. Le projet inclura également des espaces dédiés à l’habitat et aux commerces et notamment un hôtel patients, pour les personnes en soins ambulatoires. Nous voulons favoriser un lieu vivant, où les employés, les familles et d’autres habitants cohabitent dans un cadre stimulant et éviter un environnement de travail désertique en soirée. C’est une vision de quartier intégré, portée par notre fondation et les collectivités locales.
AJ : Quelles sont les difficultés rencontrées par les start-up dans le domaine de la biotechnologie ?
Benjamin Garel : Le développement d’un nouveau médicament est un processus long et coûteux : il faut souvent plus de 10 ans et un milliard de dollars d’investissement pour qu’une molécule atteigne le marché. Actuellement, 80 % des molécules autorisées proviennent de start-up. Cela a été particulièrement visible avec les vaccins contre la Covid-19, développés grâce à des technologies mises au point par des start-up collaborant avec des entreprises comme Pfizer et Moderna. Dans ce contexte, les start-up doivent surmonter de nombreux obstacles : lever des fonds, naviguer dans les phases complexes des essais cliniques, tout en supportant des taux d’échec élevés. Le cluster leur apporte un écosystème propice et des ressources pour maximiser leurs chances de succès.
AJ : Quelles sont les dernières innovations de la recherche contre le cancer que soutient votre cluster ?
Benjamin Garel : Notre cluster accueille des projets industriels aux technologies variées, allant des anticorps monoclonaux aux thérapies cellulaires. Nous soutenons toute innovation prometteuse, qu’elle soit thérapeutique, diagnostique ou dans le domaine des dispositifs médicaux. L’immuno-oncologie est une des grandes révolutions dans la lutte contre le cancer. Son principe consiste à utiliser le système immunitaire pour attaquer les cellules cancéreuses. Les tumeurs disposent de mécanismes sophistiqués pour échapper à l’immunité : elles envoient des signaux inhibiteurs ou empêchent les cellules immunitaires de pénétrer la tumeur. L’objectif de l’immuno-oncologie est de contrer ces mécanismes de défense. Un des médicaments phares dans ce domaine cible une molécule-clé pour lever le frein du système immunitaire, ce qui permet à ce dernier d’agir efficacement contre les cellules cancéreuses.
AJ : Quelles peuvent être les retombées économiques d’un tel projet pour le département du Val-de-Marne ?
Benjamin Garel : 100 000 m2 de laboratoires, cela devrait représenter une création de 2 000 à 7 000 emplois dans le secteur du développement en oncologie : des techniciens de laboratoire, des ingénieurs de développement produit, des médecins, des investisseurs. Pour le territoire, c’est majeur. La concentration d’acteurs sur un même site facilite les collaborations, la mobilité professionnelle et la résilience des talents face aux aléas du secteur. Développer un médicament est une activité très risquée : sur 100 molécules qui entrent en pré-clinique, une seule arrivera à terme et permettra de soigner les patients. Les start-up naissent et meurent très vite dans ce domaine. Le fait d’avoir une concentration permet aux scientifiques d’aller rejoindre un projet et, si ce dernier n’aboutit pas, de trouver facilement une autre structure parmi celles présentes sur le Campus. Par ailleurs, pour développer un médicament, il faut mobiliser des métiers différents. Avoir une concentration d’acteurs capables d’intervenir sur la toxicité du médicament, sur le fonctionnement des molécules ou de produire en grande quantité, permettra de créer un environnement favorable au développement des biotechs. Un professionnel qui se lance dans le développement d’un médicament va être amené à changer de métier 30 fois dans sa carrière tant les compétences à mettre en œuvre sont nombreuses ! À chaque étape, il faut apprendre un nouveau métier.
AJ : D’où est venue l’idée de mêler centre de recherche et quartier résidentiel ?
Benjamin Garel : Nous nous sommes inspirés d’exemples internationaux, notamment de Kendall Square à Boston. Situé entre le MIT et l’université d’Harvard, ce quartier regroupe entreprises de biotechnologie, logements, restaurants et lieux culturels. Les Américains le qualifient de most innovative square mile on earth (le mile carré le plus innovant de la planète, NDLR). Nous avons visité ce site plusieurs fois et recruté des collaborateurs ayant travaillé dans cet écosystème. Notre ambition est de recréer un environnement aussi stimulant et attractif, adapté au contexte français. Le Campus Grand Parc combinera excellence scientifique et cadre de vie convivial, pour attirer et retenir les talents.
Référence : AJU016g5