Baisse historique des morts sur la route : des raisons de se féliciter, des questions à se poser…
Publié le 19/03/2025 à 9h00
La Sécurité Routière communique que le mois de février 2025 a connu une baisse significative du nombre de décès sur la route, et ce, pour le 4ᵉ mois consécutif. Mais ce n’est pas tout : ce mois de février 2025, décidément « béni », a été, aussi, celui qui a enregistré le nombre de décès sur les routes « le plus faible jamais enregistré pour un mois de février, mais aussi tous mois confondus, depuis 1954 », soit depuis près de 70 ans (tout en précisant qu’elle n’a pas pris en compte, pour son calcul, les années 2020 et 2021, « atypiques en termes de circulation routière pour cause de pandémie Covid 19 »). Ces résultats très positifs ont été obtenus en dépit de fait que depuis le 1er janvier 2024, on ne retire plus de points pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h.

À l’époque, cette décision avait été fermement condamnée par la Ligue contre la violence routière, qui avait dénoncé une mesure laxiste et démagogique, ne pouvant aboutir qu’à une augmentation des morts sur la route. « Les excès de vitesse tuent, il faut se mettre ça dans la tête », avait annoncé le 9 janvier 2024 Jean-Yves Lamant, président de la Ligue contre la violence routière, avant de poursuivre : « Parmi l’ensemble des accidents mortels liés à une vitesse excessive, ceux inférieurs à 10 km/h représentent 46%. C’est clairement un encouragement à transgresser la règle (…). À partir du moment où l’on incite les gens à aller plus vite, mécaniquement la mortalité augmente : 1% d’augmentation de la vitesse, c’est 4% de morts en plus ».
Une seule solution : la répression…?
N’en déplaise à M. Lamant, les résultats sont là, et il faut bien constater que son raisonnement prétendant établir « mécaniquement » un lien entre la sévérité de la répression et le nombre de morts sur la route, a été démenti. Non, l’amélioration de la sécurité routière ne passe pas uniquement par la répression, c’est un ensemble très complexe qui se doit d’intégrer, aussi, l’état du réseau routier, les améliorations techniques apportées aux véhicules par les constructeurs, la qualité du parc automobile et le comportement des automobilistes – qui ne conduisent pas uniquement en fonction de la « peur du gendarme » mais, aussi (et je dirais surtout !), en raison de ce qu’on pourrait appeler la « responsabilité et le civisme », c’est-à-dire « les mœurs ».
Si vraiment on considérait que la seule solution permettant de réduire la mortalité routière était la répression, alors il faudrait aller au bout du raisonnement, interdire tous les véhicules à deux roues (responsables à eux seuls du quart de la mortalité routière) et n’accorder le droit de passer le permis de conduire qu’aux personnes âgées de plus de 24 ans (puisque les jeunes représentent une catégorie très accidentogène). Pourquoi donc ne le fait-on pas ? Pour deux raisons, étroitement liées l’une à l’autre : non seulement ces mesures seraient perçues par l’opinion publique comme liberticides, mais feraient « exploser » le nombre de contrevenants roulant hors contrôle et sans assurance. Ces véritables « dangers de la route » dégraderaient inéluctablement les statistiques accidentogènes de la Sécurité Routière.
En dépit des mises en gardes apocalyptiques de la Ligue contre la violence routière, le gouvernement a donc opté pour une certaine douceur réglementaire. Les résultats lui ont donné raison, d’autant qu’en même temps un projet de loi a proposé d’introduire dans le Code pénal la notion d’« homicide routier » ; en ce moment, il poursuit sa navette entre la Chambre des Députés et le Sénat, mais il est absolument certain qu’il sera adopté. Certes, son objectif est purement symbolique, puisqu’il ne prévoit aucune aggravation pénale des dispositions déjà prévues en matière d’homicide par imprudence, mais le législateur a tenu compte d’une demande émanant de l’opinion publique et que j’ai définie ci-dessus comme étant du domaine des mœurs. La loi a, aussi, une fonction pédagogique, et c’est fort heureux.
Et si on prenait en compte l’évolution des mœurs, sur la route comme en matière de stupéfiants…?
Serait-il envisageable d’appliquer cette stratégie à d’autres domaines, et plus particulièrement aux stupéfiants ? Essayons de déplacer le débat, de ne plus raisonner sur les prétendus « bienfaits » (ou pas) du cannabis, comme le faisaient les « peace and love » d’antan, mais uniquement sur celui, bien plus concret, de l’efficacité du dispositif répressif. Oui, le cannabis est une drogue, incontestablement, et ses effets sont nocifs pour la santé ; oui, en matière de stupéfiants, nous disposons en France d’une des législations les plus sévères d’Europe : pour quels résultats ? Il n’y a pas de quoi pavoiser, puisque 45% des adultes français ont consommé du cannabis au cours de leur vie (alors que la moyenne de l’Union européenne est de 27%), et que le nombre de consommateurs habituels (évalué actuellement à 1 500 000 personnes) poursuit son augmentation constante. Face à ce bilan incontestablement négatif, les ministres de l’Intérieur de tous bords confirment leur détermination à poursuivre une politique répressive qui a dramatiquement échoué. Un peu comme la Ligue pour la sécurité routière, qui n’admet pas le moindre relâchement en matière de répression…
Serait-il possible d’envisager une nouvelle stratégie, fondée sur deux grands axes : d’un côté, la légalisation du cannabis, qui permettrait d’en contrôler à la fois la vente et la qualité – notamment l’interdiction de la consommation aux mineurs et le taux de THC), doublé d’une augmentation significative des peines frappant les trafiquants, qu’il s’agisse de ceux vendant le cannabis en dehors du cadre légal, comme des trafiquants des drogues dures. Une manière de privilégier les mœurs sur les lois : ce n’est pas Montesquieu qui me démentirait…
Référence : AJU497492

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