Faits divers et enquêtes policières : visite guidée à Versailles

Publié le 11/06/2024

Depuis 2017, l’Office de tourisme de Versailles propose ponctuellement des visites guidées avec une thématique police et justice. Les faits divers comme les affaires historiques ne manquent pas dans cette ville qui s’est développée autour du célèbre château. Intrigues de cours et procès illustres font tout le sel du parcours.

Vue aérienne du domaine de Versailles

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Marie-Laure Tilloy est conseillère culturelle et guide conférencière au sein de l’Office de tourisme et des Congrès de Versailles Grand Parc depuis vingt ans. Parmi ses missions, elle conçoit de nouveaux sujets de visite pour mettre en avant la ville et l’intercommunale. C’est en souhaitant créer un parcours pour montrer Versailles « sous un jour moins attendu et plus aguichant », qu’elle a mis en place la visite guidée : « Faits divers et enquêtes policières ». En 2017, dans Le Parisien, elle se félicitait déjà du succès de la proposition : « Cela marche très bien. Cela nous permet de sortir de nos thématiques traditionnelles et d’attirer un public plus large. » Sept ans plus tard, Marie-Laure Tilloy continue d’observer l’attrait des gens pour ce genre de visites « qui excitent leur curiosité pour des affaires sombres ».

La conseillère culturelle n’est pas la seule à animer ces visites. Elle est entourée d’une équipe de guides conférenciers qui apportent chacun et chacune leur propre charisme, et leur « talent de conteur pour rendre les choses plus attrayantes ».

Des affaires royales

Avec sa cour d’appel et ses tribunaux, Versailles a une histoire judiciaire riche et a été le théâtre de nombreux procès qui ont marqué l’histoire. « Cela ne manque pas de choses à raconter, poursuit Marie-Laure Tilloy. L’idée était de créer un parcours pour lequel nous avions eu l’occasion de faire des conférences en salle, mais pas avec les mêmes contraintes. Avec une visite guidée, il faut, dans la mesure du possible, faire le lien avec ce que l’on voit. »

Autour du château, la visite démarre avec un point de départ : le Versailles faste et royal naît d’un procès, celui de Fouquet. « C’est notamment après la fête du 17 août 1661, la plus impressionnante donnée à Vaux-Le Vicomte, que Nicolas Fouquet, le surintendant des finances est arrêté. Louis Le Vau (architecte), André Le Nôtre (paysagiste) et Charles Le Brun (peintre, chargé de la décoration intérieure) ont réalisé Vaux-le-Vicomte et ce sont eux aussi qui interviendront à Versailles. On raconte ensuite l’affaire des poisons, elle aussi liée à la cour, qui correspond au moment où la cour s’installe à Versailles. »

Après le château, le parcours mène le groupe, place Hoche, où l’on s’arrête un moment sur l’affaire du collier de la reine Marie-Antoinette. Cette affaire d’escroquerie s’est déroulée de 1784 à 1786 à la cour de France. Fomentée par Jeanne de La Motte, elle souhaitait dérober un collier de diamants créé par deux bijoutiers parisiens du nom de Boehmer et Bassenge. « Jeanne de la Motte logeait dans une auberge de Versailles, précise Marie-Laure Tilloy. Elle a réussi à faire croire qu’elle était une proche de la reine et elle s’est fait remettre le collier dans cette auberge place Hoche. »

La geôle et le Bailliage

En arrivant dans le quartier des Antiquaires, près du marché de Notre-Dame, les rues rectilignes et rigides font place à des rues tortueuses. C’est là que se situe l’hôtel du Bailliage. Construit en 1724, il abritait le tribunal et la prison avant de devenir un tribunal criminel à la Révolution. « La particularité de Versailles, ajoute Marie-Laure Tilloy, est que l’hôtel était à la fois le siège du bailli et de la prévôté. Tout ce qui concernait la cour et son personnel relevait du grand prévôt de France, qui exerçait ses fonctions dans le même bâtiment que le bailli. »

Si la geôle est inaccessible durant les heures de visite – c’est désormais un pub ouvert uniquement le soir – le lieu regorge d’anecdotes. « On s’arrête sur l’affaire Damiens, qui a porté la main sur louis XV, le 5 janvier 1857. Il a été appréhendé puis emmené dans la geôle de Versailles où il a été soumis à la question. C’est l’occasion de parler de l’ordonnancede Villers-Cotterêts qui rendait notamment nécessaire l’obtention de preuves, mais aussi d’évoquer les peines infligées sous l’Ancien Régime, qui étaient plutôt des peines afflictives que des peines de prison. »

La suite de la visite nous emmène sur les traces de l’affaire du vol des bijoux de Madame du Barry, dont l’instruction se déroule au début de la Révolution, en 1791. Elle dépend alors de la juridiction de Versailles. « Pour faire avancer l’enquête, Madame du Barry envoie des lettres auprès des polices en France et à l’étranger. Un joaillier londonien lui a finalement fait savoir qu’il avait des bijoux qui correspondaient. Mais il n’y avait pas de procédure d’extradition à l’époque. Les auteurs ont été arrêtés puis finalement libérés. Mais elle a été condamnée à payer la récompense qu’elle avait promis, or elle n’avait plus d’argent… »

Les histoires de police au quotidien ne sont pas pour autant laissées de côté. Pour étoffer le contenu, Marie-Laure Tilloy a pu consulter des rapports de police faisant par exemple état de « non-observation des réglementations en vigueur » : « Des hôteliers qui devaient éclairer devant leur auberge ou nettoyer et qui ne le faisaient pas, mais aussi des témoignages de rixes, de taxes de vin non payées ou encore de cochons qui courent dans les rues sans autorisation, ou de seaux d’eaux usées qui tombent sur la tête de badauds. » Dans le passage Saint-Pierre, un bourgeois a ainsi perdu son procès car un domestique avait bien crié : « Gare » avant de jeter les huiles usées par la fenêtre.

Le palais de justice

La déambulation se termine devant le palais de justice, cadre du deuxième procès de Zola pour la publication de « J’accuse » – le premier ayant eu lieu à Paris. « On décide de faire ce procès à Versailles pour que ce soit plus confidentiel, à l’été 1898. C’est aussi devant le palais de justice, que le tueur en série, Henri Désiré Landru, est exécuté le 25 février 1922. Il a été décapité devant la porte de la prison. La porte est conservée et identifiable. Enfin, la dernière affaire évoquée est une conclusion importante avec le procès de Weidman, un tueur en série allemand ayant agi dans les années 1930 en France. Appréhendé en 1937, il est exécuté en 1939. Des gens avaient loué des fenêtres pour voir l’exécution, ou étaient arrivés très tôt pour avoir une place tout devant. La curiosité morbide du public a entraîné la décision de ne plus exécuter en public. Ce fut donc la dernière exécution en public de l’histoire de France ! »

De l’Ancien Régime au début du XXe siècle, la visite guidée de Versailles « Faits divers et enquêtes policières » s’est inspirée du livre Les grandes affaires criminelles des Yvelines de Nathalie Michau (2007). « Nous utilisons des ouvrages de seconde main, mais aussi des sources primaires. Nous avons beaucoup utilisé des articles parus dans la revue d’histoire de Versailles, dont le premier numéro date de 1899. Nous y avons trouvé une collection d’articles sur les archives de la police locale des XVIIe et XVIIIe siècles. Ça fourmillait d’histoires intéressantes. Nous y avons greffé des histoires célèbres. »

Les prochaines visites auront lieu en avril et juin. D’autres sont prévues la plupart des dimanches de juillet et août, en fonction du calendrier des Jeux olympiques.

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