Les jeunes qui ont tué Bastien Payet, victime de violences gratuites, jugés six ans après

Publié le 26/03/2025 à 7h51

Enfin ! La famille de Bastien Payet, un étudiant en droit de 23 ans tué en mars 2019 à Reims (Marne), pensait son drame « oublié ». Les agresseurs du jeune slameur comparaissent à partir de jeudi devant les assises, soit six ans et dix-sept jours après le crime. Bastien est mort car il a défendu ses deux amies importunées par trois individus qui, depuis, se rejettent la responsabilité des coups portés.

Les jeunes qui ont tué Bastien Payet, victime de violences gratuites, jugés six ans après
Le tribunal judiciaire de Reims (Photo : ©I. Horlans)

 Oussama Zeroual, un Algérien qui aura 27 ans dimanche, et ses deux amis Rémois, Enzo Andolini et Osman Dogan, respectivement âgés de 25 et 24 ans, sont jugés à compter de jeudi et jusqu’à vendredi 4 avril. D’abord mis en examen pour meurtre, le trio a bénéficié d’une requalification des faits : « violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner, en réunion », une circonstance aggravante. L’instruction a démontré qu’ils n’avaient pas voulu tuer Bastien Payet, que seuls les coups de poing et de pied qu’ils lui ont portés à la tête sont à l’origine de son décès. Libérés en août 2020 et en septembre 2021, les mis en cause s’accusent mutuellement. Deux des trois amis de la victime et Osman Dogan désignent toutefois Oussama Zeroual comme étant celui qui a frappé Bastien au ventre, au visage, alors qu’il se trouvait à terre.

En état de récidive légale, car condamné en 2017 et 2018 pour deux vols et détention de stupéfiants, Zeroual risque la perpétuité. Ses deux comparses encourent une peine de 20 ans. Avec eux, devant la cour d’assises, Léa B., 25 ans, renvoyée pour faux témoignage sous serment en faveur de Dogan. Elle dit avoir « menti par amour » pour disculper son petit ami. À cause d’elle, le dossier avait dû être rouvert en avril 2022. Passible de cinq ans de prison, elle pourrait bénéficier de clémence puisqu’elle s’est spontanément rétractée.

Un jeune homme « intelligent, beau, affectueux, altruiste »

 La mort de Bastien Payet avait provoqué une onde de choc dans la Marne, et même au-delà, tant elle symbolisait déjà, en 2019, cette violence gratuite, exponentielle, à laquelle chaque personne est désormais confrontée. « Une profonde injustice » dénoncée lors d’une marche blanche le 24 mars 2019, deux semaines après les faits. Et, cinq ans plus tard, par l’animateur Jean-Luc Reichmann qui avait reçu Bastien sur le plateau de l’émission de TF1 « Les Douze Coups de midi » ; il avait reposté sur X (ex-Twitter) la sublime prestation en direct du talentueux slameur.

Entendue par le juge d’instruction, la maman de Fabien Payet avait décrit un jeune étudiant « gentil, travailleur, beau, affectueux, intelligent, joyeux, curieux, cultivé, sociable, généreux, altruiste », qualificatifs repris par tous ceux qui le connaissaient au travers de l’université ou de la vie associative. Auprès de nos confrères de L’union, elle avait déploré à plusieurs reprises la lenteur de la justice, jusqu’à participer en mars 2024 à une manifestation devant la cour d’appel de Reims.

Au juge, elle avait aussi précisé que son fils « ne supportait pas la violence physique ou verbale, en particulier envers les femmes ».

C’est justement en raison d’une remarque déplacée, adressée à deux amies avec lesquelles il avait passé la soirée, que Bastien a perdu la vie.

« Il vient de se faire taper. Il y a du sang partout »

 Samedi 9 mars 2019, à 2 h 25 du matin, Bastien, Simon et leurs amies, toutes deux prénommées Cassandre, marchent rue Jeanne d’Arc, en plein centre-ville. Les filles précèdent les garçons, elles passent à côté de jeunes en train d’uriner contre une porte de garage. Alors qu’elles évitent le ruissellement, ils les apostrophent, vantant « la taille de leur sexe ». « Laissez-les », lance Bastien, aussitôt projeté au sol à coups de poing. S’ensuivent des coups de pied, assénés avec une extrême brutalité.

À 2 h 35, Cassandre M. appelle les pompiers : « Un copain vient de se faire taper au 46 rue Jeanne d’Arc… Il saigne au niveau du visage. Il y a du sang partout… » Simon prévient Police-Secours : « Un suspect est à côté dans la rue. » Cassandre B. poursuit : « Je saurai le reconnaître. Je viens de le voir, il est revenu vérifier ce qu’il avait fait et là, il est à 30 mètres. »

Sur le bitume, Bastien est inanimé ; du sang s’écoule de sa bouche, de son nez. À l’hôpital Robert-Debré, le médecin constate qu’il est plongé dans le coma. Outre des blessures au visage avec « des dermabrasions striées aux formes évoquant l’empreinte de semelles de chaussures », une contusion pulmonaire avec atteinte de la fonction rénale, Bastien présente un œdème cérébral majeur et un saignement intracrânien frontal. Son pronostic vital est engagé.

Le jeune homme de 23 ans meurt le 10 mars, à 4 h 55.

« Oussama Zeroual formellement reconnu »

 Les policiers ne perdent pas de temps. Ils emmènent Cassandre B. à bord de leur voiture et, sur la place d’Erlon toute proche, elle désigne Oussama Zeroual « au milieu d’un groupe très énervé, vociférant et se bousculant », indique l’ordonnance de mise en accusation que nous avons consultée. Il est interpellé et « formellement reconnu » par Simon et Cassandre, lors du tapissage derrière une glace sans tain, comme un auteur des violences.

Zeroual nie son implication. Il dit que « les filles ont fait des réflexions sur le pénis » de ses copains, que Bastien « ne manifestait aucune agressivité », que, soudain, « il était au sol en train de recevoir des coups » et que, lui, a essayé « d’éloigner » ses camarades. Il admet être revenu rue Jeanne d’Arc, se prétendant « inquiet de l’état » du blessé.

Zeroual dénonce Enzo Andolini et Osman Dogan.

Arrêtés les 9 et 10 mars, ces derniers minimisent leur rôle. Chez le premier, une paire de baskets est saisie : leurs semelles correspondent à la trace que portait Bastien sur une joue. Andolini assure toutefois qu’il n’était pas avec les autres. Alerté par une altercation, il s’est approché « par curiosité », a « pris un coup » et en retour, a eu « un mouvement réflexe de défense ».

Quant à Dogan, il affirme que Zeroual et Andolini ont battu Bastien. Pour l’aider, Léa, une de ses petites amies, lui invente un alibi qui s’effondre en 2022.

L’enjeu du procès sera d’établir les responsabilités, bien que la commission du crime en réunion paraisse acquise. Ils sont défendus par deux Rémois, Simon Miravete et Pascal Ammoura, la Parisienne Cécile Nathan, et Denis Fayolle, du barreau de Marseille. Face à eux, 29 parties civiles représentées par trois avocats de Reims, Mes Pauline Manesse, Gérard Chemla et Fanny Quentin. Le verdict est attendu en fin de semaine prochaine.

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