Meaux : la diffusion par les médias d’une vidéo d’enlèvement déclenche la colère du parquet
Jean-Baptiste Bladier, chef du parquet au tribunal judiciaire de Meaux (Seine-et-Marne), a mis en garde « certains médias » qui ont diffusé le 9 janvier l’enregistrement d’un enlèvement place de l’Église à Villeparisis dimanche. Le film de la scène, très violente, fait courir « un risque accru à la victime », regrette-t-il.
Installé en octobre 2022 à Meaux, le nouveau procureur est un magistrat courtois, peu suspect d’entraver le travail de la presse. Celui qui est aussi Président de la Conférence nationale des procureurs de la République ne refuse jamais un contact avec les journalistes. Mais, ce mardi 10 janvier 2023, Jean-Baptiste Bladier est en colère. Par voie de communiqué, il a attiré « l’attention » de ceux qui ont mis en ligne les deux minutes et trente secondes, captées par un riverain, du rapt accompagné de coups d’un jeune homme identifiable et toujours recherché. Par téléphone, d’un ton grave, il nous confirme qu’à « ce stade très liminaire des investigations », cette vidéo avait « vocation à n’être portée qu’à la connaissance des enquêteurs » de la police judiciaire de Meaux et de Melun, toujours aux trousses des ravisseurs.
🔴 Seine-et-Marne : Un homme enlevé et mis de force dans le coffre d'une voiture par des ravisseurs armés à Villeparisishttps://t.co/ggFlmRqqbS
— Actu17 (@Actu17) January 8, 2023
Les faits, révélés dimanche soir par le site Actu17, qui n’est pas à l’origine de la diffusion du film, se sont produits ce 8 janvier à 8 h 45, en plein centre de Villeparisis, commune de quelque 26 000 habitants située au nord de la Seine-et-Marne. En l’état qualifiés d’enlèvement et séquestration en bande organisée, ils ont été commis par quatre hommes encagoulés à l’exception de l’un, juste affublé d’un bonnet blanc. Il pourrait être rapidement arrêté s’il est fiché. Un bandit tient un fusil à pompe. Vêtus de blouson, parkas, sweats à capuche, jeans ou bas de survêtement, ils jettent leur victime dans le coffre d’une Renault après l’avoir tabassée, y compris sur le capot de la voiture voisine, tant il se débat et résiste, en vain.
Plusieurs précédents en Île-de-France et à Marseille
Lundi, un journaliste d’Europe 1 s’est procuré le document « exclusif » et l’a mis en ligne. Il l’a obtenu auprès d’un riverain qui, de la fenêtre de son immeuble près de l’église Saint-Martin, assiste à l’événement à côté de son chat roux. Selon une source policière, plusieurs personnes ont vu la scène de leur logement ou de leur voiture. Aucune n’est intervenue, sauf par des appels à la police. À leur décharge, la brutalité de l’agression, la détention d’une arme et le mode opératoire laissent penser qu’il s’agit d’une bande aguerrie. L’attaque en plein jour, dans le centre et au vu de paroissiens qui se rendent à la messe, démontre que le gang n’avait peur de rien.
S’il est sans précédent à Villeparisis, ville de plus en plus gangrenée par le trafic de drogue, notamment dans « le secteur Normandie-Niemen », l’un des points de deal avec le sous-sol de la place Wathlingen, cet acte criminel rappelle des kidnappings similaires en Île-de-France et à Marseille. Ainsi, le 7 décembre dernier à Cergy (Val d’Oise), quatre malfrats avaient agi de façon strictement identique – la victime avait pu être sauvée, et les auteurs interpellés. Et, le 10 mars précédent, en Seine-Saint-Denis, trois individus avaient enlevé un jeune vendeur de cannabis au motif qu’il leur devait de l’argent. Emmené de force dans une Renault, il avait été torturé 24 heures avant de parvenir à fuir et à se traîner jusqu’à l’hôpital. Enfin, à Villepinte en novembre 2021, selon Le Parisien, un commerçant de 36 ans avait été retenu en otage durant deux mois en Belgique à la demande de trafiquants néerlandais.
Le mode opératoire est le même qu’à Marseille, cité qui compte le plus de règlements de comptes de cette nature. Ils sont systématiquement liés aux rivalités entre têtes de réseaux de stupéfiants. Parfois, la victime reparaît les jours suivant l’enlèvement, après que sa famille ou ses complices ont réglé une rançon. Hélas, il arrive que l’affaire se termine en « barbecue », méthode répandue dans les Bouches-du-Rhône qui consiste à incendier la voiture et son occupant enfermé dans le coffre.
Il est encore impossible de savoir si le rapt de dimanche à Villeparisis est en lien avec un différend entre dealer et pourvoyeurs. Mais, compte tenu de l’issue généralement réservée aux séquestrés, on comprend l’irritation du procureur de Meaux, qui a également précisé que le suspect interpellé dimanche avait été remis en liberté car hors de cause.
Référence : AJU343656