Procès des attentats de Trèbes et Carcassonne : les accusés renvoyés à leur conscience
La cour d’assises spécialement composée a rendu son verdict ce vendredi dans le procès des attentats de Trèbes et Carcassone en mars 2018. Elle a prononcé des peines comprises entre douze mois et cinq ans de prison contre les sept accusés. Seule la petite amie de Radouane Lakdim est reconnue coupable d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.
On s’attendait à un verdict en début de soirée, il est tombé aux alentours de 20 h 30. La salle des grands procès est remplie. Il y a les proches des sept accusés, les victimes et leur famille, plusieurs gendarmes en tenue aussi et beaucoup de journalistes. Les accusés sont dans le box, mais la cour n’est pas encore là. Il règne un silence très solennel.
Sonnerie.
« L’audience est ouverte vous pouvez vous asseoir. Accusez levez-vous ! » lance le président Laurent Raviot.
Acquittés !
Il commence par Samir Manaa, c’était un ami proche du terroriste Radouane Lakdim. Poursuivi pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, il encourt trente ans, le parquet en a demandé dix. Il est acquitté de ce crime. En revanche il est reconnu coupable du transport et de la détention d’armes et condamné de ce chef à trois ans de prison.
Son frère Sofiane Manaa chez qui on a retrouvé les armes dissimulées par Samir et un bonnet portant l’ADN de Radouane Lakdim est déclaré coupable détention d’armes et condamné à douze mois dont six avec sursis.
Reda El Yaakoubi, le « boss » d’Ozanam est acquitté du crime d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste mais reconnu coupable de transport et détention d’armes et condamné à quatre ans de prison.
Ahmed Arfaoui, le beau-frère de Radouane Lakdim est acquitté de l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, acquitté de la non-dénonciation de crime, mais condamné pour le délit de soustraction frauduleuse d’un objet de nature à faciliter la découverte d’un crime ou d’un délit, à trois ans de prison.
Baghdad Addaoui, le taiseux, est reconnu coupable de non dénonciation de crime et condamné à trois ans de prison dont deux ans de sursis probatoire avec maintien en détention dans le but de garantir l’effectivité du suivi compte tenu de ses fragilités et des risques qui en résultent. Il encourait cinq ans, le parquet en avait demandé quatre.
Sofiane Boudebbouza, l’influenceur, est acquitté du crime d’association de malfaiteurs terroriste, mais reconnu coupable du délit de provocation à des actes de terrorisme, sans la circonstance aggravante de l’utilisation d’un outil de communication en ligne car il a posté le message qui lui est reproché en privé sur Facebook. En état de récidive, il est condamné à quatre ans de prison dont deux ans sursis probatoire de trois ans, et inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait).
Marine Pequignot condamnée à cinq ans
Enfin, Marine Pequignot est reconnue coupable d’association de malfaiteurs terroriste. Elle risquait trente ans, le parquet avait requis onze ans dans le but qu’elle retourne en prison (elle est sous contrôle judiciaire depuis juillet 2020 après avoir passé un peu plus de deux ans en détention provisoire), la cour la condamne à cinq ans de prison dont deux avec sursis, en précisant que pour le reliquat de peine d’emprisonnement, elle verra avec le juge d’application des peines sous quelle forme l’effectuer. En pratique, elle ne devrait donc pas retourner en prison.
Ainsi, sur les cinq accusés poursuivis pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, tous sont acquittés à l’exception de la petite amie du terroriste. Quant aux peines, elles sont très inférieures aux réquisitions. Le dossier, qui s’était déjà considérablement dégonflé lors des réquisitions puisque le parquet avait demandé la requalification en association de malfaiteur de droit commun pour trois des sept accusés, a achevé de se vider lors du délibéré. La cour en effet n’a pas considéré qu’à défaut de retenir l’association de malfaiteurs terroriste, elle pouvait au moins sanctionner les trafics révélés lors de la procédure en requalifiant les faits d’association de malfaiteurs. Les caïds locaux resteront donc impunis.
Un défaut d’actes matériels caractérisant les crimes reprochés
Le président a tenu à préciser avant de lever l’audience. « Une association de malfaiteur terroriste implique des actes matériels au soutien d’un projet terroriste, s’il n’y a pas d’acte matériel, aussi choquant cela soit-il, et même en cas de complaisance avec le terroriste, il n’y a pas d’association de malfaiteur en lien avec une entreprise terroriste. Beaucoup de gens, et je ne vise pas seulement les accusés, ont une responsabilité morale très importante, je les laisse à leur conscience ».
Tout le monde sait qu’il ne faut pas attendre grand-chose d’un procès qui, l’auteur des faits étant mort, porte sur des « seconds couteaux », autrement dit des membres de l’entourage proche susceptibles d’avoir contribué à la préparation de l’attentat. Mais avec l’émergence d’un terrorisme low cost, un homme seul armé d’un couteau, d’une arme de poing et de quelques bombes artisanales peut tuer quatre personnes et en blesser beaucoup d’autres sans avoir besoin d’une logistique énorme. C’est ce qu’a fait Radouane Lakdim le 23 mars 2018, à Carcassonne et Trèbes. Et il est possible en effet qu’il n’ait pas eu besoin de l’aide de son entourage, ni financière ni matérielle, pour réaliser son sinistre projet. En tout cas la cour n’a pas considéré que le dossier était suffisamment solide pour affirmer le contraire, excepté s’agissant de la petite amie du terroriste.
Les accusés et le parquet ont 10 jours pour faire appel.
Référence : AJU423280