Quintuple meurtre à Meaux : la garde à vue du père prolongée

Publié le 27/12/2023

L’homme soupçonné d’avoir tué son épouse et leurs quatre enfants dans la nuit du 24 au 25 décembre à Meaux (Seine-et-Marne) n’a toujours pas été entendu par la police. Si sa garde à vue a été prolongée ce matin, son état de santé reste incompatible avec une audition. Cette tragédie pose à nouveau la question du suivi psychiatrique des individus « fragiles ».

Quintuple meurtre à Meaux : la garde à vue du père prolongée
Jean-Baptiste Bladier, procureur de la République à Meaux (Photo : ©I. Horlans)

Jean-Baptiste Bladier, procureur de la République à Meaux, a confirmé ce mercredi 27 décembre que les autopsies des cinq victimes sont pratiquées au cours de l’après-midi à l’Institut médico-légal de Paris. Il faut confirmer le nombre de coups de couteau mortels portés à la mère de 35 ans et à ses deux aînées, des fillettes âgées de 10 et 7 ans, l’ampleur de leurs blessures, et déterminer la cause de la mort des cadets, un garçonnet de 4 ans et son frère, qui aurait eu 9 mois le jour de Noël. Les premières constatations, révélées par le chef du parquet, évoquent un possible étouffement.

A l’issue de la garde à vue, prolongée de 24 heures ce matin, et à laquelle ne s’est pas opposé le médecin de l’Unité médico-judiciaire (UMJ) requis, le procureur a annoncé qu’un juge d’instruction sera chargé de poursuivre les investigations « sous le double chef d’homicides volontaires sur mineurs de (moins) de 15 ans et homicide volontaire par conjoint ». En l’état, la préméditation n’a pas été retenue. Il reviendra enfin au juge des libertés et de la détention d’ordonner l’incarcération du mis en cause, pour l’instant « hospitalisé en Seine-Saint-Denis en raison de ses blessures à une main ».

« Une expertise psychiatrique au stade de l’instruction »

« La peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité », a précisé M. Bladier, indiquant toutefois que « si les institutions et autorités judiciaires compétentes devaient conclure à l’altération du discernement au moment des faits, la peine serait limitée à 30 ans ». Le magistrat confirme à Actu-Juridique.fr qu’il « n’y aura d’expertise psychiatrique qu’au stade de l’instruction », soit pas avant plusieurs mois. « S’il est conclu à l’abolition totale du discernement, il existerait une voie procédurale consistant en la saisine de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris pour le prononcé, au terme d’une audience spécifique, de mesures de sûreté. » Jean-Baptiste Bladier nous dit aussi que « durant la détention, l’administration pénitentiaire peut initier les procédures administratives et médicales pouvant amener le suspect à un transfert dans un service psychiatrique ».

Le père de famille a en effet des antécédents médicaux inquiétants. Même si son casier judiciaire ne porte aucune condamnation, il avait déjà asséné un coup de couteau à sa femme le 14 novembre 2019, « un mois et demi à peine avant l’accouchement du troisième enfant ». Blessée à l’omoplate, la mère de famille, alors âgée de 31 ans, avait refusé de déposer plainte. La procédure avait cependant suivi son cours, jusqu’au classement sans suite « en raison d’un état mental déficient ». L’abolition du discernement avait été établi par un expert.

« On ne peut pas interner les gens à vie ! »

Né en 1990 à Colombes (Hauts-de-Seine), ce plombier semblait souffrir de dépression et de troubles psychotiques depuis l’année 2017. Au domicile familial, les policiers de la Brigade anticriminalité, intervenus les premiers « sur la scène de crime d’une très grande violence que j’ai pu constater par moi-même », a expliqué le procureur, visiblement éprouvé, les preuves de « traitement par tranquillisants » ont été saisies. Du dossier médical de cet homme, il ressort également qu’il avait été interné en psychiatrie en 2017, puis entre novembre 2019 et janvier 2020, soit deux mois après sa garde à vue pour les violences commises envers sa femme. Il l’avait épousée en 2023 après 14 ans de vie commune.

« Sa dangerosité n’avait certainement pas été confirmée, avance un expert psychiatre qui, ne connaissant pas ce dossier, requiert l’anonymat. On ne peut pas interner les gens à vie ! Et, en l’absence de diagnostic de maladie psychiatrique grave, de type schizophrénie, il est impossible d’imposer un suivi strict. » Et de rappeler « qu’en toutes matières, le risque zéro n’existe pas ». Le problème se pose de manière identique aux magistrats conscients que chaque affaire de violence intrafamiliale peut, un jour, se conclure par un drame. À Meaux, dont nous suivons régulièrement les audiences, leurs décisions sont toujours pesées au trébuchet tant les risques de relâcher un individu dangereux obsèdent les juges des chambres correctionnelles.

« Un très grand nombre de coups de couteau »

En attendant ses explications sur des actes d’une sauvagerie inouïe, le père a juste « fait part de son mal-être » et indiqué « savoir pourquoi » la police l’a arrêté à Sevran (Seine-Saint-Denis) le 26 décembre. Il avait tenté de se réfugier chez son père après la tragédie, survenue entre dimanche et lundi. M. Bladier a prudemment reconstitué les éléments d’enquête de voisinage.

« Il semblerait qu’entre 23 heures le 24 et 3 heures du matin le 25, des cris aient été entendus par les habitants des étages supérieurs. » S’ils ne se sont pas trop inquiétés, « c’est parce que, je cite, la mère avait l’habitude de crier sur ses enfants ». Une proche, invitée à réveillonner le 24, s’est cependant alarmée et a prévenu la police. La BAC a relevé des tâches de sang devant la porte du petit logement situé au rez-de-chaussée de l’immeuble Square Adam-de-la-Halle, dans le quartier de Beauval à Meaux. Les stores étant baissés, les policiers ont forcé celui de la chambre conjugale, et découvert l’horreur. La maman et les fillettes présentaient « un très grand nombre de coups de couteau, tant sur la face avant que sur la face arrière, sur le tronc, les membres inférieurs et supérieurs, ainsi que des lésions de défense », a déclaré le chef du parquet.

Il s’agit-là du troisième meurtre d’enfants par un père en l’espace de deux mois. Le 29 octobre, à Vémars (Val-d’Oise), un gendarme avait tué ses trois petites filles avant de se donner la mort. Et, le 26 novembre, un homme en instance de divorce a avoué le meurtre de ses fillettes, à Alfortville dans le Val-de-Marne.

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