TJ Créteil : « Monsieur H. n’est pas la tête de réseau, il est tout en bas, c’est celui qui vend et celui qui se fait attraper ! »
Le prévenu, 23 ans, a été interpellé alors qu’il vendait du cannabis au pied d’une cité où la justice lui avait déjà interdit de paraître. Présenté en comparution immédiate, Monsieur H. explique qu’il voulait récolter un peu d’argent pour se rendre à la fête foraine.
L’audience commence par une demande de nullité : l’avocate de Monsieur H. assure qu’en garde à vue, « les policiers ont fait tous les efforts pour qu’il n’y ait pas d’avocat ». L’affirmation fait bondir la procureure mais la défense maintient. Elle explique que les fonctionnaires ont appelé l’une de ses anciennes collaboratrices, qui n’est plus avocate à ce jour, le leur a dit, sans qu’eux ne cherchent à contacter la bonne personne. Résultats : un procès-verbal d’audition « truffé de fausses informations, qui porte grief à mon client ». La représentante du parquet assure, quant à elle, que l’obligation de moyens a bien été remplie et qu’« à l’impossible nul n’est tenu » !
Sans avoir même regardé ses deux assesseurs, le président de séance annonce « qu’après en avoir délibéré (sic), le tribunal joint l’incident au fond » et il passe aux faits. Monsieur H., 23 ans, tournait en rond au pied d’une cité de Vitry-sur-Seine, observé par les forces de l’ordre. Les policiers le voient se diriger vers un sac plastique noir enfoui dans un coin. Il en sort un sachet et va à la rencontre d’un individu avec lequel il échange le pochon contre un billet de banque. Le jeune homme à l’air juvénile est interpellé à ce moment-là, avec une liasse billets sur lui et un bracelet électronique au pied. Dans le sac noir qui était dissimulé se trouvaient 47 grammes de cannabis.
« Qu’est-ce que vous nous dîtes aujourd’hui ?
— (Après de longues secondes) Je suis coupable.
— Pourquoi avez-vous fait ça ?
— Comment ?
— Pourquoi avez-vous fait ça ?
— Pour me faire de l’argent.
— Pourquoi retourner dans la cité où vous avez une interdiction de paraître ?
— Pour me faire de l’argent. Avec un ami, on devait aller à la Foire du Trône. Je me suis dit, je vais faire un peu d’argent ».
L’air hagard, Monsieur H. a besoin d’un peu plus de temps que la normale pour comprendre ce qu’on lui demande – il est épileptique et a surtout souffert de traumatismes crâniens causés par des bagarres. Il reconnaît avoir vendu du cannabis et que tout l’argent qu’il avait sur lui était issu de la vente. Mais il conteste l’acquisition – qui nécessite des fonds –, et assure que quelqu’un qu’il ne connaît pas l’approvisionnait.
« Il a reconnu l’acquisition en garde à vue, souligne le président du tribunal.
— D’où l’importance de la nullité », rétorque la défense.
L’examen de la personnalité est bref : Monsieur H. n’a pas d’emploi mais quelques mentions au casier (trafic de stupéfiants, violences) et il entraîne de temps à autre des adolescents dans un club de foot à titre bénévole.
Du côté du ministère public, on constate que « Monsieur H. n’est pas la tête de réseau, il est tout en bas, c’est celui qui vend et celui qui se fait attraper ! On préférerait attraper les commanditaires mais les vendeurs participent aussi au trafic ». La procureure rappelle que le prévenu a déjà plusieurs mentions au casier, qu’il a été interpellé sur un lieu où il n’avait pas le droit de se trouver et elle requiert douze mois de prison dont six mois ferme avec mandat de dépôt et le reste avec sursis.
La défense alerte sur la « spirale de la délinquance » dans laquelle se trouve son client, sans revenu et reconnu travailleur handicapé à 80 %. Elle conteste les chefs d’acquisition – Monsieur H. n’a pas l’argent pour acheter – et de détention – Monsieur H. n’avait rien sur lui au moment où il a été interpellé. La défense assure que la famille du prévenu est présente pour le soutenir : plusieurs de ses proches sont assis au premier rang du public et, surtout, son frère promet de l’embaucher au SMIC dans son entreprise en Mayenne et de l’héberger. « Vous n’aurez pas à le revoir dans votre juridiction », promet l’avocate.
Le tribunal rejette la demande de nullité mais relaxe Monsieur H. des faits d’acquisition. Il est jugé coupable du reste et condamné à un an de prison dont trois mois ferme avec maintien en détention et le reste avec sursis, assorti d’une obligation de travail et de l’interdiction de se rendre à Vitry-sur-Seine. En se mettant à la disposition des escortes, Monsieur H. envoie des baisers au premier rang du public.
Référence : AJU013s2