TJ de Créteil : « J’aurais vu un avocat, il m’aurait fait sortir direct… »

Publié le 30/12/2024
TJ de Créteil : « J’aurais vu un avocat, il m’aurait fait sortir direct… »
Palais de Justice de Créteil (Photo : ©P. Anquetin)

On comprend mal comment ce détenu est arrivé là mais Monsieur M., condamné pour des menaces de mort sur sa conjointe, est présenté devant le tribunal chargé des comparutions immédiates car il conteste la date de sortie indiquée sur ses documents. Un dialogue de sourd s’instaure, entre un détenu qui attend des réponses à ses questions, et un juge qui explique ne pas être compétent en la matière.

« On commence fort aujourd’hui », souffle le juge qui préside les comparutions immédiates. Un homme dont le discernement était aboli en raison de sa schizophrénie vient d’être envoyé de force à l’hôpital, le suivant est présenté visiblement par erreur devant la 13e chambre du tribunal judiciaire de Créteil. Et juste avant de le faire entrer dans le box, l’escorte fait un signe avec sa main pour faire comprendre que lui non plus n’est pas stable psychologiquement. Monsieur M., 29 ans, est là pour une « DML », une demande de mise en liberté. Le juge tente de lui expliquer qu’il n’est pas au bon endroit, puisqu’il a déjà été jugé.

« — C’est une farce ! C’est illégal ce que vous faites, s’énerve aussitôt le prévenu.

(Le juge cherche dans ses documents pour tenter de démêler la situation)

— Je vois que je ne suis pas le seul à être perdu…, continue le prévenu.

— Là, je ne fais pas mon travail, je fais celui du juge de l’application des peines. D’après ce que je comprends, vous avez été condamné en janvier 2024. Ce qu’il se passe, c’est que vous avez été condamné pour des menaces de mort sur conjoint alors que vous effectuiez des peines. Ici, la compétence du tribunal pour la mise en liberté, c’est seulement pour des gens qui n’ont pas encore été jugés… Dans votre cas, vous avez deux interlocuteurs possibles : la cour d’appel mais vous dîtes que vous avez laissé passer le délai, donc c’est foutu. Et sinon, le juge de l’application des peines ».

Un dialogue de sourd se poursuit entre le président du tribunal et le détenu. Le second explique qu’il vient d’être transféré de la prison de Fresnes à celle de la Santé sans savoir pourquoi et qu’il conteste la date de sortie indiquée sur les documents – selon lui, il devrait sortir huit mois avant ce qui est indiqué. Le premier essaie de faire comprendre qu’il n’en sait rien et que ce n’est pas de son ressort.

« — On m’a menti sur mes peines.

(Le juge continue à regarder les documents dont il dispose)

Et je n’ai toujours pas de carte téléphonique, ça fait trois mois ! Je n’ai pas vu d’avocat non plus, la dernière fois, c’était dans cette salle.

— On ne peut rien faire pour vous ici, il faut saisir le juge de l’application des peines.

— Je fais tous les jours des lettres !

— Il ne faut pas faire une lettre pour une lettre mais expliquer la situation, que vous avez été transféré à la prison de la Santé sans comprendre pourquoi et que vous n’êtes pas d’accord avec la date de sortie indiquée sur les documents.

— La justice fait des choses illégales. J’aurais vu un avocat, il m’aurait fait sortir direct… ».

Le président du tribunal s’impatiente, demande à la procureure ce qu’elle en dit. Pas grand-chose de plus, « la DML n’est pas de la compétence de votre tribunal ». Monsieur M. est reconduit par les escortes hors du box et aura été extrait de détention pour rien.

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