TJ de Créteil : « La drogue, c’est la cata quand les gens arrivent ici et comprennent… »

Publié le 12/12/2023
TJ de Créteil : « La drogue, c’est la cata quand les gens arrivent ici et comprennent… »
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Monsieur B. comparaît devant la 12e chambre du tribunal judiciaire de Créteil pour avoir transporté 2 kg de cocaïne de Fort-de-France en Martinique jusqu’à l’aéroport d’Orly. Le jeune homme au casier vierge reconnaît les faits, dont il n’avait pas mesuré la gravité.

Le dossier est aussi simple que cette audience laisse le goût amer d’un malheur qui aurait pu être évité ! Monsieur M. a tout juste 20 ans, il est loin de vivre dans l’opulence mais n’a pas de problèmes financiers majeurs – les analyses de son compte en banque lors de sa garde-à-vue montre qu’il avait 8 euros. Il vit avec sa mère en Martinique et travaille au Mc Do en parallèle de ses études en terminale d’un bac pro. Contrairement à la plupart des prévenus qui l’ont précédé, son casier est vierge. Autre particularité, l’une des principales pièces fournies par son avocate pour attester de sa bonne tenue est le bulletin scolaire du jeune homme. Pour autant, il a été arrêté deux jours avant sa comparution immédiate au tribunal judiciaire de Créteil à l’aéroport d’Orly avec 2 kg de cocaïne dans ses bagages, en provenance de Fort-de-France. Après avoir nié les faits lors de sa garde-à-vue, dans un mouvement de panique, il les reconnaît désormais et répond aux questions du tribunal avec un mélange de pudeur et de timidité.

— « Pourquoi vous avez fait ça ?, demande le président du tribunal.

— Pour l’argent.

— Combien ?

— 5 000 euros.

— Vous vouliez acheter quoi ? »

Silence. Le jeune homme finit par expliquer qu’il n’avait pas de projet particulier, que l’appât du gain l’a convaincu de faire ce voyage. Le juge poursuit avec ses questions brèves, qu’il doit répéter pour que le prévenu puisse bien comprendre.

— « Vous saviez que le risque, c’était une peine de prison ?

— Non.

— La drogue, c’est la cata quand les gens arrivent ici et comprennent… »

Après ce bref interrogatoire, la procureure entame ses réquisitions. « Quand la Guyane a diligenté une politique pénale forte contre la cocaïne, 40 à 50 places des avions d’Air Caraïbes, hashtag Air Cannabis, étaient vides, parce que les transporteurs [de drogues] ont préféré renoncer. Depuis, la cocaïne importée vient de la Martinique », explique Isabelle Durnerin. Elle continue sur sa lancée et explique que « c’est le passage de la frontière mexicaine aux États-Unis ou de la frontière de la France Caraïbes à la France Orly » qui confère à la cocaïne sa valeur. Ce préambule lui permet de demande une réponse pénale dissuasive : « Si je transporte 2 kg et que je sors libre du tribunal, pourquoi le voisin ne ferait pas de même ? C’est un message. » La magistrate assure que la politique du parquet est de requérir un an de prison pour chaque kilo transporté.

— « C’est fini ça, interrompt le président du tribunal.

— C’est moi au parquet », renchérit-elle avant de demander 18 mois de prison, dont six mois ferme et les douze autres avec sursis, ainsi que l’amende douanière évaluée à 68 544 euros.

L’avocate du prévenu plaide l’immaturité du jeune homme, qui « n’a pas mesuré les conséquences de ses actes ». Elle attaque la logique défendue par la procureure dans ses réquisitions : « Les sanctions existent déjà. Si elles ne sont pas arrivées aux oreilles de Monsieur, elles n’arriveront pas plus aux oreilles des autres. La réponse pénale ne doit pas être motivée seulement par le fait d’en faire un exemple. » Elle demande une peine de semi-liberté car « une incarcération sèche, même pendant 6 mois, lui ferait perdre le bénéfice de ses études ».

Verdict : les juges condamnent Monsieur M. à 18 mois de prison dont 4 mois ferme, une amende de 1 000 euros, la confiscation des scellés et l’interdiction de passer par les aéroports de Roissy et Orly, sauf pour retourner en Martinique. « Quand vous repartirez, vous risquez d’être confronté à ceux qui vous ont passé la cocaïne et ont perdu de la marchandise », prévient le juge. Il pose ses questions habituelles à un condamné qui va séjourner pour la première fois en prison et prévient : « Ça risque d’être pénible au départ. »

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