TJ de Créteil : « Ne donnez pas de faux espoirs à la défense ! »
Avec un casier qui pèse lourd, Monsieur B. est présenté en comparution immédiate pour détention et vente de cocaïne. À la surprise de la défense, la procureure requiert la relaxe pour l’un des chefs d’accusation mais demande une peine lourde de 18 mois d’enfermement pour sanctionner le reste.
Avec ses lunettes rondes et ses mains bien nouées derrière le dos, Monsieur B. est un habitué des tribunaux qui sait comment se comporter. Il comparaît après un mois de détention provisoire, parce qu’il voulait un délai pour préparer sa défense devant la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil. Le parquet l’a déféré pour détention et cession de cocaïne, ainsi que pour avoir refusé de transmettre les codes de son téléphone portable. Le tout en récidive.
Les policiers l’ont interpellé après l’avoir vu tendre deux sachets Ziplock contenant une poudre blanche, tout en recevant un billet de la main d’un homme, dans le hall d’un immeuble. Cet homme, interrogé par les policiers, remet pourtant en cause leur version : il aurait simplement ramassé un billet que Monsieur B. avait fait tomber par terre en comptant ses sous. Le témoin n’a aucune raison de mentir, puisqu’il a admis être bien venu acheter de la drogue sur ce point de deal connu de Champigny-sur-Marne, mais du cannabis et non de la cocaïne.
« — Pourquoi avez-vous couru au moment de l’interpellation ?, demande le juge au prévenu.
— Je remontais de la cave, j’avais deux sachets de cocaïne sur moi, j’ai été pris de panique.
— Mais vous habitez là, vous saviez que ce serait encore pire en courant ! »
L’appartement de Monsieur B. a été perquisitionné. Dedans, les policiers ont retrouvé une pochette contenant 6 900 euros, ainsi que neuf autres sachets Ziplock, contenant un total de 8 grammes de cocaïne. L’argent, il a tantôt expliqué qu’il provenait de la vente d’une moto, tantôt de son RSA et de son activité de chauffeur VTC. Avec, le prévenu assure vouloir acquérir une voiture pour sa mère. « J’achète souvent mes véhicules à l’étranger ou sur leboncoin », explique-t-il, toujours très poli, pour justifier tout ce liquide chez lui. La drogue posée sur le buffet ? « J’ai fait un accident de moto en septembre et je suis beaucoup chez moi depuis. Les copains passent souvent et c’est pour eux la cocaïne. » Il assure consommer de temps en temps, même s’il a été testé négatif lors de son interpellation.
« — Pourquoi avez-vous refusé de transmettre les codes de votre téléphone, si vous ne faites que consommer ?
— Parce qu’il y a des photos de mon père dessus, je trouvais ça trop personnel. Mais je regrette, j’aurais dû les donner. »
Dans l’examen de personnalité du prévenu, le président de séance évoque les nombreuses condamnations de Monsieur B., 37 ans, mais s’attarde surtout sur la compagne du prévenu au « profil intéressant », selon le magistrat.
« — Que fait-elle ?
— Elle est responsable d’une association caritative, dans laquelle je suis bénévole, qui travaille au rapprochement des deux religions [juive et musulmane]. Je récupère les denrées alimentaires ou des dons chez des bénévoles.
— Et vous avez besoin de cocaïne malgré ça ?
— Non, je ne sais pas pourquoi je fais ça. J’ai 37 ans. J’ai fait de la prison, ça m’a servi de leçon. Me retrouver en incarcération qu’avec des jeunes, j’ai honte ! »
La procureure commence ses réquisitions en demandant la relaxe pour la vente de cocaïne. « Ne donnez pas de faux espoirs à la défense ! », l’interrompt le juge en souriant. Elle poursuit sur une note moins réjouissante pour le prévenu, en demandant une peine lourde pour sanctionner la détention et le refus de transmettre ses codes : 18 mois de prison ferme avec maintien en détention. « On a passé le stade du sursis probatoire ou de l’aménagement de peine », explique-t-elle en s’appuyant sur les multiples condamnations du prévenu, notamment par la cour d’assises de Créteil pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner en 2010.
La défense saisit la balle au bond : « Ça me dérange un peu, ce n’est pas un casier qu’on juge », tempête l’avocat de sa voix grave et puissante. Sa plaidoirie repose surtout sur la mise en cause de l’expertise « simpliste » des billets retrouvés au domicile de Monsieur B. L’échantillon analysé témoigne d’une très grande quantité de résidus de cocaïne, sans que les chiffres précis ne soient donnés. L’avocat démontre que l’expertise a eu lieu au commissariat et que les billets auraient très bien pu être contaminés à ce moment-là. Il demande une peine qui n’envoie pas son client en prison : « Vous pouvez faire moins mal, en laissant dehors », conclut l’avocat.
Le tribunal l’entend : Monsieur B. est relaxé pour la vente mais reconnu coupable du reste. Il est condamné à une peine de 300 jours-amende à 15 euros. Les 390 euros sont confisqués mais les 6 900 euros lui seront restitués.
Référence : AJU011o1