TJ de Créteil : « Vous n’êtes pas Di Caprio ! »
Aux comparutions immédiates de Créteil, la plupart des prévenus comparaissent pour des faits de violences ou des affaires de stup. Mais il y a quelques semaines, les magistrats ont eu à juger un acheteur compulsif qui finançait son addiction en multipliant les escroqueries.
Pendant six mois, les enquêteurs ont pisté l’homme aux épaules larges qui comparaît dans le box. Monsieur T. n’a fait de mal à personne, mais il a utilisé des fausses cartes d’identité pour obtenir des microcrédits et des crédits à la consommation : en tout, 7 000 euros. Il a tout avoué en garde à vue. Les policiers ont à peine eu besoin d’insister.
– « Pourquoi vous faites ça ? », lui demande le président.
– « C’est de l’argent facile, » répond l’homme, pragmatique ou provocateur.
La réponse fait largement sourire le magistrat. « Beaucoup de gens qui comparaissent à votre place nous disent la même chose » ! Le président, néanmoins, avance une autre explication. « D’après le tableau fait par les enquêteurs, vous êtes un acheteur compulsif ». À la lecture des procès-verbaux, on comprend que Monsieur T. escroque les banques pour financer son addiction. Sur internet, le prévenu achète tout et n’importe quoi : de la déco, des vêtements, des affaires pour ses enfants, aussi. Il a commencé tôt : sa première condamnation pour escroquerie remonte en 2006. En cette fin de février 2023, il a 40 ans et 12 mentions au casier : quelques délits routiers et beaucoup d’escroqueries.
« À chaque fois la justice vous rattrape. Vous connaissez le film Arrête moi si tu peux, avec Tom Hanks et Leonardo di Caprio ? », interroge le président. « Eh bien, Vous n’êtes pas Di Caprio. Et nous n’avons pas de FBI mais de jolies prisons que vous avez déjà visitées », poursuit le président, que ce père de famille semble décidément amuser.
« Que pensez-vous de cette installation dans la délinquance financière ? Vous avez deux enfants de 12 et 5 ans », poursuit-il plus sérieusement.
– « Je suis dessus. Je vais me ressaisir ».
– « Comment avez-vous vécu le port du bracelet ? »
– « Bien » !
Trop bien, pointe le procureur. Car la dernière infraction, celle pour laquelle le père de famille se trouve dans le box, a été commise sous bracelet « Vous purgiez une peine pour escroquerie tout en continuant à en faire », résume le représentant du ministère public. « Il faut prendre en considération que c’est la quatrième condamnation pour escroquerie ».
– « J’ai craqué », répond l’homme.
-« C’est intéressant. Vous dites j’ai craqué comme si vous ne pouviez pas vous en empêcher » !
Le procureur reconnaît le caractère pathologique de l’infraction. « Manifestement, Monsieur ne peut pas s’arrêter. Il fait des achats compulsifs maladifs. Dans ce cas, il faut se soigner ». Et pour cela, il propose de l’envoyer en prison, « 24 mois, non aménageables car les faits pour lesquels il comparaît ont été commis sous bracelet ».
Monsieur T. est père de famille. Il travaille dans le bâtiment, dirige une société qui monte et démonte des échafaudages. Son carnet de commandes se remplit depuis quelques mois, souligne son avocat parisien, Me Édouard de Crépy. « Il est interpellé au moment où il a des rentrées d’argent qui lui permettraient de s’extraire de ces délits. Je pense qu’il a compris et qu’il arrive à un moment de sa vie où il ne faut pas mettre un frein à la dynamique qu’il met en place. Ce serait contreproductif », plaide son conseil. « Je vous demande une peine de semi-liberté. La dernière fois, la peine a été aménagée ab intio pour des faits plus longs».
Comme toujours, les derniers mots reviennent au prévenu. Il « souhaite avoir une dernière chance ». Le tribunal le condamne à 18 mois ferme et prononce un mandat de dépôt.
Référence : AJU008j2