TJ de Créteil : « Vous pensez vraiment que j’aurais volé en laissant mes empreintes ? »

Publié le 29/12/2023

Déjà condamné trois fois pour des cambriolages, Monsieur S. assure que cette fois-ci, il n’avait aucunement l’intention de voler. Il présente ses excuses, répète qu’il a honte et insiste sur le fait qu’il n’a dérobé que 200 euros et pas le matériel informatique dont il aurait pu s’emparer. Pas de quoi attendrir le parquet qui requiert 15 mois de prison avec incarcération immédiate.

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« Je ne pensais pas vous revoir si vite. » C’est avec ces mots que le président de séance accueille le jeune homme qui entre dans le box de la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil. Plus à destination du reste de son auditoire que de Monsieur S., le juge précise : « C’est moi qui présidais la composition qui vous a condamné à une peine de semi-liberté pour des faits similaires il y a quelques mois ».

— « Là, ce n’était pas volontaire, se défend aussitôt le prévenu. J’escaladais le mur d’un jardin, j’ai trouvé 200 euros, je les ai pris, je suis ressorti du jardin par la porte d’entrée et on m’a mis une tentative de vol sur le dos en plus… »

C’est pour un vol avec effraction, une tentative de vol et le refus de transmettre les codes d’accès à son téléphone portable que Monsieur S. est présenté en comparution immédiate. Le président de séance détaille les éléments de la procédure et lit le témoignage d’habitantes qui ont entendu, aux alentours de 23 heures dans la nuit, de grands coups donnés dans leur porte d’entrée et l’ont retrouvée très abîmée au matin.

« — Je n’ai pas essayé de voler, assure le prévenu.

— Vous avez essayé de faire quoi ?

— J’étais à Alfortville pour acheter une voiture via leboncoin, ça s’est mal passé, je voulais trouver une arme. Je suis tombé sur un tiroir, il y avait 200 euros, je les ai pris. Si j’avais voulu voler, je l’aurais fait avant. »

Monsieur S. assure qu’il s’est introduit dans un jardin à l’allure d’une grange, à la recherche d’outils pour trouver une arme de défense. Il serait arrivé par hasard dans les bureaux d’une petite société, équipés de matériel informatique auquel il n’a pas touché, mais a quand même dérobé les 200 euros qui traînaient dans un tiroir. Et ce n’est que dans l’espoir de trouver la sortie qu’il aurait tapé dans une porte menant en fait à une autre maison, et pas du tout dans l’intention de voler. Pour convaincre les juges de sa bonne foi, il répète : « Ce n’était pas prémédité. Les 200 euros, je regrette vraiment de les avoir pris. Je n’avais pas de capuche et j’ai mis mes mains partout. Vous pensez vraiment que j’aurais volé en laissant mes empreintes ? Monsieur le juge, je n’ai pas menti du début à la fin. »

Monsieur S. utilise son expérience de cambrioleur pour se défendre. Mais à même pas 20 ans, ses trois condamnations pour des faits de vols ne jouent pas en sa faveur. D’autant plus que la dernière ne date que d’avril dernier, il avait écopé de 18 mois de prison dont 9 mois avec sursis et 9 mois dans un centre de semi-liberté. Au passage, le président de séance ne manque pas de noter les retards très fréquents avec lesquels le prévenu regagne son centre, soulignant la clémence dont il a bénéficié jusqu’ici.

L’avocat de la défense mise sur le travail de son client, qui officie comme préparateur de commandes pour Amazon, et tente de stimuler l’empathie du tribunal avec quelques questions à Monsieur S. sur sa personnalité :

« — Lors de votre placement en garde-à-vue, vous avez eu le sentiment que le bout du tunnel s’éloignait puisqu’il a eu lieu quelques jours seulement avant votre sortie du centre de semi-liberté. Pouvez-vous évoquer le sentiment de honte dont vous m’avez parlé ?

— J’ai vraiment honte, je me mets à la place des victimes.

— Comment avez-vous commencé à commettre des vols par effraction ?

— Je ne pouvais pas demander d’argent à mes parents. Je sais que ce n’est pas une raison…

— Votre grand frère, il faisait quoi ? Celui que vous admiriez étant petit ?

— Il volait. »

Après cette séquence émotion, la gérante de la petite société cambriolée se lève du dernier rang du public pour rejoindre le micro et parler chiffres. Elle détaille les dommages subis et demande 1 700 euros de préjudice matériel, frais engagés notamment pour changer toutes les serrures après la disparition du trousseau de clés, ainsi que 300 euros au titre des frais annexes. Les habitantes de la maison dont la porte a été fracassée sont représentées par une avocate, qui en leur nom demande 125 euros au titre du préjudice matériel et 250 euros chacune pour le préjudice moral.

Place à la procureure qui requiert 15 mois de prison avec mandat de dépôt et la confiscation des scellés. « Je ne vois pas quoi proposer d’autre comme peine, indique la magistrate qui rappelle que le prévenu a déjà eu du sursis et de la semi-liberté. Monsieur ne se rend pas compte de la chance qu’il a eue jusqu’à maintenant. »

« Il trébuche à nouveau et voilà l’histoire de Monsieur S. » : après quelques formules grandiloquentes, l’avocat de la défense demande tout sauf la prison ferme, suggérant une incarcération à domicile ou une peine de sursis encore plus longue, pour que son client puisse poursuivre sa réinsertion. « Il a un profil intéressant, il travaille depuis huit mois à Amazon, c’est dur et nous le savons tous. Il a perçu la gravité de ses actes. »

En guise de derniers mots, le prévenu regarde droit dans les yeux la gérante de la société dans laquelle il s’est introduit : « Je demande pardon aux victimes, je suis vraiment désolé, Madame. J’ai honte juste de parler devant vous. » Elle lui sourit mais ces excuses n’auront pas attendri le tribunal qui condamne Monsieur S., selon les réquisitions du parquet, à 15 mois de prison ferme. Les parties civiles seront indemnisées à hauteur de 2 000 euros pour la société visée, 125 euros de préjudice matériel pour les habitantes et respectivement 150 et 250 euros de préjudice moral chacune.

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