TJ de Nanterre : « Il n’y a pas de danger à téléphoner au volant quand on est en Bluetooth, et là on vient nous dire le contraire ! »

Publié le 26/09/2024
TJ de Nanterre : « Il n’y a pas de danger à téléphoner au volant quand on est en Bluetooth, et là on vient nous dire le contraire ! »
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Une jeune femme a renversé un petit garçon en voiture, un accident heureusement sans gravité, mais qui l’a conduit devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour blessures involontaires. Sa consommation de cannabis et le fait qu’elle était au téléphone ont été particulièrement scrutés par le ministère public.

Madame K. a la vingtaine. C’est pour des blessures involontaires et avoir été au volant d’un véhicule sans assurance qu’elle comparaît devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Alors que le juge en formation qui préside la 11e chambre prend le temps de lire la longue litanie d’articles de loi qui correspondent aux faits, l’avocat de la défense l’interrompt en lui signifiant qu’il peut s’en dispenser. Une tentative malicieuse de déstabiliser le futur magistrat en présence de sa formatrice ? Il ne se laisse pas démonter et termine sa lecture.

« Le tribunal ne vous reproche pas de délit de fuite »

Le 19 mai 2023, un accident de la route sans gravité se produit dans une rue de Châtenay-Malabry. Un piéton mineur a traversé la route en courant et hors des clous et a été renversé par un véhicule. La conductrice impliquée s’est arrêtée, s’est assurée que le garçon s’était relevé et est repartie. Elle est ensuite revenue et s’est présentée aux policiers appelés sur les lieux. Elle a déclaré spontanément qu’elle n’avait pas eu le temps de freiner, n’ayant pas vu la victime faire irruption, mais aussi que son véhicule n’était pas assuré. Un test a révélé que la conductrice, Madame K., avait consommé du cannabis. Quatre mois après les faits, l’enfant qui a été renversé a reçu dix jours d’ITT.

Madame K. a reconnu les faits en garde-à-vue et c’est toujours le cas lors de l’audience. « Le petit est sorti d’un coup, je ne l’ai pas vu arriver », maintient-elle, ajoutant que si elle est partie juste après la collision, c’était pour dégager la voie. Le juge la rassure : « Le tribunal ne vous reproche pas de délit de fuite. » Madame K. explique qu’elle n’avait pas fumé de cannabis le jour des faits, mais deux jours auparavant, ce qui explique le test positif.

La procureure s’intéresse à un autre point :

– « Vous rouliez lentement, vous étiez concentrée sur une autre activité ?

– Non.

– Vous n’étiez pas en conversation téléphonique ?

– J’étais en haut-parleur…

– Ah, c’est vous qui l’avait déclaré, et ça n’a pas d’incidence sur votre concentration ? »

L’avocat de la défense prend la parole pour protester : « Son portable était connecté en Bluetooth pour avoir ses deux mains sur le volant, elle n’était pas en train de manipuler son téléphone ! »

Depuis les événements, la prévenue assure qu’elle a complètement stoppé sa consommation de cannabis. Elle est actuellement en formation et veut devenir entrepreneuse pour monter sa propre agence de location de voitures. Il y a une mention à son casier judiciaire, pour usage de stupéfiants en 2021.

« Elle a été sincère sur l’usage du Bluetooth, alors interdisons son usage dans le Code pénal ! »

À nouveau, la procureure revient à la charge pour rappeler que Madame K. a aussi reçu un rappel à la loi par le passé, en 2019. Et à nouveau, l’avocat de la défense s’en mêle : « La défense n’a pas eu connaissance de cet élément, s’agace-t-il, il n’y a pas de place pour un débat contradictoire si la défense découvre des éléments après leur mention par le procureur général ! »

Dans son réquisitoire, le ministère public met l’accent sur la circonstance aggravante de la conduite après usage de stupéfiants « même si c’était deux jours avant », ainsi que sur l’ « imprudence » de la conductrice, qu’elle estime « mentalement occupée » au moment des faits puisqu’en conversation téléphonique avec un ami : « Elle avait moins de chance d’être attentive. » Elle requiert la confiscation du véhicule, pas de peine d’amende, et une suspension de permis.

L’avocat de Madame K. a trépigné pendant tout le réquisitoire de la procureure. Il souligne que sa cliente a été très marquée par l’accident, qui, il le rappelle, a eu lieu hors d’un passage piéton. « Elle a été sincère sur l’usage du Bluetooth, alors interdisons son usage dans le Code pénal ! Il n’y a pas de danger à téléphoner au volant quand on est en Bluetooth, et là on vient nous dire le contraire ! Aucune expertise n’amène à cette conclusion. »

Madame K. a depuis déménagé, changé de fréquentations, de travail, a arrêté de consommer du cannabis, énumère-t-il. La confiscation du véhicule lui paraît très sévère et peu pertinente, compte tenu du fait que Madame K. en a besoin pour son travail, de même que la suspension du permis de conduire. « Quel sens a cette réquisition dans la situation actuelle ? C’est un frein à la réinsertion. »

Madame K. est finalement reconnue coupable et devra effectuer un stage de sécurité routière dans un délai de six mois sous peine d’une amende de 1 000 euros. Son véhicule lui sera bien restitué.

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