TJ de Nanterre : « L’arme en question est un melon, mais ça ne me fait pas du tout sourire »

Un acte de violence gratuit contre l’employée d’une petite épicerie de quartier va conduire un prévenu, coutumier de cette chambre correctionnelle, a une nouvelle condamnation.
Monsieur B. entre dans le box de la 16e chambre correctionnelle en baissant la tête, tant sa taille dépasse l’encadrement de la porte, et même la vitre qui le sépare de la salle d’audience. Il est présenté en comparution immédiate pour violence avec usage d’une arme en récidive légale. Des faits reconnus à son interpellation et qu’il reconnaît toujours devant la chambre.
La veille, des policiers sont appelés à un commerce de Gennevilliers après l’usage du bouton panique. À leur arrivée, une employée du Coccimarket leur a affirmé avoir été victime de violences. Elle porte un hématome au visage après qu’un client s’est énervé. Il lui a jeté un melon pris sur les étals extérieurs. Il est rapidement repéré dans les rues alentour, et reconnu par l’employée de l’épicerie. « J’ai fait des blagues à des gens, j’ai lancé un melon au hasard », a-t-il déclaré aux policiers, qui ont aussi trouvé un couteau lui appartenant sur les lieux des faits.
« Plutôt que de frapper, j’ai lancé un truc »
Durant toute la lecture du juge, Monsieur B. se tient contre la vitre, accoudé de la façon la plus nonchalante possible, comme s’il écoutait une histoire appuyé sur le comptoir d’un bar.
– « Pourquoi avez-vous fait ça ?
– J’avais envie, plutôt que de frapper, j’ai lancé un truc.
– Sans raison ?
– Sans raison.
– C’est particulier…
– Je suis particulier.
– Bah oui, on s’est vus il y a quinze jours.
– Oui, vous m’avez donné du sursis. »
Monsieur B. a un trouble schizophrénique pour lequel il est sous traitement… mais qu’il ne prend pas systématiquement. « Il me fatigue », explique-t-il. Son dossier détaille aussi une personnalité antisociale et une consommation de stupéfiants qui favorise le passage à l’acte. Son casier compte 16 mentions.
– « Votre consommation de stupéfiants vous conduit à une activité délinquante, constate le juge.
– J’aime bien la drogue », concède le prévenu.
Intermittent du spectacle, ce sexagénaire dont l’allure le fait paraître beaucoup plus jeune a aussi passé 15 ans dans l’armée. Il touche aujourd’hui l’AAH et n’exerce plus d’activité professionnelle depuis plusieurs années. « Ça va reprendre. Je veux m’inscrire en Allemagne pour un doctorat. C’est un beau pays. »
« C’est curieux, on dirait que tout lui passe dessus »
« Les faits peuvent prêter à sourire, l’arme en question est un melon, mais ça ne me fait pas du tout sourire », s’agace la procureure qui insiste sur le fait que le prévenu était dans cette même chambre deux semaines plus tôt pour des faits similaires. « Lorsqu’on l’écoute, ça ne rassure pas. Lancer un melon, pour ne pas frapper ? Il n’a aucun recul sur les faits, n’a pas l’intention de diminuer sa consommation d’alcool et de toxiques. Je requiers huit mois d’emprisonnement et je demande le maintien en détention. »
Même la défense est déstabilisée par l’attitude de Monsieur B. « C’est curieux, on dirait que tout lui passe dessus. L’obligation de soins me paraît indispensable. » Elle note une « accalmie » dans ses condamnations jusqu’en 2021, et réclame un aménagement de peine. « La détention n’aura aucun effet avec des soins limités. Il a un logement, il est inséré socialement. »
Déclaré coupable, Monsieur B. est condamné à six mois d’emprisonnement et sera maintenu en détention. Il hoche la tête comme absolument pas surpris. « Ok, merci, au revoir. »
Référence : AJU015o4
