TJ de Nanterre : « Les bras m’en tombent face à ce manque de responsabilité en tant que parent »

Un homme déjà incarcéré et au casier judiciaire chargé a été présenté pour des violences conjugales contre sa conjointe alors enceinte. S’il a reconnu les faits, il n’a pas pu échapper à une nouvelle condamnation.
Monsieur B. entre dans le box alors même que le dossier précédent n’a pas encore été refermé par la juge. Pull à col roulé et petites lunettes, la trentaine, il a l’attitude un peu distante d’un homme presque habitué à comparaître dans un tribunal. « Il a été désentravé ? », lance sèchement la juge sans même jeter un regard. Quand elle lève enfin les yeux, c’est pour intimer au prévenu de se lever de sa chaise. « On n’est pas au café du commerce ! »
Monsieur B. a été extrait de la maison d’arrêt de Nanterre pour comparaître devant la 20e chambre correctionnelle. Sans avocat, il doit répondre de faits de violences sans ITT envers sa conjointe en août 2023, en présence d’un mineur. C’est Madame qui a porté plainte au commissariat contre lui et a raconté aux policiers qu’il lui avait tiré les cheveux et l’avait giflé en présence de leur fille de six ans. Elle n’a pas souhaité se rendre à l’unité médico-judiciaire mais ses blessures ont été prises en photo. Monsieur B. a reconnu les faits. Qu’en est-il aujourd’hui ?
– « Je reconnais les faits, je regrette énormément…
– Comment en est-on arrivé là ?
– Je prends conscience de ce que j’ai fait et…
– Ce n’est pas la question, Monsieur, vous avez commis des violences devant une enfant de six ans, ça donne quelle image de ses parents ?
– Elle était dans la chambre, elle était pas là !
– Peu importe ! Elle a entendu, à six ans, on comprend que sa maman a porté plainte contre son papa parce qu’il a été violent. Est-ce que vous réalisez l’image de la relation de couple que vous lui donnez, l’image des relations entre les hommes et les femmes ? C’est pas très rassurant pour elle. »
« Si je comprends bien, c’est jamais de votre faute »
La juge embraye sur le casier judiciaire bien fourni de Monsieur B. avec des faits d’outrages, des vols aggravés, la dernière condamnation concernant des faits d’acquisition, de transport et d’usage de stupéfiants début 2024. Sa sortie est prévue pour novembre 2027.
– « Comment vous expliquez ce parcours ?
– Le plus gros, c’est quand j’étais mineur. »
Une justification bien peu convaincante aux yeux de la juge.
– « Mon incarcération, c’est pour une affaire de 2016, ça fait longtemps que j’ai plus eu affaire à la justice.
– Il y a des condamnations où vous êtes majeur, comment vous expliquez ça ?
– J’avais de mauvaises fréquentations.
– Si je comprends bien, c’est jamais de votre faute ! »
La juge n’essaie même pas de masquer son agacement mais s’enquiert malgré tout de ce que fait Monsieur B. en détention. Il affirme chercher du travail, mais cela sonne encore comme une mauvaise réponse aux oreilles de la juge. « Vous ne faites rien ? », rétorque-t-elle.
– « La prison est blindée, saturée.
– Vous n’êtes même pas inscrit aux activités ?
– Si, je suis inscrit au sport. »
« J’essaie pas de me dédouaner, c’est juste les faits tels qu’ils se sont passés »
Le procureur s’intéresse à ses relations avec la victime depuis les faits de violence.
– « On a eu un autre enfant.
– Vous êtes toujours ensemble ? Elle vous a pardonné ?
– Oui. Elle vient me voir en détention. »
Pour le ministère public, il y a bien un point positif à ce dossier de violences conjugales : « Monsieur a reconnu les faits rapidement. Les prévenus sont souvent encore dans le déni. » Reste que les faits sont graves, souligne-t-il, notant le caractère humiliant et dangereux des violences et surtout une inquiétude : « L’enjeu, c’est l’enfant. On nous dit qu’écouter ce n’est pas comme voir. ! Les bras m’en tombent face à ce manque de responsabilité en tant que parent. Les enfants qui entendent leurs parents se battre sont comme des éponges. Quand elle grandira, quand elle sera en âge d’avoir ses premières relations, considérera-t-elle ces violences comme normales ? »
Il rappelle que la victime était enceinte au moment des violences. « Ça en dit long sur Monsieur B. sur son incapacité à se contenir. » En raison de son casier judiciaire et des 18 mentions qui y figurent, le prévenu n’est pas accessible au sursis simple. Le procureur requiert huit mois d’emprisonnement ferme avec interdiction de contact avec la victime et de paraître au domicile.
Sans conseil à ses côtés, c’est directement Monsieur B. qui a la parole en dernier et a cette précision déconcertante : « Quand elle était enceinte, j’avais complètement oublié, c’était au début de la grossesse. » Il tient aussi à revenir sur ses propos tenus un peu plus tôt : « J’ai retenu quand vous avez parlé de ma fille. J’essaie pas de me dédouaner, c’est juste les faits tels qu’ils se sont passés. »
La juge suit la réquisition du parquet et prononce une peine de huit mois sans aménagement, ainsi qu’une interdiction de contact avec la victime et de paraître à son domicile pour un an à compter de sa libération. Cela fait réagir Monsieur B. :
– « C’est chez moi, non ?
– Il faudra trouver un autre logement.
– Je trouve ça un peu…
– Monsieur, c’est la décision. »
Référence : AJU013v6
