TJ de Nanterre : « Mes enfants ont été matrixés par leur mère »

Publié le 25/11/2024
TJ de Nanterre : « Mes enfants ont été matrixés par leur mère »
Mary Long/AdobeStock

Dans la 20e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Nanterre, les dossiers de violences intrafamiliales s’enchaînent. Un homme comparaît pour des violences conjugales dans un contexte de séparation.

Monsieur D. se présente à la barre. Son ex-épouse est absente, mais représentée par un avocat. Car c’est justement dans un contexte de séparation que les faits se sont déroulés en 2020 : un soir au domicile familial, une dispute éclate et se poursuit jusque dans la chambre d’un des trois enfants du couple, alors adolescent. Alors que Madame V. ouvre la fenêtre, Monsieur D. s’est précipité sur elle, l’a saisie par le cou et l’a projetée sur le sol. Leur fils s’est interposé.

« Elle s’est jetée au sol. En aucun cas, j’ai été violent »

Devant la juge, Monsieur D. conteste avoir été violent. « Je voulais qu’on se sépare, elle n’a pas accepté, et a commencé à manigancer avec son avocat. Elle est ensuite partie en hôpital psychiatrique. Les enfants sont restés avec moi plusieurs mois, ils ont été en contact avec elle. Je voulais aller de l’avant pour eux. À son retour, j’ai essayé de l’assister, de m’occuper de la maison. »

La juge tente de revenir sur le déroulement précis des faits, face à un prévenu qui tente de s’accrocher au contexte global :

– « J’ai toujours voulu régler les problèmes entre adultes.

– Vous ne répondez pas à ma question. Que s’est-il passé ce jour-là ?

– En aucun cas c’était volontaire. Elle devenait hystérique, elle a ouvert les fenêtres et a commencé à crier. À son retour de l’hôpital, c’était plus la même personne. Non seulement elle criait, mais elle commençait à se pencher. Je l’ai pris, j’ai fermé la fenêtre, et elle s’est jetée au sol. En aucun cas, j’ai été violent. J’ai essayé de faire la chose la plus correctement possible.

– C’est elle qui se jette au sol ? Comment vous expliquez les déclarations de votre fils qui dit : « il a jeté ma mère au sol » ?

– Je vous explique : mes enfants ont été matrixés par leur mère. »

Monsieur D. nie toute intention violente et clame n’avoir jamais été violent en vingt ans de relation. La juge souligne néanmoins une plainte pour violences contre lui en 2022, donc postérieure aux faits examinés, et une condamnation à quatre mois avec sursis.

« Que des manigances », balaie-t-il.

– « Pourquoi ne pas avoir fait appel ?

– Mon avocate à l’époque m’a conseillé de ne pas le faire, que ce n’était pas la peine. »

« Il n’est pas en train de sauver Madame qu’on fait passer pour folle ! »

Le prévenu raconte les conséquences sur sa vie depuis les faits de 2020 : « Depuis ce moment, ça a été un enfer pour moi. J’ai dormi dehors, où je pouvais. Je n’ai plus aucune relation avec elle. Je n’ai plus vu mes enfants depuis. Je suis censé les voir mais elle fait tout pour que je ne les voie pas. » Il assure qu’elle se venge de la séparation. Monsieur D. n’a qu’une mention à son casier judiciaire, déjà évoquée durant l’audience. Il est aujourd’hui artisan. Son dossier mentionne qu’il a eu un cancer.

Pour l’avocat de la partie civile, Monsieur D. reste dans le déni : « Il donne le mauvais rôle à Madame V. » Il rappelle les déclarations du témoin direct, son propre fils, qui a affirmé avoir vu son père « péter les plombs ». Est-il vraiment empêché de voir ses enfants par son ex ? « Non, c’est la justice, car il y a eu une information préoccupante. » Il réclame 1 500 euros d’indemnisation pour préjudice moral au bénéfice de Madame.

La procureure pointe elle aussi la « victimisation la plus totale » du prévenu. « Le témoin dans la chambre n’en rajoute pas, il dit que c’est la première fois, ce n’est pas un discours d’enfant instrumentalisé. C’est un acte de violence pour empêcher que les voisins entendent, il n’est pas en train de sauver Madame qu’on fait passer pour folle ! » Elle requiert quatre mois avec sursis simple.

« Pour ma part, j’ai des doutes, et même au-delà », estime la défense, qui rappelle les multiples déclencheurs de ce climat de séparation : l’hospitalisation de Madame V., le Covid. Ses doutes se portent sur des éléments concrets : pourquoi se réfugier dans la chambre en pleine dispute alors que son fils est en train de dormir ? Et si la victime a bien été tirée en arrière comme elle l’affirme, comment est-elle tombée en avant en se blessant au niveau de la rotule et non en arrière, sur les fesses ? « Ça ne fonctionne pas. » L’avocat ne goûte pas l’accusation de victimisation et rappelle son état de santé, la privation de ses enfants, cette année et demie sans domicile. Il demande la relaxe.

« J’ai tout le temps respecté la loi, j’ai été sincère », déclare Monsieur D., qui sera finalement déclaré coupable et condamné à trois mois avec sursis et devra effectuer un stage de sensibilisation aux violences conjugales.

« Je vous remercie et vive la justice », marmonne-t-il en quittant la salle d’audience, sans que personne ne relève son mécontentement.

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