TJ de Versailles : « C’était une victime en détention et aujourd’hui, c’est une victime à l’extérieur de la prison »

Publié le 11/12/2024
TJ de Versailles : « C’était une victime en détention et aujourd’hui, c’est une victime à l’extérieur de la prison »
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Un jeune homme comparaissait devant le tribunal judiciaire de Versailles pour détention et trafic de stupéfiants en récidive légale. À 21 ans, il est apparu en fragilité psychologique face au juge. Sous l’emprise et violenté par une personne rencontrée en détention, il se trouve dans l’engrenage du trafic de drogue tout en étant un consommateur addict de cannabis.

À 21 ans, Monsieur F. est entré dans le box des accusés en cherchant le regard de sa mère qui était présente à l’audience. Comme un besoin de sentir le soutien de sa famille dont il a eu besoin dans cette nouvelle épreuve judiciaire. Le jeune homme originaire de Poissy a été présenté devant le juge en comparution immédiate, pour des faits de détention, transport, cession, acquisition et emploi de produits stupéfiants. Des infractions pour lesquelles il avait déjà été condamné en 2023.

Le 5 novembre 2024, Monsieur F. a été interpellé par la police. Les fonctionnaires ont retrouvé 720 euros en liquide avec des traces de drogue, une boulette de résine de cannabis et un pochon en plastique. Une arrestation qui s’est faite suite à une perquisition de la cave et de l’appartement de la grand-mère du jeune homme à Chambourcy qui se déroulait dans le cadre d’une enquête pour trafic de stupéfiants. Les policiers ont retrouvé une balance, un sac de congélation avec de l’herbe de cannabis, plusieurs pochons avec de la résine de cannabis, des sacs plastiques et plusieurs joints consommés ou prêts à la consommation. Après ce rappel des faits, le président de l’audience est revenu sur la garde à vue de l’accusé et les éléments recueillis durant son audition en commençant par une première série de questions.

– « Comment avez-vous obtenu la cave et quel était l’objectif ?

– Un jour, j’ai vu que la cave était ouverte et abandonnée et je me la suis appropriée en mettant un cadenas, lui répond le prévenu. Au début, j’avais mis des canapés pour faire des chichas. Avec un pote, on a les clés depuis un mois et demi. Mais c’est une cave qu’on partage où on stocke tout ce que les potes peuvent avoir besoin.

– Comment expliquez-vous la présence de la balance et des pochons ?

– La balance permet de bien gérer la consommation car je fume beaucoup trop.

– Les policiers ont retrouvé du cannabis dans l’appartement et dans la cave. Je m’interroge quand même sur le fait que ce soit pour votre consommation ?

– Ils ont retrouvé 15 grammes chez ma grand-mère. Je consomme cinq grammes par jour ce qui fait dix joints ».

Dubitatif, le président a jeté un regard à ses assesseurs avant de poursuivre sur les autres éléments décrits lors de la garde à vue. Le jeune homme a souligné qu’il était sous l’emprise d’un « grand de Mantes-la-Jolie » rencontré en détention. Le magistrat a d’abord demandé sans espoir si le prévenu souhaitait donner l’identité de cette personne. « Je ne peux pas Monsieur. Il sait où vivent ma mère, ma grand-mère et il connaît ma petite sœur. C’était mon codétenu en prison quand j’étais incarcéré à Nanterre », a-t-il répondu en baissant la tête. L’échange s’est poursuivi.

– « Vous avez dit au policier que vous étiez le larbin de cet homme. Comment cela se traduit ?

– Tout ce qu’il ne veut pas faire, c’est moi qui le fais. Tout le travail désagréable. Des fois, il vient devant chez moi, il m’attrape et me force. C’est arrivé plusieurs fois que je le croise par hasard et qu’il me prenne au dépourvu sans mon consentement. Parfois, ça ne s’est pas bien passé.

– En réalité vous êtes la « nourrice » de cette personne ?

– Je ne sais pas si on peut dire ça. Je ne suis pas rémunéré pour cela.

– Du coup, vous stockez la drogue dans la cave car vous avez peur des représailles…

– C’est ça ! »

Ayant la possibilité de poser des questions au prévenu qu’elle défend, son avocate a demandé des précisions sur la rencontre en détention avec cet homme. « Au début, il me montrait un peu de sympathie comme si c’était mon grand frère. Après, il voulait que je lui ramasse des colis. Il me forçait même à aller chercher les colis sur le filet. Il a été violent avec moi », a-t-il détaillé en pleurs et en essuyant les larmes sur son visage.

À 21 ans, le jeune yvelinois a cinq mentions dans son casier judiciaire. Il a connu la détention, le bracelet électronique et il est toujours sous le coup d’un sursis probatoire. Au niveau professionnel, il poursuit une formation de cariste, en lien avec sa mission locale et effectue un stage dans un magasin spécialisé en bricolage. « Néanmoins, vous baignez dans les stupéfiants ? », lui a demandé le juge. « Ça tue vraiment ma vie. Je fume depuis sept ans. Après un suivi de dix mois, j’ai réussi à diminuer », a répondu le prévenu. Cette addiction s’est d’ailleurs traduite lors de sa garde à vue. « J’ai fait des crises. Les pompiers et le samu ont été nécessaires car j’avais des palpitations et des crises d’angoisse », a-t-il souligné.

Pour débuter ses réquisitions, la procureur a rebondi sur les derniers propos du jeune récidiviste concernant son état de santé. « Les malaises sont liés à la consommation de cannabis. Quand la tête est complètement sous l’effet de la drogue, il y a un mal-être et un manque de lucidité et de capacité à réagir. C’est un peu l’histoire de ce jeune, a-t-elle précisé, en nuançant quand même, on n’est pas victime du choix que l’on fait de consommer ». Au regard du casier judiciaire de l’individu, son constat est clair. « On a tout essayé en essayant de l’accompagner à chaque fois. Je ne peux que requérir une peine qui est supérieure à la dernière », a déclaré la représentante du ministère public. Par conséquent, la procureur a requis une peine de 12 mois d’emprisonnement et la révocation des deux mois de sursis avec mandat de dépôt.

Face au principe de la gradation de la peine défendue par le parquet, l’avocate de Monsieur F. a mis en avant la personnalisation de la peine : « On ne condamne pas les gens comme des ordinateurs. Nous ne sommes pas dans les mêmes conditions de la dernière condamnation ». La défense a plaidé la relaxe concernant la cession et le transport de stupéfiants suite à des doutes sur la responsabilité du prévenu. Concernant l’acquisition, la détention et l’emploi, l’avocate a insisté sur l’état psychologique du jeune homme de 21 ans et sur ce qu’il a vécu en détention. « Il vous l’a dit lors de son incarcération, il a été maltraité, tabassé et il a fini par ne plus aller en promenade. C’était une victime en détention et aujourd’hui, c’est une victime à l’extérieur de la prison. Aujourd’hui, il est sous l’emprise de cette personne. C’est sa nourrice et il ne perçoit rien », a insisté l’avocate. Pour conclure sa plaidoirie, elle a demandé une condamnation au bracelet électronique.

Après délibération, le juge et ses assesseurs ont décidé de reconnaître la culpabilité de Monsieur F. de l’ensemble des faits qui lui ont été reprochés. Il est condamné à huit mois d’emprisonnement, à la révocation à hauteur de deux mois de son sursis probatoire avec mandat de dépôt. En constatant la détresse du jeune homme, le juge tente de le rassurer en précisant que ces dix mois de prison sont aménageables dans le cadre d’une incarcération en semi-liberté.

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