TJ de Versailles : « Quand on a des sachets individuels, ce n’est pas pour sa consommation personnelle, c’est pour revendre ! »

Publié le 11/09/2024
TJ de Versailles : « Quand on a des sachets individuels, ce n’est pas pour sa consommation personnelle, c’est pour revendre ! »
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C’est la troisième comparution immédiate de l’après-midi concernant du trafic de drogue pour la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Versailles. En entrant dans le box des accusés, Monsieur B. cherche du regard dans la salle d’audience sa mère et son frère. Ce jeune homme de 24 ans est accusé de détention et d’usage de stupéfiants en état de récidive légale.

Dans l’après-midi du 30 mai 2024, des fonctionnaires de police patrouillaient dans les parties communes d’un bâtiment à Élancourt. Au 6e étage, ils sont tombés sur Monsieur B. en train de consommer du cannabis. Face à ce flagrant délit, les policiers ont réalisé une perquisition au domicile de l’individu et ont découvert la panoplie complète du petit trafiquant de drogue.

La juge liste les différents éléments et les endroits où ils étaient dissimulés. Housse de coussin de canapé, coussin de chaise haute, sac à dos ou encore tiroir. Au total, 21g d’herbe et 59g de résine de cannabis sont retrouvés, conditionnés dans des petits sachets, avec 330 euros dissimulés dans un étui à cigarettes caché dans le coussin de la chaise haute de sa fille âgée de 1 an. Après cette énumération, la présidente regarde Monsieur B. et un premier échange s’engage :

– « Est-ce que c’est à vous et d’où ça vient ?

–  Oui c’est à moi. J’avais acheté ça pour ma consommation.

–  C’est uniquement pour votre consommation ?

–  À la base oui. Mais après, j’en ai vendu à côté pour éviter de payer plus cher ma consommation.

–  Pourquoi aviez-vous des sachets zip avec du conditionnement individuel ? C’est vous qui conditionniez ?

–  Oui, c’est moi qui conditionnais pour éviter de tout fumer. J’étais un gros consommateur jusqu’au mois de mars. Des mois de mars à mai, j’ai ralenti un petit peu. J’ai séparé ma consommation pour éviter de tout fumer.

–  Pourquoi les sachets sont dissimulés dans tout l’appartement si c’est pour votre consommation ? »

Mal à l’aise, la voix hésitante, le jeune homme de 24 ans s’emmêle dans ses justifications revenant sur la description des faits pour tenter de se justifier face à la juge. Sans succès. La présidente l’affirme clairement : « Quand on a des sachets individuels, ce n’est pas pour sa consommation personnelle, c’est pour revendre ! »

Deux condamnations en 2024 pour des stupéfiants 

Même si le jeune homme de 24 ans persiste dans sa version des faits, il reconnaît (à nouveau) la revente de stupéfiants : « J’en préparais beaucoup pour ma consommation. Après c’est vrai que j’en ai vendu mais juste à cinq personnes ». Un aveu qui est ensuite corroboré par la juge à travers des messages retrouvés dans le téléphone de Monsieur B.

Pour démontrer sa bonne volonté, le prévenu décrit les dernières démarches administratives engagées. « J’ai essayé de chercher un travail mais c’était compliqué. Je suis parti à Pôle Emploi. Je vous promets Madame, j’ai déposé des centaines de CV. J’en ai déposé moi-même. J’ai demandé à ma petite sœur. On ne me prenait jamais », s’est-il désolé face à la présidente. Et même, s’il admet « une erreur », Monsieur B. n’est pas un inconnu au TJ de Versailles.

Une amende de 300 euros est notifiée en 2018 dans son casier judiciaire. En 2020, quatre mois d’emprisonnement avec sursis ont été prononcés à son encontre. En 2021, c’est un mois d’emprisonnement avec sursis pour usage de stupéfiants. Le 29 mars 2024, cet Yvelinois de 24 ans a été condamné pour acquisition, détention, emploi, transport et usage de stupéfiants à 10 mois de prison avec sursis probatoire de trois mois. Et pour les mêmes faits datant de 2023, le 21 mai 2024 sans comparaître devant le juge car il n’a pas reçu la convocation selon ses dires, Monsieur B. a reçu une condamnation de 13 mois d’emprisonnement sans mandat de dépôt et demande d’aménagement.

Face à la présidente, il insiste : « Moi J’ai envie de travailler. J’ai envie de m’en sortir Madame ». À la recherche d’un emploi depuis deux ans et demi, Monsieur B. vit avec sa femme et sa fille âgée de 1 an. Son projet professionnel est de suivre une formation dans le domaine de la pâtisserie. Mais il le martèle à nouveau : il rencontre des difficultés dans sa recherche d’emploi.

12 mois d’emprisonnement requis et révocation du sursis probatoire

« C’est la troisième comparution en 2024 pour les mêmes faits. Le tribunal vous encourage à faire de la pâtisserie. Tant que vous n’avez pas de contrat de travail dans ce domaine, il va falloir trouver d’autres occupations que de vendre du shit », lance la juge. « C’est sûr Madame. Si je dois aller nettoyer des toilettes, j’irai le faire. Je sais nettoyer des salles, des bureaux, des toilettes… Pourquoi on ne me prend pas au travail ? Je ne sais pas », se désespère Monsieur B. les larmes aux yeux. « Moi je veux faire quelque chose de ma vie. Je ne veux pas aller en prison », souligne Monsieur B. en se tournant vers le public où il cherche du regard sa mère et son frère.

Face aux antécédents judiciaires « très nombreux et récents » et aux condamnations prononcées, la procureure demande à la juge « pour mettre un terme aux faits de trafic de stupéfiants de Monsieur B. » de le condamner à 12 mois d’emprisonnement avec maintien en détention. La magistrate du parquet requiert également la révocation du sursis probatoire avec ordre d’incarcération immédiate ainsi que la confiscation des scellés : le téléphone du prévenu et les produits retrouvés.

Dans sa plaidoirie, l’avocat souligne la souffrance et l’addiction de Monsieur B. tout en insistant sur sa sincérité. « La vie de Monsieur B. n’est pas très drôle », souligne-t-il en évoquant l’enfance de ce dernier. Et quand il fait référence au projet de formation de pâtisserie en mentionnant notamment des fraisiers, Monsieur B. s’est exclamé : « Je vous en ferai si vous voulez » ! Face à une peine requise « un peu trop lourde », l’avocat demande de la clémence pour le jeune homme de 24 ans.

Après délibération, la présidente et ses deux assesseurs ont décidé de condamner Monsieur B. à huit mois d’emprisonnement avec la révocation des trois mois de sursis probatoire sans aménagement de peine. La présidente a encouragé Monsieur B. à suivre une formation en détention en précisant « qu’elle attend une pâtisserie à sa sortie ».

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