TJ d’Évry : à peine 20 ans et devant la justice pour des violences conjugales

Publié le 10/01/2025
TJ d’Évry : à peine 20 ans et devant la justice pour des violences conjugales
Atlas Illustrations/AdobeStock

Des coups et des accès de colère récurrents au sein de ce jeune couple. Malgré les avertissements, les condamnations, les interdictions de contact, tous deux ont continué à se revoir et à entretenir le cycle des violences et une relation nocive. Cette dernière audience pourra-t-elle servir d’électrochoc ?

Un jeune homme et une jeune femme s’avancent à la barre de la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes. Ils attendaient leur comparution dans la salle d’audience à l’opposé l’un de l’autre. Tous deux semblent à peine sortis de l’adolescence, 19 et 20 ans. Ils se présentent tous les deux sans avocat pour des faits de violences conjugales en mai dernier. « Vous êtes tous les deux victimes et prévenus », rappelle la juge.

« Il s’est énervé, il prenait tout mal, c’était blessant »

En mai dernier, Aurore* porte plainte contre Thibault* après une dispute à son domicile. Elle affirme avoir reçu plusieurs coups, en présence de la mère de la jeune femme, qui a tenté de s’interposer. Le passif du couple est préoccupant : déjà en 2023, Thibault a reçu l’interdiction de contact avec Aurore et un stage de sensibilisation aux violences faites aux femmes, après l’intervention des forces de l’ordre lors d’une énième dispute. Et malgré l’interdiction, le jeune homme est revenu plusieurs fois au domicile.

Suite à la plainte d’Aurore, Thibault a été placé en garde-à-vue et a reconnu des disputes dans le couple. Aurore a également été placée en garde-à-vue après les déclarations de Thibault qui l’accuse lui aussi de gifles. Tous deux ne contestent pas les faits. À la barre, Aurore reste floue sur les origines de la dispute.

– « Pourquoi cette gifle ?

– Il s’est énervé, il prenait tout mal, c’était blessant. On s’est battu, il a cassé le téléphone. »

La jeune femme indique une marque sur sa pommette encore visible, signe du déchaînement de violences. La juge tente de comprendre comment tous deux en arrivent à de tels niveaux de violences l’un envers l’autre. Aurore ne semble pas en mesure de répondre, hausse les épaules. Elle nie avoir tenté d’empêcher Thibault de partir, ce que lui a pourtant affirmé.

Au tour du jeune homme de s’exprimer à la barre :

– « Le fait qu’elle m’ait giflé, moi je démarre au quart de tour.

– Donc vous vous dites que vous êtes légitime pour taper ?

– Non, mais je me laisse pas faire…

– Enfin, vous ne faites pas le même gabarit que Madame…

– Oui…

– Pourquoi vous commettez ces violences ?

– C’est le fait qu’elle ait arraché ma chaîne.

– C’est grave, Monsieur.

– Je sais. »

Il maintient avoir tenté de quitter le domicile, mais sans y parvenir, retenu par Aurore. La juge s’intéresse à sa présence, pourtant formellement interdite par la justice. Thibault explique que c’est « par rapport à la petite ». Le couple a un enfant, âgé de six mois au moment des faits. « Mais elle avait été placée en décembre, vous n’aviez pas de raison d’être là », s’étonne la juge. Thibault n’a pas fait de démarches pour reconnaître sa fille, note-t-elle avant d’ajouter : « Vous savez, si vous voulez des droits, il faut le faire. » Le jeune homme a déjà un casier chargé et a déjà reçu une condamnation en mars 2023 à quatre mois de sursis simple pour de mêmes faits contre Aurore. Il n’était pas présent à cette audience.

« En l’absence de prise de conscience, on encourt trois ans, ce n’est pas anodin »

De son côté, Aurore a un casier vierge. Le bilan de son contrôle judiciaire est mitigé, elle ne se présente pas systématiquement, n’adhère pas aux propositions, n’aborde pas les violences. En août dernier, elle s’est présentée avec un coquard et a indiqué que Thibault en était à l’origine, s’inquiète la juge.

– « Madame, vous êtes prévenue vous aussi ! Le contrôle n’a été respecté que très partiellement ! Vous avez continué à vous voir ?

– Oui.

– Vous ne comprenez pas les interdictions ! Pourquoi vous continuez à vous voir ? »

Silence. Aurore bredouille « Je ne sais pas. » Le ministère public souligne le problème de violences de la jeune femme : « Vous vous rendez compte qu’il y a un travail à faire ? C’est sérieux, là. » La procureure s’adresse ensuite à Thibault qui n’a pas franchement entamé les démarches concernant son sursis probatoire : « Ça craint un peu Monsieur ! Je peux révoquer le sursis au-dessus de votre tête et vous envoyer en détention avec mandat de dépôt ! » Ni l’un ni l’autre ne souhaite se porter partie civile.

« En l’absence de prise de conscience, on encourt trois ans, ce n’est pas anodin », déplore la procureure qui rappelle que l’enfant du couple a été placée par l’aide sociale à l’enfance jusqu’en septembre 2025. « Un juge a décidé que vous n’étiez pas assez responsable. » Elle requiert pour Aurore des heures de travaux d’intérêt général comme alternative à une peine de prison, et pour Thibault une peine de six mois ferme.

La juge se range à l’avis du parquet et prononce une peine de 105 heures de TIG pour la jeune femme et une peine de six mois aménageables par le juge d’application des peines pour le jeune homme. Tous deux écopent d’un stage de sensibilisation aux violences dans le couple et ont une interdiction de contact pendant un an. La procureure insiste à nouveau sur ce dernier point qui les concerne tous les deux, avant d’ajouter : « Monsieur, c’est la dernière étape avant l’incarcération. Votre relation est nocive et violente, peu importe si vous êtes amoureux ou pas amoureux. »

*Les prénoms ont été modifiés.

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