TJ d’Évry : « Après une séparation, on revit toute la relation en la voyant avec un nouveau regard ! »

Publié le 27/11/2024
TJ d’Évry : « Après une séparation, on revit toute la relation en la voyant avec un nouveau regard ! »
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Un différend pour des papiers administratifs entre ex-conjoints a pris une tournure violente. Devant le tribunal judiciaire, le prévenu a assumé sa responsabilité et a tenté d’expliquer son déchaînement d’agressivité.

Monsieur T. a une certaine prestance, prend le temps de parler et d’expliquer le contexte. Il comparaît devant la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes pour des faits de violences contre son ex-conjointe ayant entraîné deux jours d’ITT. Il raconte que malgré la séparation, il continue de payer une assurance pour un véhicule. C’est pour cette raison qu’il a voulu voir son ex-conjointe, Madame V., et régler cette affaire. « Elle m’a demandé de quitter l’immeuble, j’étais hors de moi ! J’ai balancé ses lunettes, le téléphone a suivi. Je me suis fait ceinturer par les voisins, la police est arrivée, je suis allé vers eux. »

« Vous imaginez qu’elles aient pu être choquées ? »

Il reconnaît complètement les violences, sans louvoyer ou se déresponsabiliser. Le rapport médical confirme que les ecchymoses de Madame V. sont compatibles avec ses allégations. Le juge revient plus précisément sur les gestes violents de Monsieur T.

– « Je ne me vois pas porté de coups de poing.

– On essaie parfois d’avoir une vision moins réelle pour préserver son psychisme après un accès de violence. »

Ses deux filles, toutes deux adultes, ont assisté à la scène. « Elles disent que vous êtes agressif, virulent, c’est vrai ? ».

– « Peut-être, je l’ai été. Je ne sais pas trop.

– Depuis les faits, vous n’avez plus de contact avec elles, pourquoi ?

– Je ne sais pas.

– C’est de votre fait ou de leur fait ?

– Je n’ai pas entrepris la démarche. J’ai cherché à m’isoler. C’est mes filles, je les adore, le contact va revenir.

– Vous imaginez qu’elles aient pu être choquées ? »

Le prévenu veut aussi revenir sur une nouvelle apprise avant les faits et qui l’a beaucoup bouleversé. « J’ai appris par un tiers que ma fille s’était convertie et qu’elle avait choisi la religion musulmane. C’est pas un problème, mais l’avoir appris par quelqu’un d’autre… »

« Il n’a pas déposé plainte, elle aurait pu se retrouver ici devant vous ! »

Pour l’avocate de la partie civile, les deux jeunes femmes sont en effet prises dans un conflit de loyauté entre leurs parents. L’une d’elles a essayé de le dissuader de monter voir leur mère le jour des faits. « Elles n’ont eu de cesse de s’interposer pour la protéger, elles ont pris des coups. C’est révélateur du comportement de Monsieur. » Elle rappelle que la victime n’a pas eu d’attitude pour provoquer sa violence, et réclame 3 000 euros au titre du préjudice moral, et l’interdiction de paraître à son domicile.

Pour la procureure, peu importe le contexte détaillé par Monsieur T. : « Ce qu’on voit, c’est qu’il se présente à son domicile et l’agresse, et heureusement les filles du couple et les témoins étaient là. » Elle requiert une peine de 100 jours-amendes à 10 euros, et l’interdiction de contact et de paraître au domicile de la victime pendant deux ans.

Au contraire, la défense tient aux éléments de contexte, au-delà du couple et de la séparation. « Au cours de la préparation du mariage d’une de ses filles, il apprend sa conversion, il apprend que sa femme est au courant depuis longtemps. Le château de cartes s’effondre. Il a l’impression que tout se passe dans son dos. » La défense déplore aussi le récit de Madame V. : « Elle dit qu’elle a vécu sous emprise, qu’il a été violent. Mais après une séparation, on revit toute la relation en la voyant avec un nouveau regard ! » Enfin, l’avocat insiste sur l’objet du conflit, les liens financiers qui demeuraient entre les ex-conjoints, concernant d’un côté l’assurance d’une voiture à résilier, de l’autre un terrain acheté en indivision devenu inconstructible. Dernier argument de la défense pour contester la déposition de Madame V., un sms où elle reconnaît avoir roulé volontairement sur le pied de Monsieur T. : « Il n’a pas déposé plainte, elle aurait pu se retrouver ici devant vous ! »

Le prévenu demande pardon, affirme qu’il travaille sur sa violence avec un psychologue, et compte bien continuer. Il est reconnu coupable et condamné à 5 jours-amendes à 10 euros, avec interdiction de contact et de paraître au domicile de Madame V., qu’il devra indemniser.

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