TJ d’Évry : « D’habitude, je fais pas ça, je fais toujours une CRPC ! »

Publié le 13/12/2024
TJ d’Évry : « D’habitude, je fais pas ça, je fais toujours une CRPC ! »
La salle des pas perdus du tribunal judiciaire d’Évry, le 18 juillet 2022. (Photo : ©I. Horlans)

Déjà condamné pour conduite malgré l’annulation de son permis de conduire, le prévenu a fait en sorte de montrer sa bonne foi et surtout une situation professionnelle et personnelle stable.

Jérôme*, la trentaine, comparaît pour des faits de conduite malgré l’annulation de son permis de conduire et un refus de se soumettre l’examen en vue d’établir s’il conduisait sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, le tout en récidive. Introduit dans le box de la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes, il souhaite être jugé aujourd’hui.

La veille, dans la matinée, il a été interpellé à Palaiseau, alors que des policiers l’ont d’abord repéré au volant d’un véhicule, un Trafic blanc, arrêté au milieu de la voie de circulation moteur tournant. Il a d’abord nié avoir été en train de conduire et n’a pas su expliquer sa présence dans l’utilitaire. Devant la juge, il commence par admettre qu’il était bien au volant du Trafic. « Je travaillais à 200 mètres, je suis quand même allé sur le chantier, parce que ma compagne avec qui je travaille, était de nuit. » Justement, c’est elle qui a affirmé que Jérôme utilise la camionnette tous les jours, souligne la juge. Mais jamais seul, rétorque le prévenu : « Et je ne me suis pas arrêté en pleine voie, mais là où il y a un stop ! » Pourquoi ne pas regarder la vidéosurveillance pour en avoir le cœur net ? Aucune image ne figure au dossier. Jérôme maintient qu’il y a bien une « boule », une caméra à cet endroit.

Et qu’en est-il de cette annulation de permis ? Le prévenu assure qu’il est en train de repasser le code, mais qu’il a pour le moment échoué. « À huit fautes », ajoute-t-il.

– « J’ai refusé le test parce que j’avais dit que c’était pas moi le conducteur de la camionnette, alors c’était bête de faire le test après avoir dit que j’étais pas au volant.

– Sauf que c’est déjà arrivé. Pourquoi vous avez refusé ?

– Comme j’avais déjà donné une version…»

« Vous êtes au clair sur le principe du sursis ? »

Sous prétexte de rester cohérent, Jérôme s’est donc exposé à commettre une infraction supplémentaire. « D’habitude, je fais pas ça, je fais toujours une CRPC ! » La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité lui évite le désagrément de se retrouver dans le box. « Là, on passe un cran au-dessus », confirme la juge. « J’ai fait n’importe quoi, j’aurais pas dû… »

Son casier judiciaire est déjà bien fourni. Il paie encore des amendes dans deux départements, les Hauts-de-Seine et l’Essonne.

– « Vous êtes au clair sur le principe du sursis ?

– Oui, je suis au clair.

– On accepte facilement le sursis parce qu’on s’en sort sans passer par la case détention, mais c’est une épée de Damoclès ! »

Après avoir enchaîné de multiples boulots, dans les espaces verts, la sécurité, le bâtiment, le pelliculage pour la RATP, Jérôme a aujourd’hui une entreprise de nettoyage avec sa compagne et intervient dans les situations extrêmes : « Je fais les syndromes de Diogène, tout ce qui est de l’insalubrité. »

La procureure intervient : « Dans le cadre de cette activité, vous avez forcément besoin de votre véhicule pour travailler, non ? » Jérôme explique qu’il paie « des copains » pour le conduire et lui donner un coup de main. La défense en profite :

– « Et comment vous comptez vous déplacer maintenant ?

– Je vais demander à des amis à moi ou trouver des gars sur Le Bon Coin pour m’aider. Je pourrais aussi utiliser une voiture sans permis. »

« On ne peut qu’être agacé de le revoir dans un tribunal »

La procureure espère que Jérôme a compris qu’il est en comparution immédiate. « Car quand on passe devant le tribunal en mars 2024 et qu’on est là six mois plus tard, c’est qu’on n’a rien compris, qu’on se fiche de ce que le procureur a pu dire. » Elle note que le prévenu est inséré socialement et professionnellement, qu’il a une vie de famille stable et un entourage soutenant. Elle requiert huit mois avec bracelet électronique et la révocation du sursis simple de quatre mois qui avait été prononcé pour des faits similaires, avec en peine complémentaire, l’interdiction d’obtenir la délivrance du permis de conduire pendant un an.

« On ne peut qu’être agacé de le revoir dans un tribunal », concède l’avocat de Jérôme qui tient à souligner les circonstances de l’infraction : « Il se rend au travail, il n’est pas en train de rentrer de soirée alcoolisée, il est inséré : s’il est ici aujourd’hui, ce n’est pas parce que les faits sont plus graves. » Effectivement, son attitude en garde-à-vue n’a pas arrangé son cas, estime la défense. Tandis que dans le box, Jérôme pleure comme un petit enfant. Une peine sous bracelet électronique, oui, mais avec un quantum moindre, demande l’avocat, qui déplore le caractère absurde et inutile d’empêcher son client de passer son permis : « On rajoute du mal au mal ! »

La juge le déclare coupable et prononce une peine de six mois aménagés à domicile et la révocation de deux mois de son sursis simple.

– « Merci pour tout, je vais saisir cette chance-là.

– On ne va pas entretenir la machine judiciaire, lui indique la juge, la prochaine fois ce sera la détention. On ne vous retrouve pas au volant, quel que soit le motif. »

Le prénom a été modifié.

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