TJ d’Évry : « J’ai mal fait de prendre le couteau, c’est moi qui me retrouve dans la merde » !
Un homme est accusé d’avoir asséné un coup de couteau à pain dans le bras d’une connaissance qu’il voulait voir hors de chez lui. Une banale altercation entre amis qui dégénère avec de lourdes conséquences pour le prévenu, présenté en comparution immédiate au tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes.
Il y a quelques jours, la police est appelée pour une agression au couteau à Évry. Sur place, ils découvrent deux individus dont l’un est blessé au niveau du coude. Ce dernier affirme s’être rendu chez l’autre pour y récupérer des affaires. Une dispute a éclaté se soldant par un coup de couteau dans le bras. Du sang est bien retrouvé sur le sol, le couteau au domicile, et les faits sont aussitôt reconnus par l’auteur, Monsieur B., présenté en comparution immédiate devant la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry.
« Il m’a poussé à bout ! Il reste chez moi comme s’il était chez lui »
Monsieur A. a eu les tendons du biceps sectionnés, occasionnant une interruption temporaire de travail de deux mois. « Vraiment désolé », ponctue Monsieur B. depuis le box, avant de finalement ajouter en s’énervant :
– « Il m’a poussé à bout ! Il reste chez moi comme s’il était chez lui. J’ai même crié après lui, mais il reste planté chez moi comme un poteau. Si je lui demande de partir, c’est la moindre des choses !
– Monsieur, je vais vous demander de ne pas vous énerver dans le box ! », rappelle le juge qui tente d’en savoir plus sur les circonstances qui ont conduit au fameux coup de couteau à pain et à la présence de Monsieur A. chez Monsieur B.
Une histoire peu claire d’affaires à aller chercher pour un ami commun, semble-t-il alcoolisé au moment des faits. « Je l’ai averti plusieurs fois pour sortir de chez moi, je lui ai crié dessus », reprend encore le prévenu. « J’ai mal fait de prendre le couteau, c’est moi qui me retrouve dans la merde, c’est bête de ma part, j’ai perdu le contrôle… » Lui n’avait pas bu, mais estime que la victime avait bien consommée de l’alcool.
– « Ce n’est pas la première fois que ça se passe comme ça, que je suis obligé de gueuler après lui, grommelle-t-il encore.
– Vous n’aimez pas qu’il vienne chez vous ? Alors pourquoi vous avez ouvert la porte ?
– Des fois, j’ouvre pas la porte, là cette fois c’est fini, j’ouvrirai plus !
– Pourquoi ?
– Il me fait avoir des problèmes.
– Vous dites que c’est la faute de Monsieur A. si vous êtes dans le box aujourd’hui ? »
Monsieur B. se reprend, comme sentant qu’une mauvaise réponse pourrait lui porter préjudice. « Non, mais il prend le bien d’autrui pour le sien. » Il assure que Monsieur A. l’aurait menacé le jour des faits et que ce n’est pas là non plus une première.
– « J’aurais dû appeler la police ?
– Ça aurait été une solution », approuve le juge.
Monsieur B. hoche la tête pensivement comme n’ayant pas songé à cette option. Les deux hommes ne sont pas des ennemis jurés, ils se connaissent depuis sept ou huit ans. « Des fois on s’entend bien, mais des fois il a des montées sataniques dans la tête. Dès qu’il est alcoolisé, il se comporte comme ça avec tout le monde, avec des « Je vais m’occuper de vous ! » »
– « Vous pensiez aux conséquences quand vous avez donné ce coup de couteau ?
– Non, je voulais pas le blesser.
– Vous me dites que vous ne vouliez pas le blesser avec le couteau à pain ?
– Je ne suis pas violent moi, normalement. Et en plus, le lendemain je devais aller travailler à 4 heures du matin. Je hausse ton, il comprend pas, c’est ce qui m’a fait déraper. »
« Y’a des choses vraies, y’a des choses fausses »
La victime est appelée à la barre. Monsieur A. est un petit homme sec, accompagné par de la famille dans la salle. Il a bien le bras en écharpe qui dépasse de son t-shirt noir. Il tient à se constituer partie civile, et son avocat, qui n’est pas présent à ses côtés, lui a conseillé de demander 50 000 euros. Une somme qui représenterait un an de travail pour ce cordiste de métier, aujourd’hui dans l’impossibilité d’exercer. « Y’a des choses vraies, y’a des choses fausses », lance-t-il pour tout commentaire du récit du prévenu. Certes, il venait bien chercher des affaires à lui. « Il s’est énervé, il est parti dans la cuisine, il est revenu avec un couteau », résume Monsieur A. « Ça s’est passé en 5 minutes. Jamais j’ai agressé, jamais j’ai rien dit. » Il nie avoir consommé de l’alcool ce jour-là.
Monsieur B. est préparateur de commandes. Il vit seul, a 3 enfants qu’il ne voit pas. Il perçoit en outre l’allocation adulte handicapé, en raison d’une intoxication dans sa jeunesse. Il suit son traitement et bénéficie d’un suivi au Centre médico psychologique d’Évry. Il reconnaît une consommation festive d’alcool, et consomme un peu de cannabis. Voulant manifestement reprendre son récit de l’altercation avec Monsieur A., il est sèchement recadré par le juge.
Pour la procureure, l’affaire est simple : le prévenu reconnaît avoir répondu à une intrusion dans son domicile de façon disproportionnée par un coup de couteau de 20 cm. « Sur le contexte de leur relation : des amis de longue date, une amitié qui se transforme en inimitié, on y voit assez flou. Le prévenu n’a pas de condamnation, on a du mal à comprendre cette impulsivité, certes isolée, mais qui a des conséquences notables. » Elle demande un an d’emprisonnement, avec un sursis probatoire pendant deux ans.
Pour l’avocat du prévenu, les faits sont reconnus, constitués et assumés. « Il fait amende honorable, c’est la toute première fois qu’il comparaît devant un tribunal c’est quelqu’un qui se tient à carreau. Il respecte l’obligation de soins qui est la sienne. » Il appelle à ramener la sanction à des proportions raisonnables. À la fin de l’audience, Monsieur B. n’a rien à ajouter. « Tout a été dit », reconnaît-il avant d’être sorti du box.
Au délibéré, le juge déclare le prévenu coupable et le condamne à une peine d’un an d’emprisonnement assorti d’un sursis probatoire de deux ans. Il aura interdiction de contact avec la victime, une obligation de soins et d’indemnisation, ainsi que l’interdiction de détenir une arme. Il est déclaré responsable du préjudice de Monsieur A. et une autre audience permettra d’évaluer le montant des dommages et intérêts.
« Ma tante est juge au barreau ! », lance furieux de sa condamnation Monsieur B. Il agite le bras avec colère, comme s’il tenait à montrer qu’il n’en restera pas là. Il jette un regard noir vers la salle d’audience, mais cela ne l’empêche pas de lancer un presque jovial : « Bonne soirée ! » au juge et aux assesseurs.
Référence : AJU010g7