TJ d’Évry : « J’aurais pu éviter tout ça si j’avais été moins stupide » !

Publié le 18/12/2023
TJ d’Évry : « J’aurais pu éviter tout ça si j’avais été moins stupide » !
anniebirdie/AdobeStock

Un homme est présenté en comparution immédiate au tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes pour violences aggravées en récidive contre sa compagne, après une dispute sur fond d’alcool, alors qu’il avait déjà été condamné pour des faits similaires un an plus tôt.

David* visage émacié, petites lunettes et sweat à capuche noir s’avance dans le box de la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry, tandis que la juge procède au rappel des faits.

Dans la nuit du 2 au 3 octobre, des policiers se déplacent à Tigery après un appel pour signaler des violences. Si la femme présente leur a d’abord dit avoir reçu des coups de la part de David, elle est revenue ensuite sur ses déclarations en affirmant être tombée. Les deux enfants présents au domicile, âgés de 9 et 15 ans, n’ont rien vu. La victime a un hématome et une forte bosse sur le visage. Elle n’a pas souhaité être examinée par un médecin, ni porté plainte. Dans la cuisine, les policiers notent des traces de dégradations sur la porte de la cuisine.

Devant la juge, David donne sa version et continue de nier avoir porté des coups. Il affirme avoir fait tomber au sol sa compagne en lui faisant une balayette pour essayer de la maîtriser, se sentant menacé : « Elle s’est agitée avec l’alcool, elle a commencé à venir vers moi ». Le juge tente de comprendre avec précision l’enchaînement de ses gestes :

– « Comment vous l’avez maîtrisée ? Vous êtes à califourchon sur elle ?

–  Elle s’est débattue, je la tenais par les bras.

–  Qu’est-ce qui vous a fait arrêter ?

– Ça servait à rien, je faisais de la merde…

–  Où étaient les enfants ?

–  Dans le salon. S’ils avaient vu, ils m’auraient dit d’arrêter direct. »

« Elle m’a trompé, elle m’a trahi, elle est partie trop loin »

Pour expliquer son état de colère, David raconte qu’il venait de découvrir l’infidélité de sa compagne. La juge cite les témoignages des deux enfants. La cadette a effectivement entendu un bruit de chute mais n’a pas vu de coups. L’aîné, lui, affirme qu’il était dans sa chambre. « On est pas très émotionnel dans la famille », a déclaré l’adolescent dans son témoignage. « On a l’impression qu’il est détaché », note avec amertume la juge. « C’est triste et grave. Ils ont été confrontés trop souvent à ces situations. »

Car leurs parents ont repris une vie commune suite à la condamnation de David en sursis probatoire pour des faits similaires en octobre 2021. Tous les deux sont encore mariés, mais séparés. « On avait des engueulades, comme tous les couples », tempère David. Cette fois, sa compagne a pourtant appelé les gendarmes, indique la juge. L’avocat du prévenu veut savoir comment il envisage l’avenir de cette relation. « Elle m’a trompé, elle m’a trahi, elle est partie trop loin », répond le prévenu.

David est en récidive légale après sa condamnation en mars 2022. Le rapport du service pénitentiaire d’insertion et de probation le décrit comme coopératif, sa situation professionnelle est stable. Si le suivi s’est déroulé sans incidents jusqu’ici, le juge d’application des peines est favorable à une révocation partielle du sursis probatoire.

À l’heure actuelle, David est hébergé temporairement à droite à gauche ou dort dans sa voiture. Il est ouvrier à Savigny-le-Temple. Il reconnaît une consommation d’alcool quotidienne, jusqu’à deux litres de bière, « sous l’influence de sa conjointe », assure-t-il. Il a suivi l’obligation de soins, mais a arrêté son traitement médicamenteux avec l’accord de sa psychiatre.

« Elle pense qu’elle est responsable des coups qu’elle a reçus »

Pour la procureure, la caractéristique de ce dossier de violences conjugales réside dans le témoignage de la victime, celui d’une femme qui minimise et veut protéger son conjoint alors même qu’elle est en danger : « Elle pense qu’elle est responsable des coups qu’elle a reçus. » Pour attester de l’état d’esprit violent du prévenu, elle cite le prévenu lors de son audition en garde-à-vue qui a déclaré : « Je l’ai maintenue au sol pour lui montrer qu’elle pouvait être vulnérable ». Elle revient aussi sur sa précédente déclaration en audience concernant la dépendance à l’alcool : « Sa femme a un problème d’alcool mais sa consommation à lui, c’est sa responsabilité. » Enfin, elle s’inquiète des témoignages des deux enfants du couple, tous deux « exposés et habitués à la violence » et qui « ne pensent pas à eux ». La procureure estime que le stade du sursis probatoire est dépassé mais souhaite conserver l’obligation de soins. Elle demande une peine ferme, cinq mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt.

L’avocat de David ne tire pas les mêmes conséquences des constats de la procureure. D’abord, parce que sa compagne a commencé par mentir s’agissant des coups, insiste-t-il. « Il n’y a aucun témoin de la scène, on a un certificat médical sur photo qui conduit à une déduction de 7 jours d’ITT. Au gré du vent, on dit qu’on va la croire parce qu’il y a déjà eu des violences. » Il met en avant le suivi positif de David et s’interroge : « On va détruire tout ça ? » Il demande un nouveau sursis probatoire et une peine ferme avec aménagement. « Il assume ses responsabilités, il est capable de remise en question. Il a peur à l’idée d’aller en prison, il a pris la mesure du problème. »

Avant d’être évacué du box, David, contrit, fait part de ses profonds regrets : « J’aurais dû protéger mes enfants, j’aurais dû mettre un terme à mon couple. J’aurais pu éviter tout ça si j’avais été moins stupide !  » Il est finalement reconnu coupable et condamné à huit mois d’emprisonnement délictuel, une peine aménagée en semi-liberté. Il va être placé en détention le temps d’en connaître les dispositions. Il aura interdiction de contact avec sa compagne et de paraître au domicile.

* Le prénom a été changé.

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