TJ d’Évry : « Je suis désolé, je ne mettrai plus un pied dans un Ehpad » !
En pleine recrudescence de cambriolages d’Ehpad dans l’Essonne, un jeune homme de 22 ans est présenté en comparution immédiate au tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes pour vol par ruse et effraction avec circonstance aggravante. On lui reproche d’avoir tenté de voler le coffre-fort de l’Ehpad de Villemoisson-sur-Orge.
Dans la nuit du 13 juillet, l’alarme de l’Ehpad du château de Villemoisson-sur-Orge retentit. Lorsque les policiers arrivent sur place, ils découvrent une Renault Twingo et font fuir deux personnes. L’une d’elles est G., qui a alors tenté de s’échapper en traversant l’Orge dont le niveau ne dépasse pas le genou en cette période, et qui a été interpellé de l’autre côté de la rivière.
Ce lundi 17 juillet, le jeune homme de 22 ans, en survêtement noir, s’avance dans le box de la 10e chambre correctionnelle du tribunal d’Évry. Il vient de passer deux jours en détention, ce qui semble l’avoir éprouvé. Lorsque la juge lui demande s’il souhaite maintenir les déclarations faites aux policiers, il indique sans hésiter vouloir changer sa version : « Je regrette fort ce que j’ai fait. C’était ma première fois en détention, c’était très difficile, j’ai beaucoup réfléchi et ce n’est pas là-bas que je veux être. Le chemin que je menais, c’est pas le bon. J’ai d’autres projets. »
La juge entend cependant en savoir un peu plus sur les détails matériels de l’affaire et l’interroge à propos du véhicule trouvé devant l’Ehpad et du coffre-fort retrouvé au sol. G. nie être propriétaire de la Twingo mais assure aussi ne même pas savoir à qui elle appartenait. « Ça ne sert à rien que je vous demande qui était avec vous ? », s’enquit la juge, non sans un brin d’ironie dans la voix.
– « Quand j’ai été interpellé, j’étais tout seul. »
– « Oui enfin, vous n’étiez pas tout seul. Même bien bâti, je ne pense pas que vous pouviez manipuler tout seul le coffre-fort qui a été retrouvé. »
G. bredouille qu’il faisait noir, comme tentant de brouiller les pistes sans trop en dire, avant d’être coupé court par la juge, mi-agacée mi-amusée par sa tentative de justification : « Ne vous enfoncez pas, il faut mieux me dire que vous ne voulez pas dire qui était avec vous ! »
La procureure est moins tendre et veut comprendre pourquoi G. a jeté son dévolu sur un Ehpad. C’était « sur le coup », répond l’intéressé. Le ministère public n’est pas convaincu et pour preuve : G. a fait des recherches sur son portable concernant des Ehpad quelques jours avant le vol. Ce dernier affirme qu’il ignorait que les effractions dans les Ehpad étaient courantes à l’heure actuelle. Et qu’espérait-il trouver dans ce coffre-fort retrouvé au pied de la voiture ? Là encore, G. l’ignore et répète encore et encore avoir agi sans réfléchir, « sur le coup ».
Diplômé d’une formation de chauffeur de bus, G. doit débuter une formation d’ascensoriste en septembre 2023. En attendant, il exerce en intérim au Décathlon. Dans son casier judiciaire, des peines de sursis et des amendes : vol en réunion, détention et usage de stupéfiants, conduite sans permis. « Vous avez une formation, vous travaillez, vous vivez chez vos parents, quelles sont vos charges ? », interroge la procureure qui veut comprendre les motivations du jeune homme.
– « J’ai des amendes »
– « Vous payez vos amendes en commettant des infractions ? ! »
– « Je commençais à y penser, à voir que je ne prenais pas le bon chemin. »
– « Et vous alliez faire quoi, avec ce que vous alliez trouver dans ce coffre ? »
– « Je savais pas ce qu’il y avait dedans… »
Présent à l’audience, le directeur de l’Ehpad va justement éclairer ce point. S’il ne souhaite pas se porter partie civile, il se présente à la barre pour livrer quelques détails sur le cambriolage grâce au visionnage des vidéos de surveillance. Selon lui, les deux auteurs du vol connaissaient les lieux et ont su directement se diriger vers son bureau. Quant au coffre, il en énumère le contenu : entre zéro et 150 ou 200 euros dans la caisse, les cartes bancaires des résidents, des bijoux de pacotille… autant dire pas grand-chose. « Au total, ça représente 300 ou 400 euros, le jeu n’en vaut pas la chandelle », déplore-t-il plus désemparé qu’en colère face à G. qui baisse la tête. « Y’a pas de trésor dans les Ehpad ! » Ces résidents, âgés entre 90 et 100 ans, ne roulent pas sur l’or, et surtout, ce genre d’incident, même sans gravité, fait naître un profond sentiment d’insécurité chez eux, mais aussi chez leurs familles.
Dans son réquisitoire, la procureure se dit heureuse que G. reconnaisse les faits mais qu’il n’aurait pas dû s’arrêter en si bon chemin. « Ça a été préparé, les auteurs sont allés très vite, ils étaient équipés », en témoigne le pied de biche retrouvé dans la voiture, acheté quelques jours plus tôt. Pour elle, G. « se cache derrière son petit doigt » : « L’acceptation de la responsabilité pénale n’est pas pleine et entière ». Elle pointe un jeune homme intelligent, capable de décrocher des formations, mais qui « choisit la facilité ». Elle réclame une peine de 24 mois d’emprisonnement dont 10 avec sursis probatoire assorti d’une obligation de travail.
L’avocat de G. remercie le directeur de l’Ehpad d’avoir fait preuve de pédagogie en expliquant la réalité de son Ehpad. Il qualifie lui-même ce vol de « bêtise » : « Mais Monsieur ne saurait être responsable de tous les vols des Ehpad dans la région, je veux qu’on resserre le débat, qu’on salue l’effort de Monsieur qui reconnaît ses torts. » Il salue en outre la présence de membres de sa famille dans la salle d’audience, un signe que G. n’est pas laissé à l’abandon. « Il a eu le déclic en passant ces deux jours en détention, ce serait contre-productif de le condamner à une privation de liberté.
La parole revient à G. pour clore l’audience : « Je suis désolé, je ne mettrai plus un pied dans un Ehpad », souffle-t-il. Au délibéré, il est reconnu coupable et condamné à une peine de 12 mois d’emprisonnement avec un aménagement en détention à domicile avec bracelet électronique.
Référence : AJU009u4