TJ d’Évry : « Le prévenu aujourd’hui, c’est vous ! Car c’est vous qui avez été violent avec Madame ! »
Un homme est présenté au tribunal d’Évry-Courcouronnes pour des violences conjugales. Si la violence physique n’avait jamais été présente dans ce couple auparavant, la victime a signalé des insultes et des remarques humiliantes fréquentes.
Martin* s’avance à la barre de la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry, et derrière lui Laura* qui prend place sur les sièges du côté des parties civiles. Le presque trentenaire comparaît pour des violences conjugales commises à Saint-Michel-sur-Orge contre sa compagne. Cette nuit-là, à 2 heures du matin, les services de police ont été appelés à intervenir. Sur place, la victime a d’abord indiqué qu’elle et son conjoint ont beaucoup bu, alors qu’ils avaient assisté à la Fête de l’Humanité. De retour à l’appartement, une dispute a éclaté, et Martin a alors asséné plusieurs coups de poing et coups de pied, l’a fait tomber et l’a traînée sur le sol. Une personne a tenté d’intervenir pour les séparer. Les policiers ont constaté des traces de coups au niveau de la nuque et des bras. La victime a également mentionné être régulièrement rabaissée et insultée en public par Martin. Selon elle, il est devenu plus « impulsif » depuis qu’il consomme des stupéfiants. L’homme a reconnu les faits, à l’exception des coups de pied.
« Elle se les est pas faites toute seule, ses marques ? »
« J’ai rien à dire, je reconnais les faits, mais pas certains coups », confirme à la barre le prévenu. La juge sort une photo éloquente du dossier, où figure une impressionnante marque violacée sur la poitrine : « Elle se les est pas faites toute seule, ses marques ? », rétorque-t-elle. Martin laisse entendre mollement que lorsqu’ils étaient au festival plus tôt dans la soirée, Laura a été victime d’une agression, façon pour lui de justifier cet hématome. Pas de quoi convaincre la juge.
– « Le prévenu aujourd’hui, c’est vous ! Car c’est vous qui avez été violent avec Madame ! ».
Martin garde son attitude un peu nonchalante, les mains dans les poches. « Comment vous analysez la situation aujourd’hui ? », poursuit la juge. Il hausse les épaules. Elle tente de comprendre les origines d’un tel accès de violence. « J’ai fait un travail sur moi-même pendant ces deux mois, reprend Martin. J’ai vu une psychologue, j’ai fait deux entretiens avec elle, j’avais beaucoup de questions à lui poser. Je m’énerve trop vite ».
– « Vous avez réussi à comprendre ?
– Il y a l’alcool, mais c’est pas une excuse.
– Comment vous envisagez la suite ?
– Je veux retrouver ma famille ».
La victime, Laura, arrive au micro. Elle n’a rien de plus à ajouter. « Quel recul vous avez sur ce qu’il s’est passé ? », demande tout de même la juge.
– « Il n’a jamais été violent avec moi avant. On était tous les deux alcoolisés. Physiquement, ça n’était jamais arrivé.
– Vous avez quand même décrit aux policiers un climat violent.
– Oui, quand on se dispute.
– Vous avez une fille, et les enfants entendent tout ce qu’il se passe, les insultes, les rabaissements. Ce sont des éponges.
– C’est jamais arrivé devant la petite ».
Laura ne souhaite pas se constituer partie civile. Elle et Martin ont une enfant de deux ans et demi. Lui est cariste, n’a pas de casier judiciaire. Il a depuis les faits diminués sa consommation de cannabis. « Mais vous n’avez pas arrêté », tient à signaler la juge qui en profite pour lui rappeler que même en réduisant sa consommation, en cas de test de dépistage, il peut être contrôlé positivement et mis en cause.
« Un enfant est conscient quand sa mère est violentée »
« J’ai été assez interloquée par la violence à la lecture de ce dossier », déclare la procureure en préambule de son réquisitoire. « Il reconnaît une partie des faits, c’est déjà une bonne chose, mais je m’interroge sur les justifications de Monsieur et Madame ». Elle énumère les traces de coups impressionnantes, le fait que Laura n’a pas eu d’examen médico-judiciaire, mais que c’est elle qui a appelé les services de police le soir des faits, et enfin ce climat verbal agressif, mais seulement pendant les disputes. « Il faut que Monsieur apprenne à se prendre en main, je l’encourage à continuer à consulter une psychologue ». Elle demande une peine de sursis de huit mois. « S’il se passe quelque chose, il n’y aura pas de deuxième chance ». Elle reprend les mots de la juge sur les risques pour un enfant de grandir dans un foyer imprégné de violences, même verbales, et met en garde autant Martin que Laura : « Un enfant est conscient quand sa mère est violentée ».
Martin n’a rien à ajouter à l’issue de l’audience. Au délibéré, il est reconnu coupable et condamné à une peine de huit mois avec sursis. Il n’aura pas d’interdiction de contact avec sa compagne et peut regagner le domicile conjugal.
*Les prénoms ont été changés.
Référence : AJU011p3