TJ d’Évry : « On a quand même une gradation de la sanction pénale, mais vous ne l’avez pas saisi » !
Malgré l’annulation de son permis de conduire, il a pourtant pris le volant dans le cadre de son travail… « Mais c’était pour rendre service à un collègue chauffeur », a argué le prévenu. Cela n’a pas été suffisant pour convaincre le parquet et la juge.
Monsieur R. est un petit homme d’une quarantaine d’années, originaire de Madagascar. Dans le box de la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes, il est présenté en comparution immédiate pour conduite malgré l’annulation de son permis de conduire et souhaite être jugé aujourd’hui.
« Je ne touche plus au volant, le temps de régulariser mon permis »
La veille de l’audience, tôt dans la matinée, des policiers en patrouille à Chilly-Mazarin ont repéré un véhicule franchissant la ligne continue en sortant d’une station-service. Ils ont effectué un contrôle sur le parking situé juste en face et ont découvert dans le fichier des permis de conduire que celui de Monsieur R. avait été annulé en 2019, après une suspension en 2016. En garde-à-vue, il a déclaré qu’il avait effectivement pris la place du conducteur, ce qu’il a confirmé à la juge à l’audience.
– « C’est moi qui suis responsable de faire le plein des véhicules. Je prends juste la carte bancaire et j’attends les chauffeurs à la station-service.
– Mais vous y allez comment, à cette station-service ?
– C’est le responsable qui m’y emmène. Un chauffeur a eu un problème de batterie au démarrage. Comme des gens klaxonnaient, j’ai pris le volant pendant qu’ils poussaient le véhicule. J’ai juste eu le temps de mettre le camion dans le parking mais devant, y’avait la police. On a tenté de leur expliquer. Ils ont rendu la clé du camion à mon chef.
La juge reconnaît effectivement ce dernier élément. Pour le reste, elle explique au prévenu que tous les éléments de son récit n’ont pas été constatés par la police. En somme, sa version ne pèse pas lourd face à celle des autorités. Elle le questionne sur ce permis qu’il n’a plus depuis un certain temps : pourquoi n’a-t-il pas tenté de le récupérer ?
– « Si, si, j’ai essayé, mais on me dit qu’il faut faire des démarches et attendre la fin de la suspension. »
« Monsieur ne comprend pas, eh bien il va comprendre ! »
Une situation inextricable, donc. Monsieur R. a huit mentions à son casier judiciaire, dont quelques-unes pour conduite sans permis en ayant consommé de l’alcool. « On a quand même une gradation de la sanction pénale, mais vous ne l’avez pas saisi », regrette la juge. Deux condamnations datent même d’il y a tout juste quelques mois. « Depuis novembre 2023, j’ai changé d’emploi, je suis manutentionnaire. Je ne touche plus au volant, le temps de régulariser mon permis. J’ai aussi arrêté l’alcool », insiste le prévenu.
La procureure ne se laisse pas convaincre par les explications de Monsieur R. et revient sur les conditions de l’interpellation non sans une pointe d’ironie dans la voix. « Monsieur est une trop bonne âme, malgré les risques qu’il encourt. » Ses explications sont « peu plausibles » selon elle, et surtout il y a ces condamnations antérieures qui n’ont pas suffi. « On a tout tenté, mais Monsieur ne comprend pas, eh bien il va comprendre ! Je demande six mois ferme avec mandat de dépôt. Il aura le temps de réfléchir à Fleury. »
Face à un réquisitoire aussi sévère, l’avocat de la défense rappelle que Monsieur R. reconnaît les faits et qu’il a pris conscience de ses actes : « Il a changé de travail, il a arrêté l’alcool. Il a agi par pure solidarité avec son collègue. Je vous prie de le juger avec clémence. »
Avant d’être extrait du box, Monsieur R. maintient que sa dernière condamnation en novembre a été un électrochoc. « J’ai trouvé ce travail de préparateur de commandes, je veux prouver à mes deux garçons que je peux être un autre homme. Qu’ils aient une bonne image de moi. » Au délibéré, la juge le déclare coupable et le condamne à quatre mois d’emprisonnement ferme. Monsieur R. a l’air sonné. Cette peine s’ajoute à une condamnation précédente. « Vous partez pour huit mois de détention », assène la juge.
Référence : AJU012x6