TJ d’Évry : « Quand une femme appelle la police, c’est un peu plus que des chamailleries ! »

Publié le 15/02/2024
TJ d’Évry : « Quand une femme appelle la police, c’est un peu plus que des chamailleries ! »
takasu/AdobeStock

Un homme d’une trentaine d’années est présenté au tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes pour des faits de violences conjugales sur son épouse. Face à la juge, ce prévenu a rechigné à aborder le fond du problème, minimisant même de façon outrancière les coups portés.

Monsieur S. s’avance à la barre, tenant avec lui une liasse de papiers dans une pochette rouge. Difficile de déceler aux premiers abords quelle est son attitude alors qu’il doit répondre de faits de violences sur son épouse devant la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry. Elle, est absente à cette audience.

Les faits ont eu lieu à Corbeil-Essonnes. Les policiers ont été appelés au domicile de Monsieur S. Sur place, ils ont constaté les blessures de la victime, sa femme, à savoir une plaie au visage et une autre à la main, ainsi que des traces de sang dans la salle de bains. Le couple a deux enfants, dont un bébé tout juste âgé d’un mois. La femme de Monsieur S. a raconté qu’une dispute a éclaté alors qu’elle était en train de changer le petit dernier car son conjoint s’était réveillé et avait manifesté son mécontentement. Elle n’a pas voulu voir le médecin légiste pour faire constater ses blessures.

À son audition, elle a déclaré que Monsieur S. a jeté le biberon, qu’elle et lui se sont lancés des insultes, qu’il lui a asséné une claque et des coups dans le dos, qu’elle l’a mordu pour se défendre. L’autre enfant a été témoin de la scène. Lors de son audition, Monsieur S. n’a rien souhaité déclarer. Va-t-il être plus loquace devant la juge ? « C’est ma famille, j’ai pas envie de parler de ça », balaie-t-il tout de go. Malgré l’insistance de la magistrate pour obtenir des explications, le prévenu reste sur sa ligne : « C’est un malentendu », « je conteste les faits », avant de donner frontalement sa lecture de la situation : « On s’est un peu chamaillé. » Une version difficilement concevable : « Elle s’est fait ça toute seule ? Quand il y a des blessures, ce n’est pas des chamailleries ! » Lui nie avoir frappé sa femme au niveau du visage. La juge regrette que le prévenu ne prenne pas l’occasion de donner sa version ou des explications et enfonce le clou : « Quand une femme appelle la police, c’est un peu plus que des chamailleries ! Vous nous dites que c’est une scène de violences réciproques, c’est bien ça ? »

« C’est un conflit qui part de pas grand-chose »

La victime a déclaré qu’elle envisage de reprendre la vie conjugale avec Monsieur S. Depuis les faits, le prévenu vit chez sa mère et n’a pas vu son épouse. Il a eu quelques contacts avec ses enfants. « Je veux revoir mes enfants, affirme-t-il, ça me fait mal au cœur. » La juge lui rappelle qu’il n’a pas d’interdiction de contact avec les enfants et qu’un tiers de confiance peut lui permettre de faire le lien. Il a deux mentions à son casier judiciaire pour des faits de violences qui se sont soldés par des peines de sursis.

La procureure ne se laisse pas attendrir par la souffrance que manifeste Monsieur S. Elle note en outre que la victime a évoqué auprès des policiers des violences antérieures et pointe le contexte très banal des faits pour lesquels le prévenu est présenté à la justice : « C’est un conflit qui part de pas grand-chose, elle était en train de changer l’enfant », déplore-t-elle, inquiète de ce qui pourrait advenir dans d’autres moments de vie quotidienne du couple. Elle regrette, tout comme la juge, qu’il lui soit si difficile de se remettre en question et de reconnaître des faits qui sont caractérisés. Elle rappelle enfin que le prévenu a déjà vu son sursis révoqué par le passé car il ne l’a pas respecté. Le parquet réclame une peine de six mois d’emprisonnement en sursis probatoire avec un stage de prévention des violences au sein du couple. La procureure demande aussi l’interdiction de contact pour le couple, demande qu’elle formule au vu de l’absence de la victime à cette audience.

« Elle est pas venue parce qu’elle voulait pas me voir comme ça », rétorque Monsieur S., qui poursuit : « Je veux vivre ma vie comme avant, je vis plus sans mes enfants, j’aimerais bien retourner chez moi… » La juge le coupe : « On a compris. »

Au délibéré, Monsieur S. est déclaré coupable et condamné à quatre mois d’emprisonnement. Il n’aura pas d’interdiction de contact et pourra reprendre une vie commune avec son épouse.

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