TJ d’Évry : « Qui avait l’interdiction de contact ? C’est vous. Pourquoi on vous retrouve avec elle ? »

Publié le 31/10/2024
TJ d’Évry : « Qui avait l’interdiction de contact ? C’est vous. Pourquoi on vous retrouve avec elle ? »
La salle des pas perdus du tribunal d’Évry est aux trois-quarts dédiée à la tranquillité des victimes. (Photo : ©I. Horlans)

Des violences conjugales, mais aussi un non-respect du contrôle judiciaire que la défense a réussi à justifier par l’état de santé de l’enfant du couple, voilà ce qui s’est joué devant le TJ d’Évry-Courcouronnes.

La victime n’a pas souhaité porter plainte et est absente à l’audience de la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes, mais le prévenu, Monsieur O. est lui bien présent pour répondre de faits de violences sans ITT sur sa conjointe.

Le 5 février 2024, à Morangis, des policiers sont appelés au domicile du couple. Madame O. leur explique que son mari l’a attrapé par les poignets, l’a griffé. Lui a affirmé qu’il s’agissait d’une dispute, et c’est cette version qu’il compte donner devant le juge.

Son récit est assez décousu : son épouse lui a donné des ordres, lui a dit de « dégager » sous peine d’appeler la police : « C’est comme ça qu’elle fait à chaque fois. » Le juge souligne une condamnation à deux mois de prison en 2021 pour des violences similaires. Le ministère public en profite pour demander une requalification et ajouter la récidive légale.

« Le français, vous le comprenez très bien ! »

Depuis, le couple est séparé. En cause, la situation médicale de leur unique enfant, aujourd’hui âgé de huit ans et autiste. C’est Monsieur O. qui s’occupe particulièrement de son suivi et d’assister aux consultations médicales, puisque son ex-épouse ne parle pas français. Il a arrêté de travailler pour cette raison.

Mais un autre élément vient compromettre les explications de Monsieur O. : en août dernier, il a été interpellé à Roissy pour non-respect de son contrôle judiciaire. En effet, malgré l’interdiction de contact, il était avec Madame O., qui a été entendue : elle avait besoin d’aide pour leur fils.

– « Qui avait l’interdiction de contact ?, s’énerve la procureure. C’est vous. Pourquoi on vous retrouve avec elle ? Qu’auriez-vous dû dire ?

– Madame a appelé son frère, c’est lui qui m’a appelé, moi je savais pas… »

La procureure trépigne, manifeste ostensiblement qu’elle n’en croit pas un mot.

– « Vous avez du mal à comprendre les règles, le principe de la loi, les décisions judiciaires !

– Le français…

– Non, le français, vous le comprenez très bien ! »

Elle demande s’il accepterait en cas de condamnation de faire des heures de travaux d’intérêt général. Le juge intervient pour lui rappeler que le prévenu a fait une demande à la MDPH, il ne peut pas travailler.

« La présence de Monsieur était requise. Seule, elle n’arrive pas à faire face »

« Une victime de violences alerte de la situation et sous la pression des uns et des autres va se retirer, minimiser, et un prévenu qui conteste les faits et trouvera toujours des excuses », résume le ministère public. Elle requiert une peine de 100 jours-amendes à 6 euros, ainsi que l’exécution d’un stage de prévention des violences au sein du couple.

L’avocat de la défense est aussi celui qui suit Monsieur O. dans sa procédure de divorce. Il s’agace des sous-entendus de la procureure selon laquelle il aurait exercé des pressions. « Il reconnaît les faits, il reconnaît des difficultés dans le couple, des difficultés avec l’alcool, il n’a pas de dénégations ! » Il explique que Madame O. a besoin d’une assistance constante pour s’occuper de leur enfant et qu’elle a eu une opportunité de l’emmener en Inde auprès d’autres médecins. « La présence de Monsieur était requise. Seule, elle n’arrive pas à faire face. C’est un enfant hyperactif, qui a des accès de colère, qui peut se faire mal à lui-même. » Une remarque qui lui permet de questionner les blessures de Madame O. dans ce dossier.  « Ne découleraient-elles pas de leur fils ? Je demande la relaxe, il n’y a pas d’éléments matériels ou intentionnels. »

Au délibéré, les faits sont requalifiés en récidive. Monsieur O. est condamné à 100 jours-amendes à 3 euros et devra effectuer un stage sur les violences intrafamiliales.

Plan