TJ d’Évry : « Un homme qui touche à sa femme, c’est même pas un homme, c’est un minable ! »
Convoqué pour répondre de faits de violences contre son épouse, un homme a tenté de s’expliquer… et a passablement agacé le président de la chambre.
« Il ne s’est rien passé ! » Ce sont les premiers mots adressés au juge que prononcent Monsieur J. Le sexagénaire se tient devant le président de la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes où il comparaît pour des violences contre sa conjointe, des faits qui remontent à deux dates en septembre 2023 : elle affirme qu’il lui a serré le cou et a reçu des crachats, occasionnant un jour d’ITT.
Invité à donner sa version, il s’engage dans un long récit des jours qui précèdent les faits, les disputes avec son épouse concernant leurs emplois du temps respectifs. Mais trop de contexte tue le contexte : « On peut arriver aux faits Monsieur ?, s’impatiente le juge. Je ne suis pas sociologue, ni psychologue, que s’est-il passé le jour des faits ? »
– « Il ne s’est rien passé ! C’est uniquement verbal, y’a rien, je l’ai pas touché ! Elle était dans la cuisine, moi dans le couloir.
– Ses déclarations à elles sont sensiblement différentes… »
Le prévenu coupe le juge en niant avoir craché sur sa femme, qui l’aurait traité de « chien », de « bon à rien ». L’agacement monte d’un cran.
– « Comment vous expliquez qu’elle dise que vous l’avez attrapée à la gorge ?
– Je vous jure, un homme qui touche à sa femme, c’est même pas un homme, c’est un minable !
– Comment vous expliquez les déclarations de Madame… »
De nouveau, Monsieur J. intervient sans attendre. Le président fait une parenthèse ferme sur l’attitude à tenir face à lui : ici, c’est lui qui détient la police de la parole. Hors de question qu’on l’interrompe à nouveau.
« Je peux pas cracher sur elle ! »
– « Elle se défend comme elle peut…, reprend le prévenu.
– Vous ne vous êtes pas posé la question de pourquoi elle dit ça ?
– C’est une altercation verbale, je l’ai pas tapé du tout.
Qu’en est-il de l’autre date qui concerne des faits similaires ? À nouveau, le prévenu nie en bloc.
– « J’ai pas craché dessus, j’ai craché par terre ! Je peux pas cracher sur elle !»
Le juge est excédé : il cite le témoignage d’une voisine qui entend régulièrement des insultes réciproques. Les disputes étaient-elles régulières ? Le prévenu contourne encore les questions, argue que son français reste sommaire, qu’il a tout appris en arrivant en France dans les années 80.
– « Je veux bien entendre que vous maîtrisez mal le français, mais la question est simple, compréhensible : est-ce que votre couple allait bien ? Y’avait-il des disputes ?
– Jamais. »
Face à l’emportement du juge, un agent de sécurité du tribunal glisse une tête pour vérifier que tout va bien.
– « Non, il ne s’est rien passé, à part l’altercation verbale et c’est elle qui m’a pris à partie.
– Vous êtes victime de Madame ?
– Je suis pas une victime ! »
« Il est perdu, désemparé, honteux »
– « Pourquoi vous crachez ?, veut comprendre la procureure.
– C’est une habitude, c’est pas pour l’humiliation, c’est pour se vider de la colère.
– C’est quoi un crachat ?
– C’est méchant, c’est pas bon. »
Sous contrôle judiciaire, Monsieur J. n’est pas très assidu pour répondre aux convocations de son suivi. Une erreur de numéro de téléphone, assure-t-il. Il aurait dû s’en inquiéter bien plus tôt, fait remarquer le juge. Il a cependant respecter l’interdiction de contact avec la victime.
« Monsieur J. tourne autour du pot sans aller à l’essentiel, il a du mal à admettre la vérité et ne répond pas précisément aux questions. Ces déclarations ne sont pas compatibles avec les déclarations des enfants et de la voisine », estime le ministère public, qui constate toutefois un contexte tendu et des insultes de part et d’autre. Quatre mois avec sursis est la peine requise, assortie d’un stage de prévention des violences au sein du couple.
Le prévenu a un casier vierge, rappelle la défense. « Il le dit, ce tribunal est un endroit où il ne veut pas être. Il est perdu, désemparé, honteux, il a fait un malaise la veille de la comparution, il n’est pas habitué au monde judiciaire. » Elle rappelle que le rapport médical indique une « absence de lésions avec les faits allégués », mettant ainsi à mal les déclarations de Madame, et demande à s’en tenir aux éléments matériels. « Il a reconnu le crachat, il a toujours contesté l’étranglement. Elle demande la relaxe « pure et simple ».
Ce sera la décision du juge. « Merci beaucoup », souffle Monsieur J. qui s’engouffre vers la sortie sans demander son reste.
Référence : AJU015p8