TJ d’Évry : « Y’a des policiers qui font mal leur travail »
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Un mois après un guet-apens médiatisé contre les forces de l’ordre à Corbeil-Essonnes, deux jeunes hommes ont été présentés devant la justice. Mais ont-ils seulement participé aux attaques ?
Anthony* et Omar* se présentent à la barre sans avocat dans la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes. Tous les deux ont à peine la vingtaine et comparaissent pour des faits de violences sans ITT, transport et détention de produit explosif, en l’occurrence un mortier, et un refus de donner le code de déverrouillage de leur téléphone.
Les faits ont eu lieu dans la nuit du 28 octobre, alors que les policiers de Corbeil-Essonnes sont venus pour sécuriser l’action des pompiers dans le quartier de la Nacelle. Ils ont été pris pour cible par des individus équipés de mortiers. Un « guet-apens » dont la presse s’est fait l’écho. Selon un policier, Anthony et Omar font partie des quelques individus identifiés : le premier en train de jeter des pierres en direction des policiers, le second avec une chandelle romaine à la main.
« Les OPJ, je leur faisais pas assez confiance »
Omar a été interpellé et son domicile perquisitionné, ce qui n’a rien donné. Il a contesté avoir fait partie du groupe ayant attaqué les policiers, ni avoir été en possession d’un mortier. Il était à proximité de la rue de la Papeterie où s’est déroulée l’attaque, mais s’est rendu chez un ami ce jour-là. Anthony s’est, quant à lui, présenté au commissariat. Il a expliqué avoir passé la soirée du 28 octobre chez lui car il devait prendre un avion tôt le lendemain pour Nice, ce que sa mère a confirmé. Aucune empreinte exploitable n’a été retrouvée sur les mortiers.
Devant la juge, ils maintiennent tous les deux leurs déclarations. Elle souhaite comprendre les raisons qui les ont amenées l’un et l’autre à refuser de donner les codes de leur téléphone. « J’avais peur du risque d’être mis sur écoute, justifie Anthony. C’est ma vie privée et ça ne concerne que moi. » Peu convaincant pour la juge qui explique patiemment que les policiers ne sont pas là pour regarder leurs photos intimes, encore moins pour les mettre sur écoute.
Réponse à peu près similaire pour Omar :
– « Les OPJ, je leur faisais pas assez confiance. Je cache pas les photos avec ma copine sur mon téléphone…
– Ils ne vont pas faire la liste des messages d’amour avec votre petite amie ! Il n’y aurait eu que les éléments qui concernent les faits. »
Omar en profite pour aborder certains comportements de policiers dont il a été témoin sur la Nacelle lorsqu’il a été contrôlé le jour des faits, dans l’après-midi qui a précédé les attaques. Des caméras désactivées, des provocations à l’égard des jeunes, des coups de taser. « Ils cherchaient l’outrage, insiste Omar. Y’a un réel problème avec la police de Corbeil-Essonnes. »
La juge et les assesseurs relèvent peu les déclarations d’Omar. La tension entre les jeunes et les forces de l’ordre est pourtant connue. Quelques jours après les faits, la militante engagée contre les violences policières, Assa Traoré a pris la parole pour dénoncer des contrôles au faciès récurrents, rappelle Omar.
« Mais vous trouvez ça normal que des jeunes tirent sur la police avec des mortiers ? », interroge une des juges assesseurs.
– « Non c’est pas normal, Madame…
– Tous les jeunes de France se comportent comme ça ?
– Y’a des policiers qui font mal leur travail.
– Il y a possibilité de porter plainte !
– Et vous pouvez écrire au procureur », renchérit la juge.
« J’ai pas de soucis avec les forces de l’ordre »
Anthony a une mention à son casier judiciaire pour conduite sans permis, tandis qu’Omar a deux décisions du tribunal pour enfants. Tous les deux sont en formation.
La procureure estime leur prise de conscience « un peu limitée », insiste sur la dimension violente du rassemblement contre les policiers, un « guet-apens », répète-t-elle. Face aux peurs d’Anthony d’être mis sur écoute, elle déplore « un délire » : « Il dit qu’il ne fait pas confiance, mais c’est pas un service public, la police ! » Elle rappelle qu’ils étaient au courant du rassemblement et requiert des peines d’emprisonnement assorties du sursis probatoire, sept mois pour Anthony et dix pour Omar, ainsi que l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté.
Sans avocats, les deux jeunes prévenus ont la parole. « Vous mentionnez que je ne connais pas la loi, c’est vrai, reconnaît Anthony. J’ai vu les mortiers, oui j’étais au courant. Concernant un problème avec la justice, y’a aucun lien. J’ai pas de soucis avec les forces de l’ordre. Je suis rarement présent lors des contrôles. » Omar, lui, n’a rien à ajouter.
Ils sont tous les deux relaxés pour les violences et le transport et détention de mortier. Pour le refus de donner leur code, ils écopent l’un et l’autre d’une amende de 300 euros.
*Les prénoms ont été modifiés.
Référence : AJU016j9
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