Tribunal de Meaux : « Allah Akbar ! Jésus est mort à 33 ans, j’aurai ma ceinture »

Publié le 09/11/2023

À Mehdi, qui comparaît devant le tribunal de Meaux (Seine-et-Marne), une question essentielle sera posée : a-t-il conscience « de faire peur » et « du contexte » géopolitique, accentué par l’état d’urgence en France ? Il se dit « désolé d’avoir parlé tout seul » – crié, plutôt – et d’avoir « mis un coude » sur la nuque d’un policier.

Tribunal de Meaux : « Allah Akbar ! Jésus est mort à 33 ans, j’aurai ma ceinture »
Intérieur du TJ de Meaux ©I. Horlans

 Mehdi, sosie du Monsieur Propre, le personnage de la publicité de Procter & Gamble, adopte jusqu’à son attitude : bras croisés sur sa large poitrine. Crâne chauve, tee-shirt rouge, il en impose dans le box des prévenus de la chambre des comparutions immédiates du tribunal judiciaire de Meaux – même si depuis son arrestation, le 3 novembre, il s’est adouci. Le Marocain de 30 ans assure que ses propos, furieux et ambigus, ont fusé « à cause de [son] énervement pour des raisons personnelles ».

Ce vendredi-là à 13 h 30, venant récupérer son courrier dans les locaux d’un mouvement associatif qui l’assiste, il a hurlé « Allah Akbar ! Jésus est mort à 33 ans, j’aurai ma ceinture ». Évidemment, l’agent de sécurité a « pensé à une ceinture d’explosifs », quand Mehdi jure qu’il faisait référence à celle portée pour boxer. Difficile à croire en raison des mots à caractère religieux préalablement prononcés. Mais attendons d’en savoir plus sur cet homme avant de trancher.

« J’ai juste posé mon coude sur sa nuque »

Il répond de menace de mort ou d’atteinte aux biens dangereuse pour les personnes contre un chargé de mission de service public, violence envers un policier venu l’interpeller à l’hôpital psychiatrique où il s’était réfugié. Examiné à l’unité médico-judiciaire, le fonctionnaire a subi des contusions au niveau des cervicales, justifiant deux jours d’ITT pénale. Il s’en sort bien au regard de la corpulence du rebelle. Mehdi se défend d’avoir souhaité blesser le plaignant, plus petit : « Je me suis débattu, j’ai pris un coup, j’ai encore mal. J’ai juste posé mon coude sur sa nuque. Je regrette. »

La présidente Isabelle Verissimo lui fait calmement remarquer qu’il « peut faire peur dans le contexte » national, international. La juge est douce car, ayant accès au dossier, elle sait combien le prévenu est inflammable. « Oui, admet-il, et pour cela je suis désolé. Mais je n’ai menacé personne, pas plus physiquement que moralement. Je parlais tout seul, c’est tout. » Pourquoi « Allah Akbar », la référence à Jésus ? « Pour ma propre personne », dit-il sans préciser plus avant. Il faudra se contenter de sa réponse énigmatique. Il répète que l’allusion à la ceinture n’a aucun rapport avec le terrorisme.

« Nous devons absolument garder un œil sur lui ! »

 La personnalité de Mehdi se révèle complexe, c’est un début d’explication. Depuis l’âge de 6 ans, il est suivi. Le psychiatre de Meaux, qui s’occupe de l’adulte qu’il est devenu, a témoigné d’un état « psychopathique limite qui est aggravé par sa consommation d’alcool et de cannabis ». Cependant, le spécialiste affirme que son patient « ne connaît rien à la politique », ignore « ce que signifie Sentinelle [l’opération de l’armée française, NDLR] ou l’état d’urgence ». Précision utile : « Il prend bien ses médicaments. »

Quand il a été localisé dans la soirée du 3 novembre, Mehdi qui s’était placé sous la protection de ses soignants, semblait inconscient de la frayeur qu’il avait suscitée à l’association Arile. D’où sa rébellion. On apprend qu’il est le seul survivant de sa famille installée en France, et ce depuis 2016, qu’il perçoit seulement l’allocation d’adulte handicapé. Une vie de misère.

La procureure Marlène Leroy n’en est pas moins inquiète. Si elle considère « sa jeunesse difficile, son isolement, sa solitude », la parquetière relève un « problème avec l’autorité », notamment judiciaire, plusieurs « mesures et peines » l’ayant déjà sanctionné. « Il a été envisagé de le poursuivre pour apologie du terrorisme », rappelle-t-elle. Furieux, le prévenu se rue vers la sortie du box. « Monsieur, la vie en société, c’est écouter la contradiction », cingle la procureure. Mehdi retourne à sa place, contre le Plexiglas. « Nous devons absolument garder un œil sur lui », conclut-elle, requérant la peine de huit mois avec sursis probatoire de deux ans, l’obligation de soins et de formation à un emploi.

En défense, Me Sylvie Queille considère que « la menace de mort n’est pas constituée » par « trois phrases incohérentes », et plaide la relaxe. Elle s’en remet pour le coup porté au policier, non contesté, souhaitant néanmoins « que le tribunal tienne compte de sa personnalité fragile ». Mehdi ajoute trois mots : « Je regrette sincèrement. »

Les juges le condamnent à six mois ferme, ordonnent le maintien en prison jusqu’à ce que, dans environ cinq jours, il bénéficie du régime de la semi-liberté. Mehdi endosse son anorak, tourne les talons, revient sur ses pas : « Je peux garder mon téléphone ? »

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